Gardes armés à bord de navires français: au mieux à l’automne

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Sans surprise, le projet de loi commence par le champ d’application: seules sont concernées les entreprises privées de protection qui, à la demande d’un armateur, protègent « contre les menaces extérieures » des navires immatriculés en France, équipages, passagers et marchandises inclus. Le terme de piraterie n’est pas utilisé. Il n’y a donc pas de référence à une zone qui serait en dehors de toute juridiction d’un État. Il est par contre précisé que cette protection se fera nécessairement à bord et non pas depuis un éventuel navire d’accompagnement.

Le champ d’action précise que la protection privée se fera « à l’extérieur de la mer territoriale » des États et dans des zones « fixées » par décret en raison des menaces encourues. Le même décret fixera les types de navires pour lesquels l’exploitant peut demander la présence de gardes armés. Selon Cécile Bellord, un simple arrêté serait plus souple pour fixer les zones autorisées. Par contre, Armateurs de France souhaite que tous les types de navires puissent être protégés.

Le nombre minimal de gardes armés sera également fixé par décret. L’actuel projet de décret porterait sur au moins quatre gardes. Ce qui ne convient pas précisément à Armateurs de France qui souhaite une modulation selon le temps d’exposition, voire du degré de dangerosité de la zone.

Si seuls des gardes armés dont la tenue sera clairement différente de celle des fonctionnaires sont autorisés à manipuler les armes et les munitions, ils sont « placés sous l’autorité du capitaine » conformément aux dispositions de l’article L5 331-1 du code des transports. Cela risque de poser des difficultés opérationnelles, prévient un spécialiste de terrain, car il n’est pas certain que l’appréciation du capitaine – « simple » officier de marine marchande – de la dangerosité d’une situation donnée converge avec celle du chef d’équipe de protection. Cet éventuel conflit d’appréciation peut conduire à tout et son contraire: retard à l’ouverture du feu ou, au contraire, tirs prématurés. La solution pourrait être discrètement précisée dans le contrat liant l’armateur à la société de protection et dont le capitaine aura nécessairement copie à bord.

Le nombre d’armes et la qualité de celles-ci seront également précisés par décret. Là aussi résident des interrogations: au large de la Somalie, un fusil à longue portée de 7,62 mm peut convenir, estime un spécialiste de terrain, car les agresseurs potentiels sont relativement peu armés. Mais au large du Nigeria, ils sont surarmés et grands consommateurs de produits psychotropes. La prise en compte de la réalité de terrain s’imposerait donc. L’usage des balles traçantes est réservé aux militaires, souligne le spécialiste. Très visibles par conception, elles ont un effet dissuasif sur les agresseurs et sécurisant sur les gardes qui peuvent ainsi mieux doser la précision de leurs tirs.

Le Cnaps au centre de tout

Le Conseil national des activités privées de sécurité (Cnaps) est appelé à jouer un rôle central dans le dispositif, sachant qu’il part d’une page blanche en ce qui concerne la protection embarquée. C’est lui qui est chargé de délivrer l’autorisation d’exercer cette activité selon des modalités définies par décret en Conseil d’État. Pour présenter cette demande d’autorisation, l’entreprise devra être certifiée conforme à une norme, probablement l’ISO Pass 28007 recommandée par l’OMI, qui garantit la qualité de la pratique professionnelle de l’entreprise ainsi que la possession d’une assurance couvrant la responsabilité professionnelle.

Le Cnaps s’assurera également de la qualité et de l’honorabilité des dirigeants de l’entreprise de protection (nécessairement domiciliée dans l’Espace économique européen) ainsi que de ses « agents ». Disposant de la capacité de suspension, voire du retrait des autorisations, il sera également le régulateur de l’activité.

Entre six et huit réunions techniques sont programmées au Cnaps, explique une source spécialisée.

Légitime défense de la police

L’article 21 précise que les agents « peuvent employer la force pour assurer la protection des personnes et des biens dans le cadre des dispositions des articles 122-5 à 122-7 du code pénal ». Ce qui est le régime de droit commun auquel est soumise la police, mais pas la gendarmerie à laquelle s’applique le code de la Défense.

L’article 122-7 stipule: « N’est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s’il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace. » Cela suffira-t-il à dégager la responsabilité du garde qui, en haute mer, tue une personne présente à bord d’un skiff qui s’est trop rapproché d’un pétrolier chargé, sachant qu’aucun tir n’est parti du skiff? Question préalable: dans ce cas précis, qui portera plainte en France?

Selon Cécile Bellord, le projet de loi devrait être examiné à l’Assemblée nationale le 9 avril. Le temps que le projet passe au Sénat et que le Cnaps établisse ses modalités de fonctionnement pour cette nouvelle activité et que les décrets sortent, il y a peu d’espoir que la loi soit applicable avant la rentrée 2014, au mieux.

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