En 2007, le bureau irlandais de promotion du Short Sea Shipping (BIP3S) a organisé à Dublin la première conférence sur le sujet afin que tous les bureaux européens puissent se tenir informés de ce qu’il se passe dans le secteur, a rappelé Brian Richardson, représentant l’Irish Maritime Development Office et actuel président du réseau européen des bureaux de promotion. Après la Grande-Bretagne, puis Hambourg, c’est donc au tour du BP2S d’organiser à Paris cette conférence, au ministère des Transports (La Défense). Cent vingt personnes, dont la moitié venant de l’étranger, y ont participé.
Le discours politique sur le TMCD a plus de 20 ans, a rappelé, non sans malice, Alphons Guinier, secrétaire général de l’Ecsa (European Community Shipowners’Associations). Cela a commencé lors de la dernière séance plénière du Forum des industries maritimes (FIM) tenue à Gènes les 28 et 29 octobre 1992. Une initiative de trois commissaires de la Commission européenne qui ont eu un peu de mal à définir une politique commune du transport maritime. La condamnation, en mai 1985, des États membres par la Cour européenne de Justice pour leur inaction en matière de politique commune des transports, a réveillé les consciences. Le rapport final du FIM est resté d’une actualité brûlante: il a été question de mettre tous les moyens pour favoriser le cabotage (maritime) intracommunautaire, d’améliorer le passage portuaire dans toutes ses composantes et de développer l’accès aux hinterlands portuaires. Si le conseil des ministres soutient les propositions de la Commission, les premières mesures en faveur du cabotage pourraient être prises dès le début de 1993, affirmait alors le commissaire Bangemann, chargé de l’industrie. Vingt ans plus tard, l’efficacité de la politique en faveur du TMCD pour les marchandises diverses semble plus se mesurer par le nombre des directives produites et autres « boîtes à outils » que par le tonnage de marchandises réellement transférées sur les navires. La présentation de Patrick Norroy, chargé du TMCD à la Commission européenne, a, de ce point de vue, été exemplaire.
Pas de technologies alternatives avant 2015
Le 1er janvier 2015, en mer Baltique, en mer du Nord et en Manche, tous les navires présents devront soit utiliser un combustible contenant moins de 0,1 % de soufre, soit traiter leurs émissions afin d’obtenir un résultat équivalent. Ce combustible peut être du fuel lourd désulfurisé, du DO, ou un gaz, comme le méthane livré en phase liquide. Selon le ministère danois du Transport maritime, cela concerne 2 200 navires qui sont employés à plein-temps dans ces zones, et 2 700 autres qui y passent la moitié de leur temps de navigation. Au total, 5 000 navires en moyenne sont visés. Ils consomment 12 Mt de fuel lourd par an. L’investissement, pour passer au GNL, représente environ 10 Md€ pour équiper les ports et les navires, sans parler des problèmes de réglementation. Très peu d’armateurs envisagent de rééquiper leurs navires malgré un retour sur investissement variant de deux à trois ans, selon le type de navire. La grande majorité envisage d’utiliser du DO, par nature beaucoup plus cher. Il faudra donc trouver 12 Mt de DO supplémentaires car l’autre solution (filtration des émissions) ne semble pas convaincre à ce stade les armateurs. Les tonnages seront disponibles, a affirmé le représentant de l’Ufip, mais il n’y aura pas d’investissement dans la désulfuration du fuel lourd.
De sorte que, selon le représentant du bureau norvégien de promotion du TMCD, le prix « gate-gate » du transport d’un conteneur entre Rotterdam et Oslo devrait augmenter de 8 % à 10 %. Les importations norvégiennes devraient même reculer de 5 %. D’où l’appel pressant aux aides d’État pour aider les transporteurs maritimes à se mettre en conformité avec le droit international et européen. Cela suppose que l’État concerné dispose de moyens rapidement mobilisables. En effet, les lignes directrices concernant les aides d’État à la protection de l’environnement sont applicables jusqu’au 31 décembre 2014. Il va sans dire que ce sont les États côtiers de la Baltique qui ont demandé le classement de leur mer en Seca.
À lire la une du Lloyd’s List du 12 mars, les opérations de communication semblent se poursuivre: selon une estimation de l’UK Chamber of Shipping, la mise en œuvre de la réglementation soufre devrait générer la perte de plus de 2 000 emplois, une augmentation du prix du diesel utilisé par les automobilistes et les transporteurs routiers et une hausse des tarifs appliqués par les ferries pouvant aller jusqu’à 29 % dans les cas les plus extrêmes.
Ces prévisions apocalyptiques ne sont pas sans rappeler celles qui prévalaient quelques mois avant la suppression, le 30 juin 1999, du duty free-shop sur le transmanche. Les opérateurs ont eu sept ans pour s’adapter. Les syndicats de salariés ont été appelés en renfort pour faire plier les États membres qui l’avaient décidé en 1991.