Côté crise, le navire CRPM a quand même pas mal tangué. « Ces dernières années ont été difficiles, a admis Jean-Yves Le Drian, qui lâche la barre de la CRPM après trois années de présidence. En 2010, nous espérions encore que la crise qui s’était déclenchée un an auparavant ne serait que passagère. Trois ans plus tard, elle est toujours là. Plusieurs de nos régions membres ont souffert de ses conséquences et certaines ont même été contraintes de nous quitter du fait de ces difficultés. Mais la très grande majorité nous est restée fidèle, ce dont ne peuvent se prévaloir tous les réseaux régionaux européens. » Prônant la solidarité, la CRPM a appliqué ce précepte à son fonctionnement interne. Une solidarité interrégionale à l’instar de celle des gens de mer, en quelque sorte. « Je suis très fier d’avoir présidé une organisation qui a courageusement su réformer son système de cotisations pour assurer la solidarité entre ses membres, a encore souligné Jean-Yves Le Drian. Pour ce faire, certaines régions ont consenti des efforts considérables qui méritent d’être salués. »
Dans ces temps difficiles, la CRPM a continué à fournir à ses membres les services qu’ils attendent d’elle, c’est-à-dire la veille et l’information sur les politiques européennes, un cadre fructueux de rencontres et d’échanges entre régions et une production d’idées et de réflexions prospectives qui, selon Jean-Yves Le Drian, « ont influencé les prises de décision au niveau européen ». Misant sur « l’unité et la diversité », en la qualifiant de « nécessité », il a souligné que la CRPM devra s’employer à rappeler inlassablement au plus haut niveau de l’UE que « l’Europe ne se limite pas à Bruxelles, Luxembourg et Francfort, mais qu’elle comprend également Aberdeen, Aarhus, Bialystock ou Saint-Malo pour ne rappeler que les lieux d’accueil des dernières assemblées générales ».
La mer, atout clé de la croissance de l’Europe
Côté espoir, les quelque 400 délégués présents à Saint-Malo se sont réjoui que « l’urgence d’agir à l’échelle du continent a semble-t-il été comprise par les institutions européennes ». Ce qui a permis d’atteindre, au mois de juillet, un accord sur le cadre financier pluriannuel 2014-2020 « dans des délais qui permettent d’envisager une mise en œuvre non retardée des instruments rénovés ». Mais si la CRPM accueille positivement cet accord, elle regrette en revanche son « manque d’ambition » qui, pour la première fois dans l’histoire de l’UE, se traduira par une réduction du budget.
La Conférence s’est félicitée de l’élan donné à l’Europe de la mer à travers l’approche « croissance bleue ». « L’heure est désormais à la mise en œuvre de ces moyens », a-t-elle concrètement souligné en évoquant par exemple la dimension industrielle. Si l’Europe veut rester une grande puissance maritime, elle doit accompagner la différenciation et la diversification de ses chantiers navals et de ses industries vers les nouveaux marchés de la croissance bleue. Si la CRPM se félicite de la place donnée aux Énergies marines renouvelables dans les programmes de financement européens (Horizon 2020, notamment), elle souhaite, en matière de sécurité maritime, approfondir le travail engagé auprès des instances internationales (Fipol, OMI) et renforcer la Politique maritime intégrée (PMI) grâce à un budget spécifique. « Le développement de la PMI suppose un renforcement des questions maritimes au sein des institutions européennes », ont déclaré les délégués en appelant de leurs vœux une organisation des services au sein de la Commission européenne, une commission « mer » au Parlement européen et une formation « mer » du Conseil. Preuve que la maritimisation de l’Europe n’est pas encore totalement acquise.
Un bilan reconnu et hautement salué
Côté anniversaire, la CRPM a eu son lot de cadeaux. Son bilan a en effet été salué par plusieurs personnalités lors de la table ronde. Michel Barnier, commissaire européen en charge du marché intérieur et des services, a rappelé « la vision et l’intelligence de ses propositions ». Intervenant par allocution vidéo, Manuel Barroso a souligné que « le chemin impressionnant parcouru par la CRPM a permis de renforcer le rôle des régions dans la mise en œuvre du projet européen ». Pour sa part, Alain Cadec, rapporteur sur le fonds européen pour les Affaires maritimes, est convaincu que « sans la CRPM, il n’y aurait jamais eu de stratégie atlantique ». Membre de l’intergroupe mers et zones côtières, Isabelle Thomas s’est associée à la CRPM pour souligner « la nécessité de développer une approche inclusive des activités maritimes visant à permettre la cohabitation des différents usages de la mer dans un même espace ». Commissaire européenne chargée du maritime, Maria Damanaki a reconnu que la CRPM « a été un acteur décisif qui a aidé à développer la Politique européenne intégrée de l’Union européenne et en particulier sa dimension de bassin maritime. Le soutien des régions membres de la CRPM a été vital. L’association joue un rôle essentiel dans l’élaboration de la stratégie maritime de l’Atlantique et je serais heureuse de la voir dans un rôle actif lors de la phase de mise en œuvre des autres stratégies maritimes et macrorégionales ».
Une Suédoise à la barre
Annika Annerby Jansson est la nouvelle présidente de la CRPM. Le bureau politique a choisi cette Suédoise, auparavant présidente du Conseil régional de Skåne, deuxième plus grande région autonome de Suède, en remplacement du président démissionnaire, Jean-Yves Le Drian, qui a jugé que ses fonctions de ministre français de la Défense n’étaient pas compatibles avec celles de président de la CRPM. « Il y a 40 ans, la naissance de la CRPM était un pari, a-t-il commenté. Les débats ont été difficiles et même presque rocambolesques. Mais cette association, qui a débuté pratiquement sans budget, compte aujourd’hui 150 régions membres, six commissions géographiques et de nombreux groupes de travail, ainsi qu’une vraie capacité de réflexion et de lobbying reconnue dans toute l’Europe. »
Annika Annerby Jansson a toujours été active au sein de la CRPM. Vice-présidente du bureau politique et membre du comité exécutif de la commission Baltique, elle est la première femme à accéder à la présidence de la CRPM. « L’Europe a besoin d’une énergie nouvelle et la coopération entre les régions européennes pourrait fournir l’impulsion nécessaire, a-t-elle développé après son élection. Les crises financières, la difficulté des négociations du budget à long terme et la situation incertaine dans nos pays frontaliers ont donné lieu à un manque de vision. Il est aujourd’hui l’heure de prendre un nouveau départ et de faire preuve d’un regain d’énergie dans notre travail dans les arènes politiques locales, régionales, nationales et européennes. »