Talonnage du Marion-Dufresne: il s’en est fallu de peu

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Début décembre, le Bureau d’enquêtes sur les événements de mer a diffusé son rapport technique sur les circonstances de ce talonnage et les enseignements qui pouvaient en être tirés. Rien que du déjà lu. Le 14 novembre 2012, près d’une heure après l’appareillage du mouillage de la Pointe Basse, dans le nord-est de l’île de la Possession (archipel de Crozet), à destination du mouillage suivant (à deux heures de route environ), le commandant du Marion-Dufresne (M-D) passe la responsabilité du quart au lieutenant français. Le premier attire l’attention du second sur la proximité de brisants invisibles du fait des bonnes conditions météo. Estimant que sa position le permet, le lieutenant (31 ans, breveté depuis 2008) effectue son changement de route pour « arrondir » son passage du cap 208o au cap 125o. Cette décision « prématurée » a été prise dans le contexte suivant, précise le BEAmer:

– le navire suivant une route fond à l’intérieur de la route tracée;

– le positionnement du haut-fond sur lequel le navire a talonné n’était pas connu avec précision;

– la dernière correction concernant le référentiel géodésique de la carte utilisée n’avait pas été prise en compte sur l’ECS, système de carte électronique;

– le recours « trop exclusif » au système de carte électronique.

Quelques pages auparavant, le BEA a souligné que le plan de traversée de janvier 2009 a servi de référence pour le tracé de la route du voyage. Ce tracé « laissait peu de marge compte tenu des incertitudes » soulevées par les Instructions nautiques dans cette zone « peu hydrographiée et non balisée ». La manœuvre de « dernière minute » initiée par le commandant ne permet pas d’éviter le talonnage mais « sauve le navire », estime le BEA. Après les mesures d’urgence (dont la fermeture des portes étanches et la sauvegarde des données VDR) et les investigations menées, le M-D rejoint Durban pour près de deux mois de réparations après avoir débarqué ses 97 passagers, principalement des scientifiques, sur l’île. Ils y ont été récupérés le 24 novembre par le câblier Léon-Thévenin, spécialement affrété.

Le BEA rappelle que la conception du M-D, deuxième du nom, a pris en compte le risque d’une navigation dans des zones peu ou mal hydrographiées et soumises à une météo défavorable: le compartimentage des doubles fonds et les systèmes d’assèchement sont renforcés.

Facteur humain déterminant

La non-prise en compte des différences de géodésie dans la navigation à l’ECS « à cet en­droit », la « mauvaise » gestion de l’incertitude sur le positionnement des brisants et l’utilisation de l’ECS comme appareil de navigation « unique » sont des éléments dont l’addition est un facteur déterminant du talonnage. Le BEA ajoute qu’il ne lui a pas été possible de savoir si les indications du sondeur ont été ou non exploitées. Les changements de route « anticipés » par rapport à la route tracée, suivie « approximativement », constituent un facteur aggravant. Le tracé même de la route, très proche des brisants, constitue un facteur sous-jacent.

Par deux fois, 30 mn avant le talonnage, une vingtaine de passagers ont été invités à quitter la passerelle et ses abords. Un passager a pris une photo de la table traçante et du spot lumineux au moment même de l’accident. Si le lieutenant a déclaré qu’il n’avait pas été gêné par cette présence, le BEA estime que dans un contexte de proximité de la côte ou de manœuvres, celle-ci constitue un facteur sous-jacent à cet événement. Ce qui rappelle la situation du Costa-Concordia.

Rappels et recommandations

Le BEA rappelle:

– aux armateurs, commandants et officiers de navigation que les instruments de navigation non approuvés par l’OMI doivent être utilisés avec « prudence » et que les positions doivent être recoupées « systématiquement » par d’autres systèmes homologués (radar), notamment dans les zones de navigation resserrées ou à proximité de la terre.

– aux responsables de l’enseignement maritime, d’alerter « plus encore » les officiers en formation sur les risques inhérents à l’utilisation des aides électroniques (en particulier le GPS) « sans recoupement » avec l’observation visuelle et le radar.

Le BEAmer recommande:

– à la CMA CGM, et plus généralement aux armateurs, de s’assurer que la documentation cartographique, notamment électronique et les instructions nautiques sont « tenues à jour », étant souligné que le recours à cette documentation doit être fait avec le souci d’utiliser la « meilleure » source disponible dans la zone géographique fréquentée.

– Au Shom, de rééditer la carte Shom 6497 dans le système géodésique WGS84.

– À la CMA CGM et aux armateurs qui transportent des passagers, d’élaborer des procédures écrites pour que soient préservées, en passerelle, la qualité de la veille et la concentration nécessaire à la pratique de la navigation, en particulier pendant les manœuvres et dans les zones de navigation délicates.

– Au préfet des Taaf, de coordonner « l’expression de besoin » en informations nautiques et en balisage dans les Taaf en liaison avec les acteurs maritimes concernés par la navigation dans ces zones.

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