L’association française du gaz (AFG) a organisé sa convention annuelle le 12 mars à Paris autour du thème « bilan et perspectives gazières ». Le marché du gaz naturel en 2013 a été marqué par une faible demande en Europe dans la ligne des années précédentes, a indiqué Fabrice Noilhan, responsable étude et développement d’EDF. Ce dernier a notamment mis en avant la situation du secteur industriel où le gaz a été peu compétitif dans la production d’électricité dans les centrales électriques fonctionnant avec cette matière première en Europe. La consommation de gaz en Europe décroît régulièrement depuis 2009, a précisé Pascale Jean, associée chez PricewaterhouseCoopers, plus particulièrement au Royaume-Uni, Italie, Allemagne, France, Pays-Bas, Espagne et Belgique. Pour Maria-Luisa Berlosé, analyste du marché chez Total Trading, la consommation de gaz en Europe a même atteint un niveau « historiquement bas ». En conséquence, les importations de GNL en Europe ont continué à diminuer l’année passée. « Pour la France, une baisse de près de 50 % des importations de GNL a été enregistrée en 2013. Ce repli explique les problèmes d’alimentation du sud du pays, plus largement dépendant de l’arrivée des cargaisons de GNL en l’absence de bonnes conditions d’échanges de gaz avec le Nord », a continué Fabrice Noilhan.
Des prix d’import très divers
Une autre caractéristique de l’Europe est une stabilité voire un repli des prix du gaz depuis 2009, a expliqué Pascale Jean. Le prix d’import du GNL se situe aux alentours de 20 € à 25 € en Europe, dépasse les 40 € en Asie et tourne autour de 10 € aux États-Unis. La faiblesse du prix en Europe « favorise un détournement des cargaisons GNL vers l’Asie », selon Pascale Jean. Une affirmation partagée par Fabrice Noilhan pour lequel « une réorientation des flux de GNL vers l’Asie se confirme ». En 2013, les pays asiatiques ont consommé 75 % du GNL disponible afin de répondre à leurs besoins croissants, a indiqué Jean-Marie Daugier, directeur général adjoint en charge de la branche Global Gaz & GNL de GDF Suez. Ces nations sont aussi les destinataires privilégiés des flux de GNL car les prix d’achat y sont deux fois plus élevés qu’en Europe. Le principal pays importateur de GNL demeure le Japon, suivi de la Chine avec une part de plus en plus croissante. « Il faut désormais ajouter l’Amérique latine où les besoins en GNL de l’Argentine, du Brésil et du Mexique sont de plus en plus sensibles avec un prix d’import d’environ 15 € », a rappelé Maria-Luisa Berlosé.
Le GNL américain
L’autre fait marquant de l’année 2013 se situe du côté de l’offre de GNL « toujours stable en l’absence de lancement de nouveaux projets de production au Qatar tandis que les projets situés ailleurs dans le monde, en Australie et aux États-Unis, ne sont pas encore opérationnels », a poursuivi Maria-Luisa Berlosé. Les projets américains et australiens d’exportation de GNL devraient commencer à entrer en service à partir de 2016 avec une production atteignant sa capacité maximale entre 2025 et 2030. Selon des calculs de Total Trading, le prix du GNL américain à l’export pourrait être de 9 $ vers l’Europe et de 12 $ vers l’Asie. Aussi, selon Maria-Luisa Berlosé, « il serait donc plus intéressant pour les États-Unis d’exporter leur GNL vers les contrées asiatiques que vers celles du Vieux Continent ». Jean-Marie Daugier a présenté la même analyse: « Les exportations de GNL américain iront prioritairement en Asie où l’appétit de GNL est élevé. Le GNL ne viendra en Europe que s’il y trouve une valorisation intéressante. » La réorientation des flux de GNL vers l’Asie déjà existante devrait ainsi perdurer au cours de la décennie à venir, portée à la fois par une demande croissante des nations de cette partie du monde et par un prix attractif pour les pays exportateurs. Autrement dit, pour Jean-Eudes Moncomble, secrétaire général du Conseil mondial de l’énergie, « le monde du gaz est en train de glisser vers l’Asie, l’Afrique, les Amériques. L’Europe devrait réfléchir et s’interroger sur cette évolution ».
