Le MSC-Flaminia est un porte-conteneurs battant pavillon allemand à bord duquel un incendie s’est déclaré le 14 juillet 2012, alors qu’il se trouvait au milieu de l’Atlantique Nord, en route vers Anvers et en provenance de Charleston (États-Unis). À son bord, 23 membres d’équipage et deux passagers. Il transportait 2 876 conteneurs (soit 4 805 EVP), dont 149 contenant des marchandises dangereuses classées IMDG (convention Solas). C’est au sein de ces « dangereux » que s’est produit un incendie suivi d’une explosion. Cet accident majeur a fait trois morts ou disparus et deux blessés graves, et a entraîné l’évacuation du navire. L’incendie n’a été maîtrisé que le 23 juillet. Ce n’est que lorsque le navire sous remorque est arrivé à proximité des atterrages de la Manche qu’il a défrayé la chronique estivale. S’est alors posée la question cruciale: quel port ou lieu de refuge?
Le principe du port de refuge est fondé sur l’idée qu’un navire en difficulté y sera mieux pour traiter ses problèmes et éviter ainsi que leur aggravation en mer conduise à une catastrophe (comme cela a été le cas notamment pour le pétrolier Prestige au large de La Corogne). En l’occurrence, les ports envisagés s’étant récusés, c’est un port allemand qui, le 15 août, a accepté de le recevoir.
Il s’en est ensuivi alors un remorquage à risque au milieu du trafic dense de la Manche, du Pas-de-Calais et de la mer du Nord.
Un an et demi plus tard, le Bureau enquêtes accidents allemand, le BSU, dépose son rapport technique. Celui-ci s’avère en effet compliqué du fait de la concomitance des principaux événements: explosion, incendie, évacuation, sauvetage, remorquage et recherche d’un port de refuge mettant en scène l’équipage, l’armateur, les sauveteurs, les assureurs, les experts et les États côtiers.
C’est ce dernier point du rapport qui a semblé un des plus intéressants, eu égard à sa relative nouveauté, et surtout à sa complexité et à sa « complexification ».
Des recommandations, pas d’obligation
Ces règles, encore récentes, sont internationales (OMI), régionales (UE) et nationales. Leur origine se trouve dans deux résolutions: d’une part, la résolution A949 (23) de l’OMI et son annexe Guidelines on places of refuge for ships in need of assistance. Mais ce n’est qu’une recommandation, l’acceptation de refuge par l’État côtier faisant l’objet d’une « décision politique, au cas par cas, faisant la balance entre avantages pour le navire et risques pour l’État côtier », autrement dit à sa discrétion. Et d’ajouter que « suite à une demande de refuge, l’État côtier n’est pas obligé d’accepter, mais qu’il devra analyser toutes les données du problème, et accepter lorsque cela est raisonnablement possible ».
D’autre part, dans la résolution A350 (23) de l’OMI qui enjoint aux États côtiers de mettre à la disposition des navires, des armateurs, des sauveteurs et des autres États un point de contact (et un seul), MAS (Maritime Assistance Service), ce qui n’existe que dans quelques pays.
La directive 2009/17/EC de la Commission européenne demande aux États:
– de transposer la résolution A949;
– d’établir des plans d’accueil des navires en difficulté dans les eaux sous leur juridiction;
– de décider de l’acceptation d’un navire, après étude, en prenant en compte les risques pour la vie humaine et l’environnement.
Les réactions mitigées des États côtiers
Le sauveteur, celui qui a le plus d’éléments concernant l’état du navire, a « prospecté » un certain nombre d’installations portuaires susceptibles d’assister le navire, mais en vain:
– Irlande: non, suite à une approche informelle du sauveteur, sans demande.
– Belgique: même chose, mais en outre, le port de Zeebrugge n’offrait pas une profondeur d’eau suffisante.
– Espagne (Gijón): demande officielle du sauveteur rejetée pour informations insuffisantes, mais sans expertise.
– France (Le Havre): a reçu une demande officielle et a émis de nombreuses réserves, sans suite du fait de la décision de l’Allemagne d’accepter le navire.
– Pays Bas (Rotterdam): même chose.
– Royaume Uni: position géographique difficile (peu ou pas de ports dans le Sud-Ouest). SOSREP parvenu au MCA avant la demande officielle. Autrement dit, positions négatives, ou pour le moins réservées des différents États concernés, dont le BSU ne leur tient pas diplomatiquement rigueur, considérant qu’elles sont générées par l’imprécision des textes notamment en matière de coordination entre États, ce qui paraît évident, et l’absence d’obligation d’accepter le navire demandant refuge, ce qui est beaucoup moins évident.
Finalement, l’État du pavillon se décide à intervenir et accepte le navire. Son accord a été fondé sur plusieurs éléments: l’inspection du navire, les rapports et calculs de la société de classification, la consultation d’experts en liaison avec le sauveteur, l’action du Centre de coordination (interservices).
Dossier à reprendre
Les problèmes rencontrés sont principalement dus aux textes et notamment à la directive qui manque de précisions quant aux cas de refuge, aux communications, à la coordination, aux processus de décisions entre les États, à l’harmonisation des règles des États côtiers (quand ils en ont), à l’absence de liste des MAS européens (quand ils existent), à l’évaluation des risques. D’ailleurs, les deux seules recommandations du BSU relatives aux lieux de refuge s’adressent à la Commission européenne: la première lui demande de définir une politique permettant d’arriver rapidement à une décision acceptable par tout le monde. La seconde de faire en sorte que toutes les banques de données (Gisis, Global Integrated Shipping Information System de l’OMI, et Equasis) indiquent les coordonnées MAS de chaque État côtier.
Par ailleurs, les sauveteurs n’auraient pas suffisamment pris en compte les réserves raisonnables des États côtiers. Cela étant, il conviendrait de faire évoluer les connaissances et les mentalités, en se souvenant que:
– toutes les conséquences des catastrophes se produisant en mer au large des côtes occidentales européennes affectent inéluctablement leurs rivages;
– le principe de précaution n’est pas forcément bon conseilleur;
– par ailleurs, les règles présidant à la sécurité et l’exploitation des ports prescrivent toujours d’en interdire l’accès aux navires à risques, voire de « chasser » ceux qui s’y trouvent.