« Environ 3,7 Mdt de marchandises pour plus de 60 000 escales de navires ont transité par les 1 200 ports maritimes commerciaux européens en 2011, a déclaré Siim Kallas, commissaire en charge des Transports, lors de la présentation de la proposition sur la politique portuaire le 23 mai. Les ports maritimes sont les maillons essentiels reliant l’Union européenne (UE) au reste du monde. Nous possédons déjà certaines des installations portuaires les plus performantes du monde et nous devons les conserver. Mais elles doivent se préparer à relever les défis à venir en termes de congestion, de croissance de trafic et de besoins en investissement. Les propositions présentées doivent permettre de répondre à ces normes élevées en améliorant les opérations portuaires et en favorisant les investissements. » Pour la Commission européenne, il existe des écarts de performance très importants entre les ports européens. Actuellement, trois d’entre eux manipulent 20 % de l’ensemble des marchandises qui arrivent en Europe par voie maritime, à savoir Anvers, Hambourg et Rotterdam, précise Bruxelles dans le mémo 13/448 intitulé « Ports maritimes européens à l’horizon 2030: les défis à venir ». Selon la Commission, les inégales performances des ports européens entravent fortement l’efficience du secteur: distances plus longues, grands détours de trafic, trajets maritimes et terrestres allongés, envolée des émissions dues au transport, congestion au détriment de l’économie de l’UE. Surtout, tous les ports de l’UE n’affichent pas le même niveau de performance et l’écart s’est creusé entre ceux qui se sont adaptés aux nouvelles exigences logistiques et économiques et ceux qui n’ont pas suivi. « Comme la solidité d’une chaîne dépend de son maillon le plus faible, si quelques ports sont peu performants ou connaissent un déclin structurel, ils nuisent au fonctionnement de l’ensemble du réseau de transport et de l’économie dans l’UE », explique la Commission. Les ports de l’UE doivent aussi s’adapter à l’augmentation de la taille des navires et à la complexité croissante de la flotte mondiale avec la mise en service des porte-conteneurs géants, de nouveaux types de transbordeurs rouliers, de navires-citernes, etc. « Les navires plus grands demandent des capacités de pointe plus importantes lors du déchargement des marchandises et du débarquement des passagers », souligne le mémo. Cette analyse de la situation et des évolutions futures a conduit la Commission européenne à présenter une politique portuaire dont l’ambition est de moderniser les ports, notamment leurs prestations de services, améliorer leurs connexions et veiller à ce qu’ils soient tous en mesure d’offrir les meilleurs services possibles. « Autrement dit, il faut mettre à niveau les ports à la traîne pour qu’ils puissent rattraper les plus performants. Pour ce faire, les mentalités devront changer et il faudra apprendre des ports affichant de bonnes performances. »
Quatre mesures pour des ports efficients
Pour atteindre ce résultat, la Commission européenne propose quatre mesures spécifiques. La première mesure consiste à proposer de « nouvelles procédures transparentes et ouvertes pour sélectionner les prestataires de services portuaires ». Celles-ci comprendront des règles pour éviter que les exploitants ayant des droits exclusifs ne pratiquent des tarifs abusifs. Bruxelles assure qu’en veillant à ce que l’environnement des services portuaires soit compétitif et ouvert, en introduisant une pression concurrentielle dans les ports où elle est inexistante, les exploitants seront encouragés à fournir des services plus fiables et de meilleure qualité. « La proposition sur les ports applique la libre prestation de services sans discrimination comme un principe de base, et aligne le secteur portuaire sur les autres modes de transport et le fonctionnement du marché intérieur », relève le mémo. Bruxelles entend aussi inciter les communautés portuaires à « s’axer davantage sur le client ». Pour cela, la Commission crée un comité consultatif des utilisateurs du port pour que les communautés portuaires bénéficient d’une meilleure coordination et d’un climat plus propice aux entreprises. Bruxelles met en avant que cette première mesure de la proposition n’établit « pas de règles précises pour la manutention des marchandises ou les services passagers » dont les prestataires de services profiteront toutefois d’un environnement plus transparent et auront la possibilité de participer activement au meilleur fonctionnement du port.
