L’exploration, la production, le transport et la regazification du GNL sont des activités industrielles particulièrement techniques, complexes, qui nécessitent des investissements financiers dont l’échelle se compte en milliards voire en dizaine de milliards d’euros.
Cet article porte sur l’encadrement juridique des activités GNL dites de « midstream », c’est-à-dire se limitant à la prise en charge, le transport maritime et la livraison du GNL.
Si ces activités de midstream sont physiquement assez complexes, elles reposent toutefois sur un encadrement juridique relativement simple car très standardisé, d’inspiration, de langue et de régime juridique applicable anglais ou anglo-saxon.
1. Le contrat « source » est le contrat d’achat long terme de GNL, conclu entre le ou les producteurs-vendeurs et l’acheteur.
Ces contrats long terme sont consubstantiels à la production du GNL, car elle n’existerait pas sans eux. C’est en effet parce que les acheteurs long terme se sont engagés à payer les volumes annuels de GNL, enlevés ou livrés par navires (représentant la « cargaison de GNL » mentionnée précédemment), pour de longues périodes, de 20 ans le plus souvent, que les producteurs et leurs banques ont engagé les lourds investissements nécessaires à la production. Ces contrats long terme leur assurent ainsi les revenus leur permettant de rentabiliser ces investissements.
La clause fondamentale de ces contrats long terme, au-delà des volumes annuels à livrer, de la durée du contrat et de l’incoterm FOB ou DES (DAT) utilisé, est la fameuse clause de « take or pay » au terme de laquelle l’acheteur s’engage à payer, qu’il les prenne ou non, lesdits volumes de GNL. Cette clause angulaire de ces contrats est particulièrement lourde à assumer pour les acheteurs qui s’engagent à payer le GNL sur la période considérée. Elle est cependant tempérée par certains mécanismes conférant une flexibilité relative aux acheteurs, comme la clause de « make up » au terme de laquelle les volumes non pris par l’acheteur – mais payés en application de la clause de take or pay – peuvent être, à de strictes conditions, livrés dans le futur par le vendeur.
La rigueur de cette clause de take or pay est également et principalement allégée par la seconde clause fondamentale de ces contrats long terme, qui est la clause de « révision de prix » permettant aux parties, à certaines échéances fixes, tous les trois ou quatre ans généralement, de renégocier le prix du GNL. En effet, ce prix est très souvent fixé sur la base d’indices (le plus souvent, principalement, sur le cours du Brent) qui évoluent dans le temps et dont l’évolution échappe totalement aux parties. Ainsi, par exemple, quand le cours du Brent passe de 40 $ en novembre 2008 à 120 $ quatre ans plus tard, l’acheteur paye son GNL trois fois plus cher. Ces changements drastiques peuvent, couplés à l’obligation de take or pay, être fatals à l’acheteur, ou éventuellement, en cas de baisse du prix, aux producteurs.
C’est pourquoi les parties se sont contractuellement engagées, en fonction de l’évolution comparative du prix du GNL payé et de la valeur du gaz dans le marché de l’acheteur (concept qui pourrait faire à lui seul l’objet d’une longue étude), à renégocier le prix du GNL à échéances régulières afin de l’adapter à l’évolution de cette valeur du gaz dans le marché de l’acheteur.
Ces négociations, dont les enjeux se chiffrent très vite en centaines de millions ou en milliards d’euros, de nature certes juridique mais surtout économique, durent de six mois à un an, généralement. Elles sont aujourd’hui compliquées par de grandes tendances de fond qui n’ont pas été prévues lors de la conclusion de ces contrats long terme comme la grande volatilité des indices de référence (comme le Brent), l’internationalisation des acheteurs et donc la difficulté croissante à définir leur marché gazier de référence, ou l’apparition de prix de marché du gaz naturel stricto sensu (c’est-à-dire sans lien avec des indices de référence comme le Brent), prix qui se découplent, à la baisse aujourd’hui, des indices de référence fixant le plus souvent le prix du GNL dans les contrats long terme.
