Les investissements prévus dans le secteur de l’énergie sont insuffisants pour répondre à la demande d’ici 2035

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Le 3 juin, dans le cadre de la série World Energy Outlook, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) a publié un rapport spécial sur les investissements prévus dans le secteur de l’énergie à l’échelle mondiale à l’horizon 2035 (Global Energy Investment Outlook). Le dernier rapport de l’AIE sur le même sujet date de 2003. « Nous avons décidé d’étudier le niveau des investissements car beaucoup de nos espoirs et de nos inquiétudes concernant l’avenir du système énergétique mondial, sa fiabilité, sa rentabilité, sa durabilité, tournent autour de cette question », a déclaré Maria van der Hoeven, directrice générale de l’AIE, lors de la présentation du rapport spécial à Londres. Quel est le niveau d’investissement nécessaire pour répondre à la demande en énergies et/ou aux objectifs liés au réchauffement climatique? Les conditions politiques et de marché seront-elles capables à elles seules de créer suffisamment d’opportunités d’investissements dans les régions ou pays qui en ont le plus besoin, à savoir l’Europe, les États-Unis, la Chine et l’Inde? Les conditions de financements seront-elles suffisamment attractives pour amener les investisseurs à saisir les opportunités offertes? Les décideurs politiques sauront-ils convaincre les acteurs concernés qu’il faut privilégier des investissements dans des projets et solutions instaurant un système énergétique mondial plus respectueux de l’environnement et plus sûr? Telles sont les questions auxquelles le rapport spécial de l’AIE cherche à répondre.

Un scénario à 48 Md$

La satisfaction des besoins de plus en plus croissants de tous les pays du monde en énergies nécessite plus de 48 Md$ d’investissements d’ici 2035, précise le rapport, au lieu des 40 Md$ actuellement prévus à ce jour au niveau mondial. « Il faudrait que les investissements annuels dans l’approvisionnement énergétique d’un niveau actuel de 1,6 Md$ augmentent régulièrement au cours des décennies à venir pour atteindre 2 Md$ afin de satisfaire la demande en 2035 », précise l’AIE. Ces 48 Md$ d’investissements se décomposent en 40 Md$ pour augmenter l’approvisionnement en énergies et en 8 Md$ pour améliorer l’efficacité énergétique. La moitié de l’investissement pour l’approvisionnement énergétique, soit 20 Md$, permet juste de maintenir la production au niveau actuel, c’est-à-dire compenser la baisse de production des champs de pétrole et de gaz, remplacer les centrales électriques et autres équipements qui atteignent la fin de leur vie productive. L’autre moitié sert à faire croître réellement la production afin de répondre aux besoins énergétiques futurs en essor constant jusqu’en 2035, selon les prévisions de l’AIE. Les 8 Md$ d’investissements pour l’efficacité énergétique doivent être concentrés dans les principaux marchés de consommation, soit l’Union européenne, l’Amérique du Nord et l’Asie (Chine et Inde). « La fiabilité et la durabilité de notre système énergétique futur dépendent de tels niveaux d’investissement, a continué Maria van der Hoeven. Pour y parvenir, il faut des engagements politiques forts et la mise en place de plans stables de financement à long terme. À défaut, il existe un risque réel d’échec sur les futures capacités mondiales d’approvisionnement de l’énergie. »

Des combustibles fossiles dominants

Tout en alertant sur l’effort considérable à mener sans tarder en matière d’investissement dans la production d’énergie et l’efficacité énergétique pour satisfaire la demande mondiale d’ici 2035, l’AIE souligne que la situation a tout de même évolué de manière positive au cours de la dernière décennie. Selon des données récentes, l’investissement annuel dans les nouveaux carburants et la production d’électricité a plus que doublé depuis 2000. Les investissements dans les énergies renouvelables ont quadruplé au cours de la même période, grâce à de fortes politiques de soutien. L’AIE relève que les investissements dans les énergies renouvelables sont plus élevés dans l’Union européenne que ceux dans la production de gaz naturel aux États-Unis. Les énergies renouvelables, les biocarburants et l’énergie nucléaire représentent désormais environ 15 % des flux annuels d’investissement, les réseaux de transmission et de distribution d’électricité atteignent une part similaire. Cependant, l’AIE note que la grande majorité des dépenses d’investissements actuelles, soit plus de 1 Md$ par an, demeure liée aux combustibles fossiles: extraction, raffinage du pétrole brut en produits pétroliers, transport vers les consommateurs. Il ne faut pas non plus oublier la place toujours très importante du charbon pour la production d’électricité ni la persistance de subventions à la consommation d’énergies fossiles dans certains pays. Chaque année, ce sont seulement 600 000 $ qui sont investis dans le développement des énergies autres que fossiles. Une somme que l’AIE recommande au moins de doubler.

