Présent à la table ronde organisée le 7 juin lors de la venue de ministre Frédéric Cuvillier, le président de la Région Aquitaine, Alain Rousset, en a profité pour rappeler que le « Conseil régional était toujours candidat » pour un transfert du port de Bordeaux sous son giron. Un courrier a d’ores et déjà été adressé au Premier ministre en février, dans lequel la Région sollicitait, dans le cadre de l’acte III de la décentralisation, le transfert du port. Face au ministre, Alain Rousset a donc persisté: « Il faut qu’on bouge sur le port. De gros travaux sont nécessaires au Verdon. Nous avons besoin d’un port en eaux profondes. »
Cette déclaration fait écho à plusieurs voix de la communauté portuaire et économique régionale qui se sont exprimées publiquement ces dernières semaines pour réclamer une implication plus forte des collectivités locales, pointer les carences de l’État, propriétaire du port, et surtout trouver une réponse concrète aux problèmes de l’arrêt du terminal du Verdon depuis la mi-février. « Le premier coup de poignard a été donné par l’arrêt du projet du terminal méthanier au Verdon qui a été un signal de désindustrialisation catastrophique, suivi par la cession d’un outillage non entretenu lors de la réforme, et aujourd’hui des lourdeurs de décision au niveau de la gouvernance. La compétitivité du port n’est plus assurée », analyse Laurent Courbu, président de la CCI de Bordeaux.
Le conseil régional plus pertinent que l’État?
Dénonçant « l’indifférence et l’immobilisme » de l’État et une réforme qui s’est traduite par un « désastre » sur le port de Bordeaux, l’Union maritime et portuaire de Bordeaux (UMPB), tire de même la sonnette d’alarme. Pour Julien Bas, représentant de l’UMPB, « le port, de fait, est de portée régionale avec un hinterland régional. Le conseil régional connaît les entreprises locales, les filières économiques, les réseaux de transport. Il investit d’ores et déjà dans le contrat de plan État-Région, détient le port de Bayonne. Il serait plus pertinent que l’État ».
Des scénarios possibles sont ainsi avancés, avec, par exemple, l’État restant propriétaire et confiant l’exploitation à la Région. « Cela s’est fait en Gironde pour l’aéroport de Mérignac, et cela marche. Tout comme le transfert aux régions des réseaux ferroviaires montre les capacités d’investissement et d’implication de la Région », note Laurent Courbu, de la CCI, qui précise ne pas revendiquer une « gestion directe » ni de « prêcher pour sa paroisse ».
La décision de l’État, dernièrement, de trouver un nouvel exploitant au Verdon, pour suppléer à BAT, n’a rassuré qu’à demi la communauté portuaire qui y voit tout de même un signe encourageant. « Mais qui, pour quel volume de marchandises, avec quels moyens? », s’interroge le président des pilotes de Gironde, Christophe Reux, qui plaide avant tout pour un développement du Verdon et ce, quel que soit le mode de gouvernance du port. « Nous n’avons pas de préférence. Cependant, on peut tout de même se poser la question de savoir si le conseil régional mettra bien les 13 M€ nécessaires par an pour assurer le dragage. »
Quelles capacités d’investissement?
Quelles seraient les réelles capacités d’investissement de la Région sur les infrastructures? Aurait-elle une vision d’aménagement nationale et internationale? Quel serait son degré d’implication notamment au gré des changements de bord des dirigeants politiques? Les questions taraudent les acteurs de la place portuaire bordelaise. Certains, tels que les syndicalistes CGT du port, eux, ont clairement pris position contre tout transfert à la Région. « Il n’y a qu’à mettre en parallèle le trafic du port de Bayonne, détenu par la Région, et qui ne cesse de baisser, et celui de la Rochelle, devenu port autonome, qui, lui, ne cesse de croître », note Cyril Mauran, secrétaire général CGT au port de Bordeaux. « On peut douter de la capacité de la Région à prendre en charge les 360 salariés du port, les réparations nécessaires sur les infrastructures, le dragage… Ce qui intéresse la Région à travers l’éventualité d’un transfert, c’est surtout la partie domaniale du port. » Du côté du ministère des transports, la position est nette, un transfert n’est pas envisagé. Lors de sa visite à Bordeaux, le 7 juin, le ministre Frédéric Cuvillier, venu justement affirmer la politique volontariste de l’État pour accroître la compétitivité des ports, a bien précisé que, selon lui, « un État qui se séparerait de ses ports n’a pas confiance dans son avenir. Ce serait un mauvais signe », prenant plus tard, lors de la table ronde, la « déclaration d’amour » d’Alain Rousset avec le sourire. Selon le directeur du port de Bordeaux, Christophe Masson, la stabilité de gouvernance est bien la ligne ministérielle. « De plus, la décentralisation est un choix de stratégie politique de transport, pas un choix d’investissement », précise-t-il.
Pour autant, un partenariat plus fort à l’avenir avec les collectivités locales est mis en avant, conformément par ailleurs aux directives prévues par la réforme portuaire de 2008. « Le dernier plan stratégique du port s’est décidé en pleine réforme et a été perturbé par le contexte. Dans le futur plan stratégique que nous finalisons, les collectivités locales sont davantage impliquées tant dans la prise en compte de leur avis à travers les conseils de surveillance et de développement que dans leur partenariat financier », précise Christophe Masson.
Venu essentiellement pour évoquer, le 7 juin, les potentialités de développement de la filière démantèlement, le ministre des Transports, pour répondre tout de même aux inquiétudes de la communauté portuaire sur le sort du port et de l’outillage, a assuré « qu’il reviendrait au Verdon » et que des démarches sont en cours « pour essayer de trouver un nouvel actionnaire pour suppléer à BAT ».