Deux prix du gaz coexistent
Depuis 2009, les prix du gaz exprimés en moyenne annuelle apparaissent très différents entre les trois zones mondiales d’échange de GNL, à savoir les États-Unis (4 $), l’Europe (10 $) et l’Asie (16 $). À cette situation il faut ajouter la décorrélation entre le prix du marché et le prix moyen observé sur les contrats de long terme indexés sur le cours du pétrole brut. Le premier est plus avantageux que le deuxième et conduit actuellement à des renégociations des contrats de long terme avec une introduction de prix du marché. « Deux prix du gaz différents coexistent donc actuellement, a insisté Pascale Jean, associée chez PricewaterhouseCoopers. Quand ces deux prix vont-ils se rapprocher l’un de l’autre? Et s’ils se rapprochent, la tendance ira-t-elle vers le prix le plus élevé, celui indexé sur le cours du brut, ou le plus bas, celui du marché? » À moyen terme, la plupart des analystes prévoient un alignement sur les prix du marché plutôt que sur ceux indexés sur le brut.
Le GNL, une alternative crédible pour le transport maritime
La convention de l’Association française du gaz (AFG) a aussi fait le point sur les pistes de développement du gaz dans les nations développées, et plus particulièrement comme carburant pour les secteurs du transport de marchandises et de personnes. « Le gaz comme carburant pour les transports est relativement prometteur, a déclaré Jean-Marie Daugier, directeur général adjoint en charge de la branche Global Gaz & GNL de GDF Suez. Le GNL constitue une alternative crédible pour le transport maritime » dans le cadre de la mise en œuvre de l’annexe VI de la convention Marpol dans la zone de contrôle des émissions d’oxyde de soufre en Manche, mer du Nord et Baltique à partir du 1er janvier 2015. Jean-Marie Daugier a aussi estimé que « les industriels doivent faire des efforts en matière d’innovation et de recherche-développement » pour favoriser le développement du GNL en tant que combustible pour le transport maritime. Sur ce sujet, l’AFG, et donc ses adhérents majoritairement des industriels spécialistes du gaz et du GNL, participe aux travaux de la mission de coordination sur l’utilisation du GNL en tant que carburant pour les navires mis en place au troisième trimestre 2012 par Frédéric Cuvillier, ministre chargé des Transports. La présence de l’AFG dans la mission de coordination GNL a permis « la rencontre de deux univers », celui des industriels et des armateurs, « qui ne se rencontraient qu’au travers des méthaniers qui transportent le GNL sur les mers du Globe », précise la revue Gaz d’aujourd’hui dans son numéro de mai-juin 2013. L’AFG s’intéresse aux stations satellites de GNL, aux canalisations et à l’avitaillement des navires mais aussi au transport du GNL par camion-citerne et le stationnement de ces derniers. La formation des équipages fait aussi partie des domaines d’intervention de l’AFG. Cette dernière « a aussi un rôle important dans les relations avec les autorités pour ce qui concerne les opérations de stockage et de soutage des navires […]. Il est apparu que les dispositions réglementaires existent pour instruire des dossiers d’installations classées mais celles-ci ne sont pas toujours adaptées au GNL. Un groupe de travail a été mis en place par la délégation générale de la prévention des risques, et la commission GNL de l’AFG a créé un groupe réglementation. L’objectif est de réaliser un guide méthodologique pour la construction des installations de stockage et soutage qui relève de la directive Seveso ». Ici, l’AFG et ses adhérents viennent en aide aux autorités portuaires confrontées à la nécessité de proposer à terme des solutions de soutage dans leur enceinte aux armateurs dotés de navires fonctionnant au GNL.