Le rôle essentiel du secteur privé

Si la situation a évolué de manière positive depuis 2000. « C’est grâce à des décisions d’investissements influencées par des mesures et des incitations politiques émanant des États et des gouvernements », indique l’AIE. Ces derniers ont donc conservé une influence directe sur les investissements du secteur de l’énergie, « même après l’ouverture des marchés de l’énergie à la concurrence ». Pour l’AIE, cette présence forte des États constitue un point positif mais ne doit pas se transformer en frein aux investissements issus du secteur privés. « Les décideurs politiques sont confrontés à des choix de plus en plus complexes. Ils tentent de progresser vers une plus grande sécurité énergétique, une meilleure compétitivité tout en respectant les impératifs environnementaux », a avancé Fatih Birol, économiste en chef de l’AIE en charge de la direction du rapport spécial. Les responsables politiques changent également au gré des alternances politiques pouvant entraîner des évolutions de décision en matière d’investissement pour l’approvisionnement en énergies. Or, pour l’AIE, « la demande mondiale en matière d’énergie, les contraintes d’efficacité énergétique et les impératifs environnementaux ne seront pas atteints sans la mobilisation des investisseurs et des capitaux privés ». De plus, « si les gouvernements changent les règles du jeu de façon imprévisible, il devient très difficile pour les investisseurs de jouer leur rôle et de se lancer dans les projets nécessaires ». L’AIE donne en exemple l’Europe « où les règles actuelles du marché n’incitent pas les acteurs privés à se lancer dans les investissements nécessaires pour la réalisation des nouvelles centrales thermiques, avec des conséquences (si ces règles ne changent pas) sur la fiabilité de l’approvisionnement en électricité » du Vieux Continent. Pour l’AIE, la participation du secteur privé aux investissements, aussi bien dans l’approvisionnement en énergie que dans l’efficacité énergétique, apparaît alors « essentielle » ainsi que la nécessité de « réduire les incertitudes politiques et réglementaires pour attirer les capitaux privés ».

Une nécessaire mobilisation mondiale

Selon l’AIE, plus de 48 Md$ d’investissements d’ici 2035 sont donc nécessaires pour satisfaire les besoins croissants de tous les pays du monde en énergie. Or, toujours selon l’AIE, à l’heure actuelle, les États du monde ne prévoient que 40 Md$ d’investissement sur la période. Dans ces conditions, les objectifs de stabilisation du climat pour contenir le réchauffement climatique à 2 oC ne seront pas atteints à l’horizon 2035, estime l’AIE. Surtout, les auteurs du rapport spécial indiquent qu’il faudrait « 53 Md$ d’investissements cumulatifs dans l’approvisionnement d’énergie et l’efficacité énergétique d’ici à 2035 pour atteindre cet objectif climatique ». Aussi, en conclusion, l’AIE appelle les pays du monde à prendre rapidement conscience de ce possible échec et à se mobiliser en vue de prendre des décisions fermes lors de la conférence de l’ONU sur le climat, prévue à Paris en 2015.

L’exemple du gaz naturel liquéfié

La directrice générale de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), Maria van der Hoeven, a mis en avant le gaz naturel liquéfié (GNL), un marché pour lequel « les attentes sont élevées avec les nouvelles sources d’approvisionnement situées en Amérique du Nord ». Elle a rappelé que dans les scénarios de l’AIE, le GNL joue un rôle très important dans le mix énergétique mondial à l’horizon 2035 quel que soit son lieu de production/exportation. Elle a souligné que les futures exportations de GNL à partir des États-Unis vers l’Asie pourraient se réaliser à un prix relativement bas par rapport à ceux des autres zones géographiques. Toutefois, elle a aussi alerté sur le coût élevé du transport de GNL sur de longues distances, « près de 10 fois plus cher que le transport de charbon ou de pétrole brut ». Ce coût conduit à relativiser quelque peu les perspectives de développement des flux de GNL dans les années à venir. Il entraîne également des interrogations sur le prix relativement bas du GNL au départ d’Amérique du Nord, tel que prévu par certains experts. Aussi, il est indispensable de bien étudier l’échelle d’investissements entre les nouveaux trains de liquéfaction et les navires afin de déterminer le plus précisément que possible le prix du GNL à l’exportation afin que ce dernier constitue réellement une énergie intéressante et lucrative pour tous. Enfin, Maria van der Hoeven a alerté sur la nécessité d’augmenter dès maintenant les investissements en matière d’explorations/production de gaz et de pétrole au Moyen-Orient afin de prévoir « le plateau de production » de ces matières premières dans les pays hors de cette zone géographique à partir de 2020.

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