Quand quelques chargeurs « cousins » s’entendent bien

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Le groupe Auchan (Auchan, Atac Banque Accord), Saint-Maclou, Mobivia Groupe (Auto 5, Midas, Norauto), Oxylane (Decathlon), etc., toutes ces enseignes sont associés de près au « clan » Mulliez qui remonte à Louis Milliez. En 1955 est créé le GIE Association familiale Mulliez afin de conserver le patrimoine intact. À ce jour, l’association compte environ 550 membres.

Si les uns et les autres financent volontiers les créations d’entreprises des cousins et petits cousins, ils agissent également ensemble pour optimiser leurs achats. « Tout ce qui ne se vend pas en magasin peut faire l’objet d’appels d’offres en commun », résume François Soulet de Brugière, directeur général de la Société de recherche de synergies. « Il suffit que les responsables de deux entités pensent y trouver un intérêt commun ». Une sorte de « club Mulliez » fonctionne afin de réfléchir à ce qui pourrait être fait dans l’intérêt commun: les voyages professionnels, la publicité, les fournitures de bureau et… le transport maritime sont autant d’exemples d’achat en commun.

Bon an mal an sont achetés en commun 80 000 conteneurs FCL/FLC et un peu de LCL/FCL. L’import domine de loin l’export et l’on compte 1x20’pour 2x40’. Quelques conteneurs frigos et de vêtements suspendus complètent le tableau. Schématiquement, ces conteneurs sortent d’une quarantaine de ports (Extrême-Orient, sous-continent indien et Amérique latine) à destination de 35 ports de déchargement: de la Russie à Lisbonne et sur tout le pourtour du nord de la Méditerranée. Curieusement, Valence est le port principal en Europe compte tenu de l’importance des flux destinés à l’Espagne et le Portugal.

La Société de recherche de synergie (SRS, trois personnes en tout, d.g. compris) a pour vocation d’animer les groupes de synergies du club Mulliez. La SRS ne négocie rien et ne gère rien. Elle veille cependant à ce que les engagements pris en matière, par exemple, de volumes de conteneurs soient respectés globalement. « On est exigeant mais respectueux de notre parole », souligne François Soulet de Brugière. La SRS vit des cotisations de ses membres.

En insistant un peu, on obtient des cotations en euros, note François Soulet de Brugière, généralement en quai/quai, all-in, c’est-à-dire THC inclus même si, à l’embarquement, celle-ci est généralement payée par le fournisseur. « Je n’ai par contre jamais pu intéresser la moindre compagnie à passer un contrat de moyenne durée, disons sur trois ans sur la base coûts + marge », reconnaît le directeur général de SRS. « Elles préfèrent sans doute fonctionner comme des producteurs de matières premières. »

À l’arrivée dans le port de destination, chaque enseigne reprend son indépendance et désigne son transitaire pour effectuer le dédouanement et le post-acheminement, généralement en Carrier’s Haulage.

Une escale physique à Dunkerque est toujours demandée dans les appels et constitue un « plus », mais il faut bien se rendre à l’évidence, les grands porte-conteneurs desservant l’Extrême-Orient ne peuvent pas se satisfaire d’une escale de 400 mouvements, reconnaît François Soulet de Brugière.

Concernant le calage-arrimage des marchandises empotées et de la déclaration des poids, François Soulet de Brugière explique qu’avant même de passer une commande, l’acheteur négocie les conditions de calage-arrimage afin de s’assurer que les marchandises arriveront en bon état dans les entrepôts. En ce qui concerne la précision des informations sur le poids brut marchandise, les acheteurs sont attentifs à cette question surtout lorsque les conteneurs sont destinés par exemple au Brésil dont les Douanes exigent une déclaration au gramme près. Généralement, il n’y a pas de volonté d’indiquer un faux poids, estime François Soulet de Brugière qui souligne cependant que les transporteurs maritimes ont abaissé le seuil au-delà duquel s’applique une surcharge « conteneur lourd »: 10,4 t aujourd’hui contre 14 t auparavant. La créativité des compagnies en matière de surcharge a fait l’objet d’une sorte de concours au sein du groupe de synergie transport maritime du club Mulliez.