Au terme de ces négociations, les parties, si elles n’ont pas trouvé d’accord, peuvent soumettre leur différend à un tribunal arbitral, avec tous les aléas que ce processus engendre eu égard en particulier à l’importance des montants financiers en jeux et au caractère de plus en plus complexe, en termes économiques notamment, du contenu des discussions.
2. Le second contrat essentiel à ces activités de midstream GNL est la charte-partie permettant l’affrètement des navires méthaniers qui transportent les cargaisons de GNL du point de production au point de livraison.
La supermajor Shell – qui a, pour fixer les idées, un chiffre d’affaires de l’ordre de 500 Md$ et un résultat net de plus de 30 Md$ – a établi une charte-partie type, la « LNG Shell time charter-party », qui sert aujourd’hui de modèle à la quasi-totalité des affrètements à temps. C’est un modèle de charte-partie, à l’analyse assez classique, qui vise à répartir équitablement les risques entre l’armateur et l’affréteur. De nouvelles clauses y sont apparues récemment, comme celle tendant à régir spécifiquement le risque de piraterie. Les loyers court et moyen termes de ces chartes ont très peu connu la crise (à l’exception notable de 2010) et se situent aujourd’hui à des taux journaliers avoisinant les 120 000 $, alors que les armateurs rentrent dans leur frais à des loyers se situant aux alentours de 70 000 $.
Si ce modèle de charte-partie à temps est très bien adapté aux affrètements de navires méthaniers pour plusieurs mois ou années, il apparaît cependant mal correspondre aux risques liés aux ventes nécessitant des affrètements pour un voyage donné, de plus en plus fréquents en raison de la nécessité, eu égard aux taux d’affrètement élevés, pour les « disponent owners » d’optimiser leur flotte et pour les acheteurs de GNL, eu égard à la valeur d’une cargaison sur le marché international, d’optimiser leur portefeuille de GNL.
Cette inadaptation relative s’illustre, par exemple, en cas de non-disponibilité de la cargaison pour cause de force majeure. L’affréteur devra en effet tout de même payer le loyer du navire, qu’il n’utilisera pourtant pas. De même, en cas de retard dans la présentation du navire par l’armateur, la seule option possible en faveur de l’affréteur sera l’annulation de la charte alors que cette présentation tardive du navire pourra empêcher le chargement de la cargaison et exposera ainsi l’affréteur, par ailleurs vendeur de la cargaison, à des dommages-intérêts importants vis-à-vis de son propre vendeur et de son acheteur.
Les quelques modèles de charte-partie GNL au voyage tendant à rééquilibrer le partage des risques entre l’armateur et l’affréteur n’ont pas encore connu de succès pratique, les armateurs de navires méthaniers profitant de leur position actuelle de force sur le marché.
3. Le troisième type de contrat important pour ces opérations de midstream GNL est le contrat de revente de GNL au terme duquel les acheteurs long terme initiaux revendent leur cargaison sur des bases plus court terme.
Au premier rang de ces contrats se trouve un contrat-cadre permettant la réalisation de vente spot, c’est-à-dire unique, de cargaison de GNL, que cette vente se fasse au départ (FOB) ou à l’arrivée (DES/DAT). Il existe deux grandes familles pour ce type de contrat-cadre. L’une d’inspiration anglo-saxonne, avec un modèle de contrat type long et exhaustif, très juridique, et un second modèle d’inspiration plus continentale, plus synthétique et opérationnelle, élaboré dans le cadre du GIIGNL, association regroupant une partie substantielle des importateurs mondiaux de GNL. Les clauses fondamentales de ces contrats sont les clauses de « failure to deliver » et de « failure to take ».
On trouve ensuite, dans cette série de contrats de vente de GNL plus court terme, un second type de contrat hybride entre les contrats d’achat long terme et les contrats cadres spot, qui porte sur la livraison de GNL sur des périodes de quelques mois à quelques années.