ENSM: « Tout reste à faire »

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JOURNAL DE LA MARINE MARCHANDE (JMM): POURRIEZ-VOUS NOUS RAPPELER LES GRANDES LIGNES DU PROJET D’ÉTABLISSEMENT EN DISTINGUANT L’EXISTANT, LES FORMATIONS STCW DU VIRTUEL, LES FORMATIONS D’INGÉNIEUR NAVIGANT ET PARAMARITIME?

FRANÇOIS MARENDET (F.M.): Faire vivre les quatre sites imposés passe par leur spécialisation: dès la rentrée 2014, en septembre, donc, toutes les classes de première année seront regroupées à Marseille. Quatre classes de 5e année seront installées au Havre et deux à Nantes. En septembre 2015, une classe, environ 32 élèves, de chef de quart passerelle « international » sera ouverte au Havre. Rappelons que le référentiel de cette formation nous est connu car nous l’avons expérimentée à Marseille. Les formations en devenir ne sont pas virtuelles mais en cours de montage. Un groupe de travail a été constitué, les travaux avancent et nous serons au rendez-vous fixé par le projet.

JMM: UNE EXPÉRIMENTATION CQ PASSERELLE QUI N’A PAS ÉTÉ UN FRANC SUCCÈS MALGRÉ LA DEMANDE PRESSANTE DE LA CMA CGM?

F.M.: Cela ne change rien au fait que l’ENSM dispose d’une certaine expérience en la matière.

JMM: LES DOCUMENTS DE L’ENSM INDIQUENT QUE CETTE FORMATION DE MONOVALENT PONT EST DESTINÉE AUX PERSONNES QUI SE DESTINENT À NAVIGUER SOUS PAVILLON ÉTRANGER. QU’EST-CE QUI EMPÊCHERA UNE COMPAGNIE FRANÇAISE DE LES RECRUTER POUR ARMER SES NAVIRES IMMATRICULÉS EN GRANDE-BRETAGNE, PAR EXEMPLE.

F.M.: Rien. Formés selon STCW 95, ils pourront embarquer sur tous les navires. Cela dit, notre cible, ce sont les 50 à 60 élèves français qui se forment à Anvers. Devraient s’y ajouter quelques élèves africains. Les cours seront donnés en français et en anglais. Je complète la réponse à la première question. En 2016 devraient sortir nos premiers ingénieurs. Mais pour l’instant, la priorité consiste à renouveler l’accréditation de la Commission des titres d’ingénieur. La première fois, celle-ci nous a habilités pour trois ans. Nous avons déposé une demande de renouvellement en fin d’année 2013. Un audit doit avoir lieu avant l’été afin notamment de vérifier si les recommandations faites ont été suivies.

JMM: CES RECOMMANDATIONS PORTAIENT SUR QUELS SUJETS?

F.M.: Le niveau perfectible des programmes de recherche et la qualité. Aujourd’hui, les professeurs et les élèves participent au programme Pegasis et à neuf autres projets de recherche. Mais nous devons améliorer le nombre de mémoires réalisés en commun entre l’École et d’autres établissements d’enseignement supérieur. Des réflexions sont en cours dans ce domaine comme dans d’autres. Notamment la certification qualité pour laquelle l’ENSM sera auditée avant l’été. Il n’y a pas de pause possible. Nous devons mettre en œuvre le projet d’établissement. D’autant que se profile la signature, à l’automne prochain, du contrat d’objectifs à trois ans entre l’ENSM et l’État.

JMM: QUELLES SONT LES PISTES DE RÉFLEXION ACTUELLES?

F.M.: Les discussions n’ont pas encore commencé.

JMM: COMMENT SE PRÉSENTE LA SITUATION FINANCIÈRE POUR 2014?

F.M.: Pour la première fois de la courte histoire de l’École, le budget 2014 voté est à l’équilibre. L’année 2013 s’est terminée avec un léger bénéfice car nos ressources propres ont augmenté notamment grâce aux revenus générés par la formation continue. Cette activité est importante pour l’École, mais la concurrence internationale est rude.

JMM: POURRIEZ-VOUS REVENIR SUR CE CONCEPT FLOU D’INGÉNIEUR NAVIGANT?

F.M.: À court terme, l’ENSM délivrera, en cinq ans ou cinq ans et demi, un titre d’ingénieur tout comme Centrale ou les Arts et Métiers. Deux cycles d’études sont prévus: 3,5 ans + 2 ans pour être officier ingénieur avec la délivrance d’un double diplôme, officier navigant et ingénieur; et 3 ans + 2 ans pour être ingénieur paramaritime. Dans le premier cas, tous les modules STCW seront couverts, y compris les travaux pratiques « maritimes » qui ont été un peu oubliés précédemment. D’où la nécessité d’introduire un semestre complémentaire après la 3e année. L’ingénieur paramaritime n’ayant pas vocation à devenir navigant, son premier cycle sera de trois ans durant lesquels il aura navigué un « certain temps ». Actuellement, en fin de 3e année, tout le monde a navigué environ cinq mois.

JMM: AUTRE CONCEPT ENCORE VIRTUEL, L’INGÉNIEUR PARAMARITIME?

