Quel rôle pour les ports français dans le commerce maritime de la Suisse d’ici cinq à dix ans?

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Les échanges commerciaux de la Suisse sont extrêmement florissants pour un pays d’à peine huit millions d’habitants avec un solde de la balance commerciale de plus de 26 MdCHF (21,37 Md€) en 2012 acquis principalement à la grande exportation, sur les marchés asiatiques et américains comme le montre le tableau ci-contre.

Si les principales branches exportatrices (en valeur), industries chimiques, pharmacie, instruments de précision, horlogerie, bijouterie, machines, appareils et électronique utilisent le mode de transport aérien, avec une remise du fret sur les plates-formes aéroportuaires de Zurich, Genève et Bâle, la grande majorité des flux (en poids) utilise la voie maritime. Bâle, terminus du bassin du Rhin supérieur, représente à cet effet la principale porte d’entrée et de sortie des trafics de produits alimentaires et d’énergie fossile dont la Suisse est très dépendante; le tout renforcé par le poids économique plus important de la zone alémanique par rapport à la Romandie. Entre le Rhin, au Nord, marqué par la trouée de Bâle et le verrou genevois au Sud, le plateau suisse est une zone marquée par un tissu industriel dense et une multiplicité de PMI-PME exportatrices. La transformation traditionnelle laitière et fromagère côtoie des industries à forte valeur ajoutée, comme l’horlogerie de haut de gamme ou la mécanique de précision. Aux deux extrémités, Bâle, interface multimodale, et Genève, plate-forme d’un commerce à forte valeur ajoutée sont en position d’exclaves territoriales.

Les conteneurs suisses passent par l’Allemagne

Disposant pourtant d’une longue frontière commune avec la Suisse, les ports français ne profitent guère de ces flux tant à l’import qu’à l’export. Les chargeurs suisses, toujours soucieux d’un développement durable, et les organisateurs de transport, favorables à la diminution de l’impact de la redevance pour le trafic poids lourds, combinent leurs intérêts pour faire en sorte que la Suisse soit le pays le plus consommateur de transport ferroviaire en Europe. Or, les terminaux de Bâle et Genève – ainsi que les plates-formes logistiques intermédiaires telles que Chavornay, qui dispose depuis 2003 d’un chantier public de transport combiné pour le traitement des conteneurs – ne sont pas connectés aux ports du Havre et de Fos.

Néanmoins, les grands flux de transit qui caractérisent l’espace suisse en général et cette région au pied du Jura en particulier, vont se retrouver essentiellement dans l’extrémité Nord de l’arc jurassien vers Bâle, pourtant particulièrement défavorisé sur le plan foncier, et plus en aval dans les ports du nord-ouest de l’Europe. Les ports rhénans s’affirment ainsi comme des pôles majeurs de transit pour les trafics suisses tandis que les ports français ne décollent pas. Les facteurs endogènes ont certainement joué un rôle essentiel, à commencer par les troubles sociaux qui ont fait fuir les chargeurs suisses et l’inaptitude des acteurs portuaires français à se mobiliser autour de projets partagés.

L’Helvète Express sur Fos perdu de vue depuis 2002

La dernière navette ferroviaire exploitée sous l’appellation Helvète Express entre Genève et Marseille a été arrêté en 2002, alors que c’est le port le plus proche de la Suisse. Or, un terminal intérieur ne peut vivre qu’avec des liaisons directes, ce que le système de transport par wagons isolés de CFF Cargo ou de la SNCF n’apporte pas. De plus, la contrainte de la distance reste forte en termes de coût et de délai pour un pays enclavé et il est hors de question d’acheminer, sauf exception, des conteneurs par la route sur des distances de 600 km ou plus. Le désir de construire de nouvelles navettes directes en partance de Suisse vers la Méditerranée a conduit les acteurs locaux à se rapprocher de plusieurs opérateurs de transport ferroviaire et d’autorités portuaires.

Depuis environ un an, les ports italiens sont de nouveau connectés au réseau ferroviaire suisse au travers d’une alliance entre IMS (anciennement Intercontainer/Interfrigo) et Hannibal (Contship Italia) qui opère deux navettes ferroviaires par semaine entre le terminal de Frenkendorf, près de Bâle, et les ports de Gênes, La Spezia et Ravenne via le tunnel alpin du Lötscheberg et Melzo (Milan).

Malheureusement, le lancement de nouveaux services au départ de Genève semble assez compromis par de trop nombreux facteurs négatifs liés à la disparition vers 2015/2016 du terminal de la Praille (proche banlieue de Genève), de travaux sur la ligne Cornavin-La Praille et de la saturation du réseau autoroutier Genève-Lausanne. À vrai dire, les chargeurs genevois ont aussi pris l’habitude depuis plusieurs années de transférer à l’import comme à l’export le fret local à Bâle. C’est dans ce contexte que le terminal de Chavornay – déjà connecté à la ligne ferroviaire Lausanne-Neuchâtel-Bâle, disposant d’un hinterland naturel s’étendant sur plusieurs cantons jusqu’à Bern et Bienne – peut, lui aussi, jouer sa carte vers la Méditerranée. Non seulement avec un raccordement à la navette précitée IMS – Hannibal au niveau de Brig (Haut Valais), mais aussi avec tout acteur marseillais qui souhaiterait mettre un terme à douze ans d’absence en Suisse romande. À défaut, le port du Havre, certes plus éloigné, mais dont les chargeurs suisses apprécient les avantages en termes de transit time et de densité de lignes, représenterait une sérieuse alternative aux ports rhénans qui connaissent aussi leurs faiblesses.

Enfin, la grande majorité des conteneurs traités dans les terminaux intérieurs suisses sont réalisés en carrier’s haulage par les compagnies maritimes afin de réduire les coûts de repositionnement des conteneurs vides et de limiter le stock de plus en plus coûteux sur les terminaux maritimes. La Suisse est par ailleurs le pays d’Europe qui abrite le plus grand nombre de sièges d’entreprises de logistique de taille mondiale (Kühne & Nagel ou Panalpina). On peut donc avancer sans grand risque que ces concepteurs de chaînes logistiques suisses, trait d’union entre les chargeurs et les transporteurs maritimes, souhaitent voir un jour s’affirmer les ports français comme un nouveau lieu de transit pour leurs trafics. Cela nécessitera vraisemblablement des investissements et des négociations, mais également la mise en œuvre, par les places portuaires françaises, d’une réelle stratégie de reconquête. Et non plus de simples voeux formulés lors de cocktails promotionnels.

Une écotaxe routière depuis 2001

La redevance poids lourds liée aux prestations (RPLP) a été mise en place en Suisse en 2001. Lors de son introduction, le tarif par tonne-kilomètre (t/km) a été fixé à 1,68 centime de franc suisse. En 2005, le tarif est passé à 2,44 ct, puis à 2,70 ct (0,02 €) de la t/km le 1er janvier 2008. Ce montant a été établi en fonction des coûts externes provoqués par le trafic routier des poids lourds et le nombre de t/km bruts recensés. (Source: Office fédéral du développement territorial ARE, Confédération suisse.)

Souhait entendu

Le souhait de voir la Suisse être de nouveau reliée à Fos par une liaison ferroviaire devrait se concrétiser avant l’été 2014, si l’on en croit Hervé Balladur, président de l’association de promotion de la place portuaire Via Marseille Fos qui l’a annoncé dans le JMM de la semaine dernière.

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