Ports portugais: le travail rendu plus flexible par une nouvelle loi

Article réservé aux abonnés

Dans la réalité, la loi ne sera pas vraiment appliquée avant quelques mois, voire avant la fin de 2013. En effet, des négociations entre les opérateurs maritimes et les syndicats doivent démarrer sur la convention collective du travail portuaire, qui permettra d’adapter l’organisation du travail dans les ports à la nouvelle loi. Les discussions peinent à commencer, probablement en conséquence des vives tensions qui ont marqué les discussions sur le texte de loi et son adoption à l’Assemblée nationale par les députés de droite au pouvoir et l’opposition socialiste. Le principal changement apporté par la nouvelle loi est de taille: il introduit un nouveau paradigme dans la manière de considérer le travail portuaire. Jusqu’à présent, l’article 2 du décret-loi de 1993 permettait de définir comme « effectif du port » l’ensemble des travailleurs détenteurs de la carte professionnelle et qui exercent leur activité professionnelle à l’abri d’un contrat de travail à durée indéterminée. La loi du 14 janvier 2013 supprime cette référence qui a, de fait, créé une certaine « noblesse » dans la profession, ou tout du moins une hiérarchie établissant une organisation du travail spécifique. Le nouveau régime juridique apporte d’autres modifications importantes. Il exclut du travail portuaire le transport des marchandises par camions, remorques et poids lourds, la manutention dans les hangars et les opérations de contrôles à l’entrée et à la sortie des marchandises (alinéas b, c, d de l’article 1).

La rage des dockers

Au printemps 2011, à la demande du Portugal, le Fonds monétaire international et l’Union européenne interviennent pour soutenir l’économie portugaise et empêcher la banqueroute. Un mémorandum qui établit les objectifs à atteindre par le gouvernement, en contrepartie d’un prêt échelonné de 78 M€, est alors élaboré. La question des ports apparaît dans le volet « mesures fiscales structurelles », et prévoit à l’alinéa 7 du chapitre 5 la réforme du statut juridique du travail portuaire. Le gouvernement va ensuite temporiser, et attendre l’adoption de la réforme du code du travail, ce qui se fera en janvier 2012. Les discussions sont alors lancées entre les partenaires sociaux. Un accord signé entre des syndicats affiliés à l’UGT, l’Union générale des travailleurs, le patronat et le gouvernement ouvre la porte à la révision de la loi du travail portuaire. Et déclenche aussitôt le courroux du Syndicat des dockers et travailleurs du centre et du sud du Portugal (SET, en abrégé). « Les syndicats signataires de l’accord de concertation sociale sont très minoritaires. Il a suffit de faire miroiter une retraite anticipée pour qu’ils signent un accord qui met en péril la profession de docker alors que ces syndicats ne représentent que 20 % des effectifs », s’insurge Victor Dias, le dirigeant du SET. S’ensuit une grève dure, entamée au mois d’août 2012 juste après l’entrée en vigueur du code général du travail. Elle est observée dans les ports où le SET, syndicat indépendant, est majoritaire: Lisbonne, Setubal, Figueira da Foz et Sines rejoint par les dockers d’Aveiro. La grève est limitée aux heures supplémentaires, notamment le samedi, mais elle oblige les chargeurs à redéployer les opérations portuaires vers les ports sans grève, comme Leixoes (Porto) ou vers l’Espagne. Le gouvernement annonce une perte sèche de 400 M€ par mois de grève. Le mouvement sera stoppé le 29 décembre 2012, après quatre mois et demi de vives tensions.

Flexibilité contre monopole

La loi de janvier 2013 vient bousculer la situation de quasi-monopole dont jouissent les « statutaires » accusés de s’octroyer le privilège des heures supplémentaires. À Lisbonne, le cumul des heures supplémentaires dans un système en deux ou trois huit peut porter le revenu mensuel à 4 200 €, sur la base d’un salaire de 900 €. Victor Dias est évasif sur la question des revenus. Mais il fustige une loi qui limite désormais à 250 heures le travail supplémentaire annuel. « C’est presque une caricature. On ne peut stopper le déchargement d’un navire parce que les travailleurs ont atteint leur quota d’heures. Par ailleurs, la disparition des postes occupés par des professionnels au profit d’intérimaires ou de contractuels réduit la garantie de sécurité et de productivité dans les ports », estime Victor Dias. Mais du côté des chargeurs, le son de cloche est différent. « La souplesse que la loi introduit dans l’activité portuaire, assortie de mesures garantissant la formation et la qualification, devraient améliorer la productivité et entraîner une baisse de la facture maritime », estime Pedro Galvão, président de l’association des chargeurs portugais, la CTP. Les principaux exportateurs portugais réunis dans cette association patronale (ciment, pétrole, gaz, papier, agroalimentaire…) considèrent que le nouveau régime du travail portuaire qui fait perdre aux statutaires (un tiers des 1 200 dockers portugais, majoritairement concentrés au port de Lisbonne) certaines prérogatives en matière d’embauche et de distribution du travail est un des éléments qui va contribuer à faire baisser la facture portuaire.

Réduction de la facture portuaire

Le gouvernement portugais prépare un ensemble de mesures, regroupées sous le terme de « 5 + 1 ». L’objectif visé est une réduction de 25 % à 30 % de la facture portuaire. Pour cela, il faudra renégocier les contrats de concessions et réorganiser la direction des ports (le gouvernement a créé l’IMT, l’institut de la mobilité et des transports, qui englobe entre autres l’Institut portuaire et l’Institut des transports maritimes). La tutelle prévoit aussi le développement de l’intermodalité, et va favoriser l’arrivée de nouveaux opérateurs. Le dispositif est complété par l’ouverture du marché du travail, et le gouvernement s’est engagé à baisser la taxe portuaire. Le Portugal veut devenir ainsi plus compétitif et détourner une partie du trafic qui emprunte le rail d’Ouessant vers l’Europe du Nord. « L’objectif est réaliste. Nous serons plus efficaces si les acteurs tiennent leur rôle, à commencer par les opérateurs », estime Pedro Galvão. L’expor­tateur aurait souhaité aller plus loin en matière de loi du travail portuaire et déréglementer totalement. Du côté du syndicat des dockers du Centre et du Sud, qui représente « l’élite » des travailleurs portuaires, on table sur une convention collective adaptée. En attendant, les dockers ont déposé un recours à la cour constitutionnelle et ont saisi l’OIT (Organisation internationale du travail). Au Port de Lisbonne, 18 personnes sont en procédure de licenciement. Une conséquence de la nouvelle loi selon le syndicat, le résultat de près de cinq mois de grève selon l’entreprise portuaire. Ce sont bien deux visions différentes qui s’affrontent.

Politique & réglementation

Règlementation

Boutique
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client abonnements@info6tm.com - 01.40.05.23.15