« Pour dire les choses simplement, les programmes ont été inefficaces dans la mesure où ils n’ont pas atteint leurs objectifs, où ils n’ont eu qu’une incidence limitée sur le transfert modal du fret routier, et où il n’existe pas de données permettant de déterminer la réalisation des objectifs de la politique, par exemple les avantages environnementaux », estime Ville Itälä, membre de la Cour, responsable du rapport de 40 pages dont 10 contiennent les réponses de la Commission européenne.
Depuis 2003, les programmes Marco Polo I et II financent, dans le domaine des services de transport, des projets visant à transférer du fret de la route vers le chemin de fer, la navigation intérieure et le transport maritime à courte distance, rappelle la Cour. Ils relèvent de l’objectif de la politique des transports de l’UE qui vise à développer des solutions de substitution au transport tout route des marchandises. L’objectif, généralement accepté, est de réduire le trafic international de fret routier et, ainsi, d’améliorer les performances environnementales du transport de marchandises, de réduire la congestion et de renforcer la sécurité routière.
Peu de projets pertinents
Cependant, l’audit a permis de constater que trop peu de propositions de projets pertinentes ont été présentées, car la situation du marché et les règles du programme n’ont pas encouragé les opérateurs à tirer parti de ce dernier. La durabilité de la moitié des projets audités était réduite. L’une des principales constatations de l’audit a concerné la présence d’indices sérieux d’un effet d’aubaine, c’est-à-dire que des projets se seraient poursuivis même sans le financement de l’UE. De fait, 13 des 16 bénéficiaires audités ont confirmé qu’ils auraient lancé et assuré le service de transport même en l’absence de subvention. Par ailleurs, il n’existe pas de données fiables permettant d’apprécier les avantages en termes d’incidence du transport de marchandises sur l’environnement, de congestion du trafic ou de sécurité routière.
Compte tenu des résultats des programmes actuels, la Cour recommande de ne pas poursuivre le financement de l’UE pour les services de transport de fret lorsque ce financement est conçu sur le même modèle que les programmes Marco Polo. À l’avenir, le maintien d’un tel financement devrait être subordonné à la réalisation d’une évaluation d’impact ex ante montrant l’existence éventuelle d’une valeur ajoutée de l’UE et son importance. Pour ce faire, il faudrait notamment effectuer une étude détaillée de la demande potentielle et des meilleures pratiques dans les États membres.
Vérification sur le terrain
La Cour a apprécié si la Commission avait planifié les programmes, les gérait et les supervisait de manière à optimiser leur efficacité, et si les projets financés étaient efficaces. Les travaux d’audit, effectués principalement au niveau du programme, ont consisté à étudier les analyses d’impact, les évaluations et résultats d’enquêtes, les évaluations des propositions de projets, les contrôles documentaires relatifs au suivi des conventions de subvention signées, ainsi qu’à procéder, auprès des membres du comité du programme Marco Polo, à une enquête au sujet des régimes de soutien nationaux.
Ces travaux ont été complétés par la vérification sur place des réalisations de 16 projets de transfert modal achevés, huit pour chacun des programmes (Marco Polo I, en vigueur de 2003 à 2006, et Marco Polo II, de 2007 à 2013).
L’audit a constaté que le nombre de projets de qualité proposé est insuffisant car les programmes ne sont pas conçus pour les entreprises. En outre, en raison du manque de souplesse des responsables et des difficultés de mise en œuvre, les bénéficiaires décident, soit de ne pas mettre en œuvre les projets approuvés, soit d’y mettre fin prématurément, soit encore de supprimer les services financés ou de réduire leur portée une fois le projet achevé. De ce fait, les résultats des projets sont médiocres, et la durabilité des services de transport financés insuffisante. De plus, les quantités modestes déclarées comme ayant été transférées sont « mal connues », et comprennent celles qui résultent d’un effet d’aubaine.
Si la gestion quotidienne des programmes s’est améliorée avec le temps, la Commission n’a pas réalisé de véritable étude de marché pour évaluer les chances de réalisation des objectifs de la politique, n’a pas tenu compte des nouvelles évolutions ni pris en temps utile de mesures correctrices afin de remédier aux insuffisances manifestes affectant la conception des programmes. La Cour recommande à la Commission de prendre une série de mesures afin de renforcer la performance dans le cadre de futurs programmes.
Trois dossiers maritimes
Sur les 16 projets analysés, trois comportent un segment maritime: le Bridge Over Europe, qui propose une offre principalement de 45’ entre les Pays-Bas et la péninsule ibérique. Le Bass, qui vise à augmenter la part du transport maritime entre l’Allemagne, les Pays baltes et la Communauté des États indépendants. Et le Gulf Stream, ligne maritime entre Poole et Santander, destinée aux camions qui ne peuvent traverser la France le week end. Malheureusement, le rapport de la Cour des comptes ne détaille pas leurs performances.