Une décision publiée le 13 janvier par l’Autorité italienne de la concurrence (AIC) a infligé à Moby S.p.A. (Moby) et Compagnia Italiana di Navigazione S.p.A. (CIN), dont Moby est aussi actionnaire, des amendes- de respectivement 500 000 € et 271 000 € pour ne pas avoir respecté les prescriptions imposées par la même AIC lors de la privatisation de l’ancienne compagnie d’État, Groupe Tirrenia. En particulier, l’AIC a reproché à Moby de ne pas avoir mis fin aux accords de code sharing et commercialisation avec les autres opérateurs sur les routes Civitavecchia-Olbia et Genès-Porto Torres. En outre, Moby et CIN auraient appliqué sur lesdites routes des augmentations des prix des billets supérieures à l’augmentation du prix du carburant entre 2009 et 2012, comme autorisé par l’AIC lors de la privatisation de Groupe Tirrenia. Les deux sociétés ont déjà annoncé qu’elles contesteraient cette décision auprès du tribunal administratif du Lazio.
La décision de l’AIC suit celle du 11 juin 2013 par laquelle cette autorité a infligé à plusieurs opérateurs privés des amendes d’un montant total de plus de 8 M€ pour entente illicite visant à constituer un cartel afin de faire augmenter les prix pendant la saison 2011. Elle a en effet jugé qu’au moment de la privatisation de Groupe Tirrenia – à travers le joint-venture créé entre Moby, Marinvest S.p.A. (Marinvest), qui contrôle également deux autres opérateurs, Grandi Navi Veloci S.p.A. et SNAV (GNV-SNAV) et Grimaldi Compagnia di Navigazione S.p.A. (Grimaldi) –, les opérateurs se sont entendus pour augmenter les prix entre 40 % et 65 % sur certaines routes. Et ceci, en dépit du fait que les augmentations des prix auraient pu avoir été causées par d’autres facteurs affectant l’industrie des ferries, comme le niveau élevé de transparence des prix et des conditions établies (les résultats des investigations laissaient suggérer que chaque société surveillait régulièrement les prix et les conditions offerts par ses concurrents) ou le coût des soutes (40 % plus cher pour la période concernée). Les pertes antérieurement subies et leur incapacité à fournir des explications sur l’alignement de leurs prix ont conduit l’AIC à déduire qu’elles avaient mis en place des pratiques anticoncurrentielles. Cette conclusion aurait été appuyée par le fait que, sur le même marché, la concurrence entre les différents acteurs était très forte les années précédentes.
Un recours collectif de 4 900 consommateurs?
D’un autre côté, l’AIC a abandonné ses investigations concernant Forship S.p.A., plus connu sous son nom commercial de Sardinia Ferries. Car selon l’AIC, en fixant ses prix, l’opérateur a simplement suivi les décisions des autres opérateurs du marché, notamment son principal concurrent (Moby) sur la route la plus rentable de Livorno à Olbia, et aucune preuve quant à l’implication de Forship dans l’entente n’a pu être établie.
La Cour de Gènes devra aussi se prononcer sur la recevabilité d’une class action de 4 900 consommateurs. Si c’est le cas, le procès pourrait constituer le premier recours collectif fondé sur une décision de l’AIC à avoir lieu dans un tribunal italien en vertu des dispositions relatives au recours collectif récemment introduites en droit italien.
Après les récentes décisions dans l’affaire Sardaigne, l’AIC enquête à présent sur les services de ferry dans le détroit de Messina, le golfe de Naples et de Salerme. Les observateurs seront attentifs à ces affaires.
En outre, le 22 janvier 2014, la Commission européenne a conclu une enquête sur les mesures d’aides accordées par la Région Sardaigne en faveur de Tirrenia afin de vérifier leur conformité avec la réglementation concernant les aides d’État et les Services d’intérêt économique général (SIEG). La Commission a retenu que ces mesures constituaient un avantage économique indu et a ordonné le recouvrement de 10,8 M€. Une investigation similaire, incluant la Société nationale Corse-Méditerranée (SNCM), a établi que l’aide reçue par cette dernière, selon un accord de délégation de service public conclu avec les autorités régionales corses pour la période 2007-2013, n’était pas justifiée par les règles des SIEG. La commission a condamné à un remboursement de 230 M€.
Les décisions ci-dessus créeront un précédent, non seulement pour l’industrie italienne de ferry mais aussi pour les autres secteurs de la navigation, et confirment que la navigation est et restera un domaine d’intérêt aussi bien pour les autorités de la concurrence à l’échelle européenne qu’à l’échelle nationale.