Collision entre le CMA-CGM-Florida et le Chou-Shan: que de la VHF en mandarin et pas le Ripam

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Vers 23 h 40, le 18 mars 2013, à 140 milles à l’est de Shanghaï l’un des trois 2e lieutenants du CMA-CGM-Florida (294 m, immatriculation britannique) laisse le quart au premier officier philippin. L’homme de barre change également. Les deux officiers font le point dans leur langue d’origine. L’écho du minéralier immatriculé au Panama n’apparaît pas sur l’écran du radar du porte-conteneurs.

En période de familiarisation, un premier lieutenant chinois monte à la passerelle du Florida durant la passation. Ne comprenant pas la discussion, il se concentre sur la paperasserie à remplir à la passerelle. La passation terminée, l’officier chinois demande à l’officier de quart de bien vouloir lui expliquer le fonctionnement de certains équipements. L’officier philippin ne veille plus le radar. À minuit, le 19 mars, changement de quart officier et timonier à la passerelle du Chou-Shan (289 m, Panama). L’écho du Florida vient d’apparaître dans un coin de l’écran radar du minéralier mais il ne fait pas l’objet d’échanges entre les deux officiers. Au même moment, le GPS du Florida sonne minuit, ce qui amène l’officier de quart à revenir derrière le radar et à faire le point sur la zone.

Un groupe de bateaux de pêche chinois est devant et ne répondra à aucun appel VHF diffusé en mandarin grâce à la présence de l’officier chinois sollicité par l’officier de quart. Celui-ci fait venir le Florida sur tribord afin de passer entre ces bateaux et le Chou-Shan qui arrive sur son bâbord avant. Deux autres navires sont sur zone. L’officier de quart du Chou-Shan (dont la langue de travail est le chinois) demande par VHF – et en mandarin – au Florida de passer sur son arrière. L’officier de quart du Florida ne comprend pas le mandarin et n’a pas conscience que l’officier chinois a « tacitement » accepté la demande du Chou-Shan. Les deux modifient leur route sur bâbord. Toujours par VHF, l’officier chinois du Florida et l’officier de quart du minéralier conviennent finalement de passer bâbord sur bâbord. L’officier chinois du Florida ne traduit pas toute la conversation à l’officier de quart qui perd la compréhension de la situation. Il se focalise sur le point de rapprochement maximum et sur le temps jusqu’à ce point. Ces informations sont données par l’AIS intégré au radar. L’avant du minéralier heurte le porte-conteneurs sur bâbord juste devant le château: cales 5 et 4 enfoncées, citerne à fuel lourd ouverte, 610 t de combustible à l’eau. Le bulbe du Chou-Shan est écrasé mais la cloison d’abordage résiste.

La VHF source d’accident

La MAIB ne se prive pas pour souligner que les officiers de quart des deux navires ont préféré utiliser la VHF contrairement aux recommandations des règles de conduite du navire éditées par la Chambre maritime internationale et à celles de la Maritime and Coastguard Agency. Bien qu’il n’avait aucune fonction attitrée, l’officier chinois a endossé un rôle de communicant extérieur en autonomie et a omis de traduire la totalité des conversations. Contrairement à la règle 15 du Ripam (le navire privilégié est celui qui vient par le tribord du navire non privilégié), l’officier du Chou-Shan a jugé pertinent d’utiliser la VHF pour organiser le croisement.

Les instructions permanentes des commandants des deux navires présumaient que les officiers de quart et les commandants partageaient la même compréhension des circonstances nécessitant d’appeler le commandant à la passerelle.

Les instructions permanentes du commandant du Florida concernant l’usage de la VHF en cas de situation rapprochée étaient ambiguës, estime la MAIB, et inexistantes en matière d’utilisation du radar et de l’intégration de l’AIS.

Le système de gestion de la sécurité de CMA CGM ne contenait aucune instruction relative à l’usage de la VHF en cas de risque de collision, pas plus qu’il ne recommandait au commandant de prévoir ce point dans ses instructions permanentes.

Le système de gestion de la sécurité de l’armateur du Chou-Shan contient une instruction qui est contraire au guide de procédures de passerelle édité par la Chambre maritime internationale.

Bien évidemment, les recommandations de la MAIB concernent principalement le rappel de l’importance de respecter et de faire respecter les règles internationales pour la prévention des abordages. Le BEAmer demande aussi que les instructions permanentes précisent les circonstances dans lesquelles le commandant doit être appelé à la passerelle.

Le BEAmer recommande à la Chambre maritime internationale et à la Maritime Coastguard Agency de mettre à jour leurs règles de conduite du navire en soulignant le danger que présente une compréhension de la situation, compréhension qui surestime les informations du radar basées d’une part sur le point de rapprochement maximum, et d’autre part sur le temps jusqu’à ce point, déterminés l’un et l’autre par l’AIS plutôt que par le suivi radar des mobiles.

Possible incompatibilité culturelle

La MAIB ne limite pas son analyse à « simplement » constater que les officiers de conduite ont fait peu de cas des règles de navigation internationale. Elle s’intéresse également aux interactions entre l’officier de quart philippin de 50 ans et l’officier chinois de 30 ans, tous les deux STCW II/100 W illimité. La MAIB explique qu’elle n’est pas en mesure de déterminer si ces deux personnes étaient ou non en conflit. Elle note cependant que les deux ont sérieusement dégradé la qualité de leurs échanges en utilisant des langues « étrangères ». Le BEAmer britannique fait également référence à de récentes recherches(1) qui suggèrent que bien qu’étant de rang similaire, l’officier chinois avait probablement du respect à l’égard de l’officier philippin du fait de son âge, de son expérience et de son autorité d’officier de quart. Une autre étude suggère cependant que navigants chinois et philippins sont « incompatibles » à bord d’un même navire(2). Un sujet délicat qui peut poser des problèmes aux compagnies qui recherchent les équipages les moins chers.

Force est de constater que la MAIB s’est confortablement assise sur le règlement européen de 2011 portant adoption d’une méthodologie commune pour enquêter sur les accidents et incidents de mer: la recherche des facteurs déterminants, sous-jacents, aggravant, etc., qu’ils soient d’ordre naturel, matériel ou humain ne semble pas être une préoccupation britannique.

Effects of national culture on human failures in container shipping. The moderating role of Confician dynamism.

The impact of Multicultural and Multilingual Crews on Maritime Communication.

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