Avec près de 1 400 inscrits, le Palais des Congrès de Montpellier était plein pour recevoir le Premier ministre, le 3 décembre. Le ministre des Outre-mer et celui des Transports ont moins mobilisé. Il va être difficile de faire mieux en 2014 à Nantes. Sur le fond, outre les mesures annoncées sur l’extension de la loi de 1992 et la présence légale de gardes armées à bord des navires de commerce français, les propos ont été sans grandes surprises, mais certaines choses vont mieux en les rappelant.
Membre de l’Université d’Anvers, président de l’Association internationale des économistes maritimes et unique invité étranger, Theo Notteboom a présenté sa perception de l’importance des ports de commerce français. Même si l’herbe est souvent plus verte ailleurs, a-t-il rappelé comme pour s’excuser de la force d’attraction d’Anvers et de Rotterdam, le principal handicap des ports français est justement de n’être que français. Ils doivent devenir européens. Pour ce faire, il n’y a pas d’autre moyen que de développer un pré et post-acheminement ferroviaire puissant et fiable vers l’Est. Sans malice aucune, Theo Notteboom a rappelé qu’en matière de conteneurs, l’influence d’Anvers se fait sentir jusqu’à Lyon. Un constat qui a déjà été fait, il y a plus de vingt ans. Le Grand port maritime de Marseille (GPMM) doit prochainement disposer d’une étude sur ses hinterlands atteignables. Celui du Havre sait déjà que 60 % du trafic conteneurs d’Île-de-France passe par Anvers, rappelle une étude havraise. L’interconnexion des ports français pourrait également leur être profitable, a estimé Theo Notteboom.
Directeur général du GPMM et président de l’Union des ports français, Jean-Claude Terrier a mis en garde contre l’excès de réglementations relatives à la sécurité. La tendance actuelle laisse craindre que les directeurs de port de commerce ne deviennent principalement « gestionnaires de zones naturelles humides ». Ce qui serait cohérent avec la situation enviable de première destination touristique du monde, oserait-on ajouter.
Relais de croissance
La forte réduction du nombre de raffineries françaises pose des problèmes financiers aux ports d’importation, a poursuivi Jean-Claude Terrier. Entre 2007 et 2012, 13 Mt « rentables » ont ainsi été perdues. Les ports concernés, principalement Marseille-Fos et Le Havre, doivent donc trouver des relais de croissance pour compenser la chute de leurs recettes. Importations de GNL, de voitures neuves, développement de l’activité croisières sont autant d’exemples de relais de croissance. « Il faut arrêter de se prosterner devant les millions de tonnes et rechercher les millions d’euros », a proposé Jean-Claude Terrier, sans aller jusqu’à suggérer de présenter les résultats portuaires par valeur ajoutée générée par chaque grand type de trafic. Cette baisse de la manne pétrolière devrait, en toute logique, faire disparaître ou diminuer les péréquations entre les trafics. Ainsi les recettes portuaires tirées du pétrole brut ne pourront-elles plus participer à la minoration des coûts favorisant les conteneurs ou le cabotage de substitution au « tout-route », par exemple. Tous les trafics portuaires vont devoir payer la totalité de leurs coûts.
Il y a des « risques de marginalisation de certains ports français, surtout si le raffinage est de plus en plus mis en œuvre par les pays producteurs. Cela induit des risques économiques et sociaux dans les zones portuaires françaises concernées (Fos…) », estime le rapport sur la « vulnérabilité de la France face aux flux maritimes » réalisé par la Compagnie européenne d’intelligence stratégique et remis à l’état-major de la Marine en janvier 2012.
Le rôle des autorités portuaires est maintenant double, a estimé Jean-Claude Terrier: faciliter le passage portuaire et aménager le foncier portuaire, a poursuivi le président de l’UPF. La facilitation comprend l’ouverture d’AP+ au monde extérieur (voir encadré).
Sédentaires oubliés et RIF de complaisance
Un atelier des 9e Assises de l’économie maritime et du littoral avait pour thème « femmes et hommes, premières richesses de l’économie maritimes ». Bien évidemment, pour Bourbon, pour le président de l’ENSM et le secrétaire général adjoint de la Fomm UGCI CGT, les seuls femmes et hommes à former sont les navigants. Présent dans l’auditoire, Georges Tourret, l’un des deux « assistants » du député Arnaud Leroy dans la mission confiée par le Premier ministre, a donc dû rappeler que sans sédentaire, il n’y a pas de compagnies maritimes. Le rapport Leroy fixe un objectif à dix ans de 10 000 sédentaires (et de 20 000 navigants, sans précision sur la méthode de calcul). « Pour améliorer la compétitivité des transports et services maritimes français, un dialogue renouvelé entre partenaires sociaux sera nécessaire », lit-on dans le rapport Leroy. Interrogé par le Journal de la Marine Marchande sur une éventuelle démarche des syndicats de navigants visant à supprimer le RIF de la liste des registres de complaisance, Jean-Philippe Chateil a nettement répondu: « Pas question. " Pas plus, ajoute-t-il, qu’il est exclu d’accorder aux armateurs une exonération totale des charges patronales non Enim sans contrepartie, et notamment en matière d’embarquement des élèves officiers.
Un menu chargeur dans AP+ en 2014
Interrogé sur l’ouverture d’AP+ rapidement évoquée par Jean-Claude Terrier, président de l’Union des ports français, Philippe Bonnevie, délégué général de l’AUTF, a expliqué que le 8 novembre dernier, Nicole Bricq, ministre du Commerce extérieur, a acté le principe d’installer dans le système d’informatique portuaire AP+ un « menu chargeur ». Cela fait des années que Philippe Bonnevie dénonce publiquement l’impossibilité pour un chargeur ou un commissionnaire de transport non havrais d’accéder directement à cette informatique portuaire. D’ici à la fin de 2014, les besoins spécifiques d’une trentaine de chargeurs auront été recensés et le système modifié en conséquence. Le délégué de l’AUTF a une idée précise de ce qui est souhaitable: pouvoir échanger directement des informations avec la Douane et tous les autres acteurs portuaires ainsi qu’assurer une traçabilité neutre de tous ces échanges. Cela permettrait, par exemple, d’informer au plus vite l’agent consignataire du poids de la marchandise empotée ou de préparer au mieux la déclaration de sûreté qui doit être transmise aux Douanes américaines, 24 heures avant le départ du navire. De nature méfiante, Philippe Bonnevie regrette que cette décision de principe n’ait pas été « gravée dans le marbre administratif », car on ne peut exclure une certaine résistance au changement.