Le P3 nous pousse dans les bras des Chinois

Interrogé sur son sentiment vis-à-vis de l’alliance P3 regroupant Mærsk, MSC et CMA CGM, François Soulet de Brugière est catégorique: « Jamais nous accepterons que 80 % de nos boîtes passent par le P3. Cette alliance nous pousse dans les bras des Chinois. Les compagnies chinoises conteneurisées sont devenues en quelques années beaucoup plus fiables. Piloté par Mærsk, le P3 est de culture nordique alors que deux de ses membres sont méditerranéens. La CMA CGM risque de perdre l’une de ses grandes forces: la souplesse et sa capacité à s’adapter ».

D’autres alternatives semblent se dessiner, estime François Soulet de Brugière. « Nos acheteurs ont le sentiment que les grands fournisseurs chinois cherchent à installer des entrepôts en Europe ou en périphérie de celle-ci. Nous serions alors livrés en quatre jours, ce qui est bien plus confortable. Si je prends ma casquette de président délégué de l’Union des ports français, je note que plusieurs groupes chinois visitent les ports avec l’idée d’y installer des entrepôts. »

L’écotaxe européenne sur les transports favorise cependant l’installation d’entrepôts juste à l’extérieur de l’Europe. À Tanger-Med, par exemple, avec une petite ouvraison locale des marchandises afin que leur origine passe de chinoise à marocaine.

« Le slow steaming, qui nous a été imposé du jour au lendemain sans la moindre concertation, nous a fait perdre à l’import, quatre à cinq jours. Ce qui augmente le coût du stockage pour l’enseigne importatrice. Cela favorise également l’installation d’entrepôts les plus proches des zones de consommation. »

Utiliser le train depuis l’Extrême-Orient

Autre façon de contrer les éventuels effets délétères du P3 voire du G6, l’utilisation du train depuis l’Extrême-Orient. « Cela marche très bien, avec une garantie d’arrivée journalière », affirme François Soulet de Brugière. Il reconnaît que la capacité de transport d’un train complet est ridicule par rapport à celle d’un porte-conteneurs, mais il faut tenir compte de l’élasticité des prix. En déviant une petite partie du fret maritime vers le ferroviaire transcontinental, l’effet sur les prix est considérable. « Si les chemins de fer russes ont acheté 75 % de Gefco pour 800 M€, il doit bien y avoir une raison. Pour les aider à monter un réseau en Europe, peut-être. »

La voie d’eau a été expérimentée il y a une quinzaine d’années par des logisticiens de certaines enseignes Mulliez qui avaient la fibre « écolo », se souvient François Soulet de Brugière. Aujourd’hui, elle est économique dans certaines conditions en prenant en compte tous les coûts: celui de stockage des conteneurs dans un port maritime bien supérieur à celui d’un port fluvial, par exemple. La précision de la livraison selon que le conteneur vient de 200 km à 300 km ou de seulement 50 km. Etc.

L’utilisation de logiciels exploités par des sociétés américaines servant d’interface entre les systèmes informatiques des chargeurs du monde entier et ceux des compagnies maritimes ne préoccupe pas François Soulet de Brugière: « Nous n’avons pas une culture du secret dans la distribution. »

La TVA à l’import, qui devrait prochainement être payable en solde de fin de mois et non plus cash aux Douanes, s’adresse surtout aux PME dont la situation financière peut être fragile, répond François Soulet de Brugière. Les commissionnaires en douane, puis les banques de ces PME ont progressivement refusé de prendre tout risque concernant le règlement de la TVA. Vu de l’étranger, ce problème est devenu un « fantasme par lequel commence toute discussion avec une place portuaire. Il s’agit là d’un problème de communication qu’il fallait régler ». Un problème qui dure. La première demande remonte à février 1999, lors de la conférence de presse du Groupement interprofessionnel portuaire.

Pour finir sur une note optimiste, François Soulet de Brugière souligne que depuis cinq à six ans, l’administration de la Douane, de sa direction générale à sa base, est beaucoup plus attentive aux demandes des entreprises que par le passé. « On peut presque parler d’une approche commerciale. »

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