La deuxième mesure de la proposition porte sur « l’amélioration des connexions des ports maritimes avec l’arrière-pays ». Les financements de l’UE au titre du « mécanisme pour l’interconnexion en Europe » seront recentrés sur les projets portuaires susceptibles de recevoir une aide dans le cadre des corridors du RTE-T et sur les connexions entre ports, réseaux ferroviaire, fluvial et routier; sachant que, dans les nouvelles orientations du RTE-T, un réseau de 319 ports a été défini comme étant essentiel au fonctionnement du marché intérieur et de l’économie européenne, et que ce sont à eux que va s’appliquer la proposition de la Commission.
La troisième mesure de la proposition établit « un meilleur cadre pour les investissements ». Elle étend la liberté des ports de percevoir des redevances d’infrastructure et renforce la transparence des modalités de fixation des redevances et du recours aux financements publics. Pour Bruxelles, les autorités portuaires sont elles-mêmes les mieux placées pour déterminer les besoins des utilisateurs et fixer les redevances. Une plus grande transparence permettra d’assurer des financements publics sans distorsion disproportionnée de la concurrence et de favoriser l’investissement privé.
La quatrième mesure concerne le dialogue social et les conditions de travail, car « sans une main-d’œuvre correctement formée et du personnel qualifié, les ports ne peuvent pas fonctionner ». Dès juin, la Commission mettra en place un « comité du dialogue social pour les ports » afin de permettre aux organisations représentatives des salariés et des employeurs de se concerter et de prendre des décisions sur les problèmes du travail portuaire. Ce comité bénéficiera d’un soutien technique et administratif pour ces travaux de la part de l’UE. Les progrès accomplis seront évalués en 2016.
Un plan d’action plus large
La nouvelle proposition législative sur les ports contient enfin un plan d’action plus vaste qui comporte huit axes de travail « à entreprendre dans les années à venir pour relever les défis majeurs qui se posent aux ports aujourd’hui ». Parmi ces huit points figure une volonté de « simplification administrative dans les ports ». Ici, Bruxelles prévoit de soutenir la simplification des procédures douanières dans le cadre du concept de ceinture bleue, l’harmonisation et la cohérence de la mise en œuvre des guichets uniques nationaux. Elle cite aussi l’initiative « e-maritime », pour une utilisation des données électroniques afin de réduire la charge administrative et pour la conduite des affaires, ou encore « fret en ligne » pour faciliter l’échange d’informations le long des chaînes logistiques multimodales. Dans ce plan d’action, l’attribution des contrats de concession est évoquée avec l’annonce d’une future directive. Cette dernière aura pour objet « d’établir des procédures communes et de renforcer la transparence pour garantir l’absence de discrimination dans l’octroi des concessions ». La future directive « s’appliquera aux concessions portuaires en matière de manutention des marchandises et de services aux passagers ». La proposition de Bruxelles portant sur la politique portuaire va maintenant entamer son parcours législatif européen selon la procédure ordinaire auprès des eurodéputés, des gouvernements des États membres et du Conseil.
Des réactions prudentes
L’European Sea Ports organisation (Espo), l’European Community Shipowners’ Associations (Ecsa), le Clecat et la Fédération européenne des travailleurs des transports (ETF) ont publié des premières réactions suite à la diffusion par Bruxelles de sa proposition législative sur les ports. L’Espo salue l’absence de mesure pour la manutention des marchandises ou les services passagers et les ambitions de transparence financière. À l’inverse, l’Ecsa regrette le report de décision sur la manutention et un dialogue social qui va durer jusqu’en 2016. L’ETF se déclare prête au dialogue avec les employeurs et restera vigilante sur toute mesure qui pourrait porter sur la manutention. Clecat salue la création d’un cadre pour l’accès au marché des services portuaires et la transparence financière des ports, mais n’est pas convaincu que le texte prévoit des instruments suffisants pour éliminer les pratiques restrictives et anticoncurrentielles. Enfin, les quatre organisations indiquent qu’elles vont étudier le texte en profondeur et feront part dans les semaines à venir d’une position officielle.