F.M.: Il existe de nombreuses activités qui se déroulent en mer: l’exploration et l’exploitation pétrolière, les énergies marines renouvelables, les navires-usines, de liquéfaction de méthane par exemple, la recherche. Ces dernières pourraient trouver avantage à être conçues et/ou exploitées par une équipe comprenant un ingénieur qui, dans le cadre de sa formation initiale, a navigué un « certain temps », même fractionné. L’expérience pratique à la mer doit représenter un atout. J’insiste, à bord d’un navire, vous trouvez de la production, de la distribution et du stockage d’énergie. La complexité des systèmes est croissante. Y avoir passé plusieurs mois ne peut qu’être favorable à une carrière d’ingénieur.

JMM: AUTRE « INNOVATION »?

F.M.: Le concours 2014 sera ouvert aux admissions sur titre, niveau bac + 2, avec obligatoirement un entretien de motivation. Un centre de concours sera également ouvert à Paris afin de faciliter l’inscription des candidats venant de l’est du pays. Pour le concours 2015, la lettre de motivation et l’entretien seront obligatoires pour tous.

JMM: FAUT-IL COMPRENDRE QUE L’ON VA ENFIN S’INTÉRESSER AUX MOTIVATIONS DES ÉLÈVES POUR CE MÉTIER ATYPIQUE DE NAVIGANT?

F.M.: Oui. On s’intéresse même au mode de recrutement. Est-il normal que pour passer le concours d’une école post-bac, 7 % des candidats seulement le tentent directement alors que 90 % passent par une prépa? Nous souhaitons revenir au principe même de l’école qui est d’un niveau bac, qu’il soit technique ou scientifique. Une réflexion est en cours sur ce sujet comme sur plein d’autres: la pédagogie, la faible formation continue des professeurs, le retard important dans l’utilisation des techniques numériques dans l’enseignement pour lequel nous voulons élaborer une véritable stratégie à court et moyen terme (enseignement à distance, e-learning, etc.), ou encore la nécessité d’avoir des enseignants qui ont un vécu significatif de la marine marchande et de son environnement multiculturel. Tout reste à faire.

JMM: AU HAVRE, UNE CERTAINE RÉSISTANCE AU CHANGEMENT S’EST FAIT JOUR TANT CHEZ CERTAINS ÉLÈVES QUE CHEZ QUELQUES PROFESSEURS, VOIRE CHEZ LES ÉLUS. QUEL EST VOTRE DEGRÉ DE LIBERTÉ VIS-À-VIS DES COLLECTIVITÉS LOCALES?

F.M.: Important. Si vous voulez dire que s’applique la technique du « donnant-donnant », vous vous trompez. D’ailleurs, la spécialisation par site est là pour éviter cela, pour intégrer l’École dans son tissu régional. Ainsi le site de Nantes formera-t-il des paramaritimes en partenariat avec les établissements. Celui de Saint-Malo, des monovalents et des stagiaires venus pour suivre la formation d’évacuation du navire. La résistance au changement suit la courbe de Gauss. Il est donc normal qu’une petite fraction soit opposée à des modifications qui perturbent les habitudes. Mais quelle est précisément l’alternative depuis plusieurs années?

Permettez-moi d’appeler à la mobilisation de tous car nous devons construire le système. Cela passera par la construction d’une image de marque forte à Marseille où commence le cycle de formation des officiers et des ingénieurs paramaritimes.

Dans une partie des nouveaux locaux du Havre, les simulateurs de passerelle et de la machine seront reliés pour former un seul simulateur navire. Cela permettra d’entraîner pratiquement en vraie grandeur nos élèves et de renforcer une image que nous voulons internationale. En quelques mots, tout ou presque est ouvert. Il n’y a plus qu’à…

Formation polyvalente aux Pays-Bas, incertaine en France

L’Association des armateurs européens (ECSA) et la Fédération européenne des travailleurs des transports (ETF) sont à l’origine d’une intéressante étude intitulée Career Mapping Update 2013, financée par la Commission européenne. Son objectif est de trouver des solutions pratiques pour faciliter la mobilité et la progression des carrières en mer comme à terre de l’ensemble des navigants en Europe. Près de 2 000 élèves, navigants en exercice et navigants sédentaires, ont répondu à un questionnaire. Le rapport se divise en deux parties. Les enseignements de l’étude et une présentation État par État du nombre de navigants, du système de formation ainsi que de l’importance de la flotte de commerce.

Ainsi apprend-on explicitement que les Pays-Bas forment des officiers polyvalents, pont et machine. Que le nombre d’élèves officiers a augmenté de 32 % entre 2006 et 2011 et que pour cette dernière année, on comptait 830 capitaines, 2 090 officiers, 520 personnels d’exécution et 540 élèves (cadets).

La présentation du système français de formation laisse perplexe: « Les officiers de la filière A peuvent embarquer soit au pont soit à la machine. » À aucun moment le terme de polyvalent n’est employé. De la vraie communication professionnelle. Le nombre de navigants français, indication fournie par la DAM, impressionne: en 2011, 7 824 officiers et 8 365 PEX. En équivalent temps plein, cela doit être bien inférieur.

Le flou qui dure depuis plusieurs années sur le nombre réel de navigants au commerce commence même à agacer la Fomm UGICT CGT. Celle-ci a demandé le 11 février à la DAM de lui fournir, sur cinq ans, les chiffres « réels » par compagnie, catégorie de navires, nationalité et registre d’immatriculation, des marins embarqués sur les unités françaises, en distinguant les officiers du personnel d’exécution.

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