Sentences de la Chambre arbitrale maritime de Paris

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Sentence arbitrale 1197 du 9 juillet 2012

Charte-partie Synacomex – Obligation de l’armateur de poursuivre le voyage – Innavigabilité sur le plan administratif et réglementaire – Défaut d’assurance; défaut d’entretien; défaut de documentation à bord.

Le navire battant pavillon turc a été affrété en vertu d’une charte-partie Synacomex pour le transport d’une cargaison de 7 500 t de blé depuis Rouen jusqu’à Tartous, en Syrie. Ce voyage représentait le dernier d’une série de plusieurs transports dans le cadre d’un contrat conclu entre le vendeur/affréteur et l’acheteur syrien visant à transporter un total de 150 000 t de blé. Le vendeur a fourni à l’acheteur une garantie bancaire d’un montant de 1,48 M$ représentant 5 % de la valeur totale du contrat et garantissant la bonne exécution par le vendeur de ses obligations au titre du contrat de vente.

Juste après son départ de Rouen, le navire est entré en collision avec une barge sur la Seine, entraînant la saisie du navire puis sa libération contre un règlement transactionnel de 160 000 $ avancé par l’affréteur pour le compte des armateurs qui se sont révélés financièrement incapables d’avancer cette somme. Le voyage s’est ensuite poursuivi et a été émaillé d’une série de problèmes, tous consécutifs à l’incapacité des armateurs de financer la poursuite du voyage. Ainsi, lors d’une escale à Gijón, les Affaires maritimes ont constaté un nombre important de déficiences devant être rectifiées. De leur côté, les marins ont refusé de poursuivre le voyage en raison du défaut de paiement de leurs salaires par l’armateur. L’affréteur a dès lors assumé le règlement de l’ensemble de ses dettes en contrepartie d’un accord écrit de l’armateur qui s’est engagé à poursuivre le voyage jusqu’en Syrie et à rembourser l’affréteur de l’ensemble des paiements qu’il a effectués.

Mais compte tenu des différents retards intervenus, le réceptionnaire syrien a mis en jeu la garantie bancaire de 1,48 M$ et a saisi la cargaison de blé qui a été vendue judiciairement. Le navire a été saisi à l’initiative des autorités portuaires de Gijón et vendu à son tour. Le produit de la vente du navire a été séquestré par le tribunal dans l’attente de recevoir les titres exécutoires des différents créanciers de l’armateur, dont l’affréteur.

Pas de couverture P&I, entre autres

C’est ainsi que l’affréteur a saisi la Chambre arbitrale maritime de Paris en vue d’obtenir la con­damnation de l’armateur au remboursement de tous les frais engagés. L’armateur représenté au début de l’instance ne s’est plus manifesté en cours d’instance, et son conseil a avisé la Chambre de son désistement.

Les arbitres ont considéré que, mis à part l’abordage, les différentes causes qui ont abouti aux retards successifs puis à l’interruption définitive du voyage et la vente forcée du navire relèvent de la responsabilité exclusive des armateurs. Les armateurs ont été négligents dans l’entretien, et de façon plus générale dans l’administration du navire. Ainsi a-t-il été constaté qu’en violation avec les dispositions de la clause 30 de la charte-partie, le navire n’avait pas de couverture P&I et qu’il n’était pas non plus en conformité avec les règlements internationaux, et ce en violation des garanties et déclarations figurant dans cette même clause 30 de la charte-partie.

L’armateur est tenu avant et au début du voyage de faire diligence pour mettre le navire en état de navigabilité, celle-ci ne se limitant pas aux aspects nautiques et techniques mais également aux aspects administratifs et réglementaires.

Les infractions constatées par les autorités portuaires espagnoles ne laissent aucun doute sur le fait que l’état d’innavigabilité préexistait au début du voyage.

Derrière l’absence de diligence de l’armateur se profilent son état d’insolvabilité manifeste et son incapacité à financer la continuation du voyage.

Enfin, les arbitres ont rejeté l’argument selon lequel les accords signés entre l’affréteur et l’armateur constituaient des accords de financements qui devaient être maintenus jusqu’à l’arrivée du navire au port de destination et que l’affréteur aurait violés en pratiquant à son tour une saisie sur le navire.

L’armateur qui a failli à ses obligations légales et contractuelles a été condamné à rembourser l’intégralité des sommes avancées par l’affréteur.

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