L’année 2014 est l’année internationale des petits États insulaires en développement, ainsi en a décidé l’Assemblée générale de l’ONU de décembre 2012. Ces 29 micro-États indépendants ont « tout pour plaire »: faible population (moins d’un million de personnes pour l’immense majorité), important isolement géographique dans des zones à événements climatiques contrastés, absence de ressources actuellement exploitables, et pour certains, une altitude maximale de quelques mètres. Seul avantage potentiel, la plupart des micro-États du Pacifique ont des ZEE importantes: ainsi l’archipel des Kiribati contrôle-t-il 3,437 Mkm2, sans pour autant se considérer comme une grande puissance maritime.
Le 11 juillet, les quelques « experts » présents à Genève ont dû débattre de trois thèmes: les défis que les PEID doivent relever en matière de transport et de logistique, l’exposition de leurs infrastructures de transport au changement climatique, le financement durable de systèmes de transport résilient.
En ce qui concerne le transport international essentiellement maritime, le constat est simple: petits volumes essentiellement à l’import et grande distance augmentent le coût du transport d’autant que les infrastructures portuaires ne permettent pas un coût du passage particulièrement optimisé. La seule expérience originale, mais qui n’a pas été couronnée d’un succès durable, est venue du Pacifique lorsque quelques États ont groupé leurs demandes de transport pour des vracs alimentaires. Cela a fonctionné une ou deux fois, le temps nécessaire à ce que les rivalités entre entreprises publiques soient plus fortes que l’intérêt commun. Ce handicap influence négativement une éventuelle activité de pêche destinée à l’export et freine le développement du tourisme de masse. Mais le pire n’est jamais sûr, notamment pour la Jamaïque ou les Bahamas grâce aux ports de transbordement qui y ont été créés pour les lignes conteneurisées. Même remarque pour l’île Maurice.
S’il est assez facile de se faire financer par la communauté internationale une ligne de chemin de fer pour un État continental, cela est impensable pour une ligne maritime indispensable à la desserte insulaire, a rappelé un intervenant. La disparition dans les années 1990 des armements publics des États où intervenait la Banque mondiale n’a pas été évoquée.
Même l’OMI se préoccupe des PEID qui bénéficient d’un programme de coopération technique. Le représentant de l’OMI n’a pas hésité à citer en exemple « l’excellent » registre d’immatriculation des îles Marshall. Excellence relative car selon le rapport 2013 du mémorandum de Paris sur le contrôle par l’État du port, le registre bis américain occupe la 17e place de la liste blanche, loin devant les Bahamas (11e place en forte chute depuis quelques années) mais devant les États-Unis d’Amérique (26e place). Le registre de Saint-Vincent et Grenadine et celui des îles Cook figurent sur la liste noire, respectivement à la 67e et 69e place. Il existe donc pour l’OMI un certain gisement de clientèle parmi les PEID.
Noyés ou affamés
Le Dr Leonard Nurse, de l’université des Antilles occidentales (Barbades), coordinateur pour les PEID de la 4e évaluation des Nations unies sur le changement climatique, l’a joué façon film d’horreur américain: l’augmentation de la température de l’air et des océans va entraîner l’expansion thermique de ces derniers. Cette hausse du niveau d’eau entraînera à son tour une croissance de l’amplitude des vagues. Des vents plus chauds augmenteront l’intensité des cyclones et probablement la fréquence des plus puissants. Par contre, il est impossible de dire si le nombre des cyclones va ou non augmenter. Sur les côtes, ces effets seront accentués par une baisse de la pression atmosphérique qui favorise une élévation du niveau de l’eau. L’augmentation du niveau de la mer sur le littoral de 17 PEID a été estimée pour les années 2025, 2050 et 2100, selon trois scénarios d’augmentation de la concentration de gaz à effet de serre. En cumulant les effets de la marée, du passage d’un cyclone de catégorie moyenne et de l’élévation du niveau moyen de la mer, on montre qu’un certain nombre de ports et d’aéroports devraient être « prochainement » submergés, plus ou moins fréquemment. Et comme ces États n’ont pas les moyens financiers et humains de reconstruire rapidement les infrastructures de transport, leur avenir est assez fortement compromis. Leur vulnérabilité est en hausse durable. Mais ils ne seront pas les seuls.
Au mois de juin, le gouvernement américain a publié sa 3e évaluation sur les conséquences du changement climatique sur les différentes parties du territoire national ainsi que sur les grandes filières industrielles et agricoles.
D’ici à 2100, par exemple, plus de 3 800 km d’autoroute pourraient être submergés dans la région du golfe du Mexique, si le niveau d’eau moyen monte de 1,20 m, ce qui est dans le domaine du possible. D’une manière générale, tout le système de transport américain, route, fer, fleuve et maritime est susceptible d’être gravement perturbé.
En fin de cession, un représentant de la Papouasie Nouvelle-Guinée a très clairement résumé la situation: le changement climatique est le résultat de l’émission du CO2 (entre autres gaz à effet de serre). Les principaux émetteurs sont les États-Unis, la Chine et l’Inde. Les PEID produisent très peu de CO2 mais ils subiront les effets les plus importants du changement climatique. « Donnez-vous l’argent promis », s’est-il écrié dans une vaste salle aux trois quarts vide.
La présidente de la cession, Marion V. Williams, ambassadrice de la Barbade auprès des Nations unies, après une trentaine d’années passées dans ces instances internationales, a noté qu’il y avait peu d’idées nouvelles et encore moins de solutions. D’année en année se répètent les mêmes choses.
À Samoa
La 3e Conférence internationale sur les petits États insulaires en développement souhaite:
• mesurer les progrès réalisés et les lacunes restant à combler;
• obtenir un engagement politique renouvelé mettant l’accent sur les actions efficaces permettant la poursuite des progrès;
• identifier les nouveaux défis, et les opportunités émergentes favorables au développement durable des PEID, ainsi que les moyens à privilégier pour y répondre;
• identifier les axes prioritaires afin que la mise en place du développement durable des PEID soit prise en compte dans l’agenda post-2015 des Nations unies.
La FAO se mobilise
« Le changement climatique se déroule sous nos yeux. La montée du niveau des océans, la hausse des températures de surface de l’air et de la mer et la modification des régimes de précipitations touchent tous les pays du monde. Mais les petits États insulaires en développement sont indéniablement plus vulnérables », a affirmé José Graziano da Silva, directeur de la FAO dans son allocution prononcée à la 3e Conférence internationale des Nations unies sur les PEID. Le changement climatique a des répercussions particulièrement profondes sur les PEID, dont il affecte la sécurité alimentaire, les moyens d’existence et les économies, a-t-il souligné.
Une réflexion sur le long terme et une approche plus globale s’imposent, a déclaré José Graziano da Silva. « Il ne suffit pas de donner aux personnes du pain pour garantir la sécurité alimentaire. Il faut les aider à produire de la nourriture, à s’adapter au changement climatique, à assurer leur accès aux aliments, y compris par une protection sociale (…) », a-t-il dit.
Par ailleurs, des coûts élevés de transport et de communications, des administrations publiques et des infrastructures onéreuses, et des possibilités limitées de créer des économies d’échelle entravent souvent la croissance et le développement des PEID.