En juin, l’agence a ouvert le bal en infligeant une amende de 8 M€ à quatre compagnies maritimes desservant la Sardaigne. Un avertissement lancé aux nombreuses sociétés actuellement dans le collimateur de l’Antitrust, à commencer par Tirrenia.
L’autorité de régulation, qui a visiblement la Sardaigne – ou plutôt ses opérateurs – dans le nez, a mobilisé ses inspecteurs pour enquêter sur les modalités de la privatisation de Tirrenia. Selon l’Antitrust, Cin, la Compagnie italienne de navigation et la société Moby, qui ont racheté l’ancienne compagnie publique, n’auraient pas respecté les directives fixées par l’autorité de régulation au moment de la vente. Notamment en ce qui concerne les accords de partage de code et de commercialisation avec les autres opérateurs couvrant les routes Civitavecchia-Olbia, Gênes, Porto Torres et Gênes. Les deux compagnies sont aussi accusées de ne pas avoir appliqué les grilles des tarifs imposées par l’autorité de régulation pendant l’été 2012 sur les routes indiquées dans le dossier monté par l’agence. L’enquête devrait être bouclée d’ici le 15 novembre. Entre-temps, les deux compagnies auront présenté leur défense, pièces à l’appui, à la mi-août.
Autre dossier brûlant: l’affaire des sociétés maritimes spécialisées dans la traversée du détroit de Messine qui relie la Calabre à la Sicile. Une enquête a été ouverte le 26 juin contre sept entreprises. À savoir, Caronte & Tourist, Rete Ferroviaria Italiana, Bluferries, Meridiano Lines, Ustica Lines, Terminal Tremestieri e Consorzio Metromare dello Stretto. Là encore, il s’agirait d’une affaire d’entente illicite. Selon les données préliminaires regroupées par l’Antitrust – qui collabore étroitement avec le département de la brigade financière spécialisée dans la surveillance des marchés –, ces sociétés auraient revu leurs prix à la hausse de 150 %! Comme les quatre compagnies sardes condamnées par l’autorité de régulation à une amende de 8 M€, les sociétés du détroit de Messine voulaient éliminer le principe de la concurrence et bloquer le marché.
D’innombrables plaintes
Selon les inspecteurs de l’Antitrust, les deux principaux opérateurs Caronte & Tourist et RFI auraient joué un rôle clé dans la constitution du cartel. Dans son acte d’accusation, l’autorité de régulation cite les innombrables plaintes déposées par une multitude d’usagers qui ont dénoncé durant les cinq dernières années, une « augmentation progressive et constante des tarifs appliqués sur les transports et les passagers ». L’Antitrust évoque aussi le blocus du marché organisé par Caronte & Tourist et RFI en citant les noms des sociétés qui ont réussi à s’introduire sur le marché durant les dix dernières années. D’abord, Metromare, qui représente deux opérateurs, Bluferries (contrôlé par RFI) et Ustica Lines. Puis, Tremestieri en 2006, dont le capital social est réparti à hauteur de 66,6 % entre Caronte & Tourist, Bluferries et Meridiano.
Ce n’est pas la première fois que l’Antitrust s’interroge sur les liaisons maritimes dans le détroit de Messine. En 2002, l’agence a déjà infligé une amende de 3 M€ pour abus de position dominante aux compagnies Tourist Ferry Boat Spa, Caronte Spa et Navigazione Generale Italiana Spa. À l’époque en effet, les trois opérateurs ont essayé de bloquer l’arrivée sur le marché de la compagnie Diano, rebaptisée depuis Meridiano Lines.
Continuant sur sa lancée, l’autorité de régulation se penche aussi sur les sociétés du groupe Lauro, Snav, Navigazione Libera del Golfo, Medmar Navi, Gescab et l’association Cabotaggio Armatori Partenopei. Comme leurs consœurs, ces compagnies sont accusées d’avoir constitué une entente illicite pour aligner leurs prix et bloquer la concurrence. Ces sociétés auraient aussi violé les engagements souscrits sur l’amélioration des standards de qualité des services, notamment en ce qui concerne l’annulation de certains départs sans avertir les passagers, les retards ou la modification des plages horaires.
D’autres enquêtes pourraient être ouvertes
« L’ouverture de tous ces dossiers prouve l’intérêt de l’Antitrust envers le secteur des transports maritimes et les pratiques illicites qui bloquent le marché et pénalisent les consommateurs », estime Alessandro Greco. Pour cet avocat, considéré comme l’un des plus grands experts des questions antitrust en Italie, d’autres enquêtes pourraient être ouvertes dans les prochains mois. En parallèle, les associations de consommateurs commencent à affûter leurs couteaux. Depuis l’introduction dans le système juridique italien des actions collectives, plusieurs plaintes ont été déposées devant les tribunaux. Prenant exemple sur les groupes qui se sont formés pour obtenir gain de cause dans d’autres affaires, les usagers floués par les compagnies maritimes pourraient bientôt frapper à la porte des tribunaux.