La tension entre l’Union européenne (UE) et la Russie est montée d’un cran pendant l’été. Après la destruction par un missile du vol de la Malaysia Airlines en Ukraine, les responsables des gouvernements des 28 États membres de l’UE ont décidé d’imposer des sanctions contre les dirigeants russes. La réponse du gouvernement de Moscou ne s’est pas fait attendre. Dès le début du mois d’août, le Kremlin a décidé d’imposer un embargo sur tous les produits agroalimentaires des pays de l’UE, des États-Unis, de la Norvège, du Canada et de l’Australie. Des mesures qui sont entrées en vigueur rapidement de part et d’autre. Pour les différents secteurs économiques, ces annonces restent encore dans leur phase initiale. En France, le port de Dunkerque appréhende les conséquences de ces mesures avec prudence. « Le danger est là. Ces mesures touchent un secteur clé de la logistique des produits frais et du transport maritime à courte distance », explique Daniel Deschodt, directeur commercial du port nordiste. En contact avec les syndicats professionnels des secteurs économiques visés, il relate les tensions qui naissent de ces mesures. Déjà des premiers signes d’un relâchement de ces dernières sont envisagés avec notamment les exportations de produits agroalimentaires vers la Russie pour les cantines scolaires. « Une part de notre trafic vers la Russie vient du Maroc. Dunkerque joue le rôle de hub dans cette chaîne logistique. Ces trafics depuis le Maroc ne seront pas touchés par les mesures puisqu’il s’agit de produits marocains. Pour le moment, les opérateurs maritimes maintiennent leurs services », continue Daniel Deschodt.
La situation plus tendue à Hambourg
La situation est plus tendue sur le port de Hambourg. La direction du port allemand s’est rendue à Saint-Petersbourg au mois d’août. Pour les opérateurs économiques, la tension entre l’UE et la Russie ne sera pas sans effets. Avec des liaisons feeders régulières sur Saint-Petersbourg, la Russie s’affiche comme le second client du port de Hambourg. Kirill Alexandrov, directeur d’Arivist, une société logistique russe, a rappelé le poids de l’économique dans les décisions politiques. « La Russie et l’Union européenne devront vivre avec les conséquences de ces décisions. Ce que nous avons bâti depuis 20 ans sur la confiance pourrait être détruit rapidement. »
Du côté des opérateurs, les services réguliers avec la Russie sont maintenus. Team Lines, armement opérant des lignes régulières depuis Hambourg vers la Baltique confirme maintenir l’ensemble de ses services. « Il est encore trop tôt pour juger des effets de ces sanctions sur nos services. Nous sommes attentifs à l’évolution de la situation mais il faut attendre les premières semaines de septembre pour voir une évolution se dessiner », nous a confié un responsable de l’armement. Du côté de CMA CGM, qui assure notamment les lignes depuis Dunkerque, on réaffirme le respect des différents embargos. « À cette fin, le groupe CMA CGM porte une attention particulière à la nature des marchandises transportées et communique auprès de l’ensemble de ses partenaires en mer et sur terre les procédures mises en place. Les embargos actuels ne remettent pas en question la desserte des ports russes. L’ensemble des services est maintenu », assure l’armement marseillais. Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, l’Amérique du Sud pourrait tirer les marrons du feu. Pour suppléer l’absence de l’UE, les Russes se tournent désormais vers le marché sud-américain. Le Brésil et le Chili sont en bonne position pour prendre des parts de marché en Russie. « Et quand les chaînes logistiques sont modifiées, toute la difficulté est de revenir en arrière. Nous craignons de voir les approvisionnements russes s’organiser depuis l’Amérique du Sud. Il sera difficile ensuite de remettre en place ce que nous avons mis des années à bâtir », explique Daniel Deschodt.