Canal du Nicaragua: la concession accordée à la Chine

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Le Nicaragua vient de franchir une nouvelle étape dans son projet de canal interocéanique en accordant la concession à une entreprise chinoise. La signature de l’accord entre le président Ortega et le représentant de HK Nicaragua Canal Development Investment, société basée à Hong-Kong et jusque-là présente dans le domaine des télécommunications, a donné lieu à une cérémonie en grande pompe retransmise par les chaînes de télévision du pays. Le parlement, de son côté, a voté le projet de loi en ce sens que lui a soumis le gouvernement, malgré les opposants, notamment écologistes, massés devant ses portes.

Le canal fait rêver le Nicaragua tout entier. Tous, des fidèles du parti sandiniste au pouvoir à ses plus fervents détracteurs, veulent y croire. Le canal permettrait de sortir d’une situation économique catastrophique qui fait du pays le deuxième plus pauvre du continent latino-américain. Des critiques se font tout de même entendre. Mais elles concernent davantage les modalités de la concession et les risques environnementaux que feront courir le chantier lui-même puis l’exploitation de l’ouvrage que le bien-fondé du projet.

Perte de souveraineté

À l’étranger, en revanche, on est plus circonspect sur l’utilité d’un tel projet. Plusieurs ambassades présentes au Nicaragua, et notamment celle d’Espagne, ainsi que des entreprises spécialisées dans l’ingénierie des grands ouvrages se sont cependant manifestées pour affirmer leur intérêt pour le canal interocéanique et évoquer leur éventuelle implication dans les investissements nécessaires. À condition cependant de savoir quel est le plan d’investissement qui reste pour l’instant totalement inconnu.

Tel que le projet a été présenté, la concession porte sur une période de cinquante ans reconductible cinquante autres années. L’investissement et la conduite du projet seront réalisés par une société nicaraguayenne, elle-même rachetée en avril par la société chinoise HKND. L’investissement total est évalué à 40 Md$. La concession donne à HKND le droit exclusif d’acheter et de gérer la conception, le développement, l’ingénierie, le financement, la construction, la propriété, l’entretien et l’administration du canal. Ceci avec des droits illimités sur l’usage du sol, de l’air, de l’espace maritime ou encore des ressources naturelles du pays. En contrepartie, HKND s’engage à verser 10 M$ par an pendant dix ans au Nicaragua.

C’est ce dernier point qui suscite des levées de boucliers au Nicaragua. Les opposants y voient une atteinte manifeste à la souveraineté du pays. Ils reprochent aussi aux Chinois de n’avoir aucune expérience d’un projet d’une telle ampleur. Enfin, les différents tracés du canal passent tous par l’immense lac Nicaragua qui occupe le cœur du pays et qui est sa principale réserve d’eau douce. L’aménagement du canal devrait réduire considérablement les volumes d’eau disponibles en donnant la priorité aux écluses. Enfin, l’aménagement et l’exploitation de l’ouvrage devraient aussi avoir des conséquences néfastes sur des communautés indiennes jusque-là épargnées et sur un environnement particulièrement riche.

Infrastructures Insuffisantes

De manière plus pragmatique, les spécialistes soulèvent aussi le problème de l’actuel retard économique du pays et de son manque d’infrastructures et de main-d’œuvre compétente. Ainsi, certains avancent le chiffre de 11 000 ingénieurs nécessaires à la conception du projet. Un nombre que l’ensemble de l’Amérique centrale est aujourd’hui incapable de fournir. De même, les matériaux nécessaires ont besoin, pour être acheminés jusqu’au chantier, de ports et de routes. Ceux existants aujourd’hui n’ont pas les capacités nécessaires. Il faudrait plusieurs années pour rattraper le retard, ce qui retarderait d’autant le lancement du chantier.

Les pays voisins du Nicaragua, comme le Panama, évidemment, mais aussi la Colombie, se disent sceptiques sur le projet. Ils y voient une concurrence inutile sur l’actuel canal de Panama et craignent qu’un second ouvrage mette en péril la rentabilité du commerce maritime dans la région. Des études de faisabilité sont d’ores et déjà lancées. Selon le gouvernement nicaraguayen, elles doivent être terminées pour mai 2014. HKND est moins péremptoire sur les délais et veut se donner le temps de vérifier que le projet permettra de rentabiliser un investissement colossal.

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