L’article 15 a pour vocation d’aider les autorités portuaires à se débarrasser au plus vite de navires abandonnés qui peuvent encombrer leurs quais. Il précise ce qu’est un navire abandonné; l’autorité administrative compétente, l’État ou le port selon l’endroit où se trouve le navire; la procédure à mettre en place et les sommes recouvrables.
Les articles 16 et 17 concernent la limitation de responsabilité des navires ayant causé une marée noire. Le Grenelle de la mer de septembre 2010 a en effet mis en évidence une difficulté d’application des procédures de constitution et de répartition du fonds de garantie par le P&I club du navire. Les nouveaux articles L. 5122-25 à 21-22-30 ont pour objet de « mettre en place une procédure de limitation de responsabilité conforme aux engagements internationaux de France », explique l’exposé des motifs présenté par le gouvernement. La convention CLC date de 1992.
L’article 18 a pour objet de corriger un loupé administratif entraîné par la fusion des corps des affaires maritimes. En effet, les agents civils des affaires maritimes sont habilités par la loi à exercer des pouvoirs de police spéciale. Cela résulte de la seule appartenance à l’un des trois corps suivants: inspecteur des affaires maritimes ou contrôleur des affaires maritimes ou syndic des gens de mer. Or, la politique de fusion des corps a déjà entraîné l’abrogation du statut de contrôler, et celui d’inspecteur devrait rapidement suivre le même chemin. À plus long terme, les syndics des gens de mer devraient connaître le même sort. L’abrogation des statuts entraîne de fait la perte d’habilitation des agents. Une solution temporaire a été mise en place mais l’objectif est de trouver une rédaction plus sûre des textes, faisant référence aux fonctions et non plus aux statuts.
L’article 19 impose aux navires fluvio-maritimes les mêmes obligations en matière de marques extérieures d’identification que les navires de mer et institue les mêmes sanctions en cas de non-respect de ces prescriptions.
L’article 20 concerne les visites des navires faites au titre de l’État du pavillon et de l’État du port. Il précise que ces visites et inspections peuvent être faites « à toute heure ».
Une nouvelle enquête nautique, de nature administrative, différente de celle réalisée par le BEAmer, est instituée. Elle doit permettre « notamment aux agents de terrain de donner une première information à l’échelon central et d’informer les autorités judiciaires en cas de découverte d’une infraction ». Concrètement, après « tout événement de mer », le capitaine du navire transmet « sans délai » un rapport de mer au directeur interrégional de la mer, responsable du service dans le ressort duquel il se trouve. Ce dernier, dès qu’il a connaissance d’un événement de mer, « peut » procéder à une enquête administrative, dite nautique qui comporte l’établissement d’un rapport circonstancié sur les faits en vue notamment de prendre toute mesure administrative, y compris d’urgence. En cas d’infraction pénale, y compris maritime, le directeur interrégional de la mer en informe immédiatement le procureur de la République et lui adresse le rapport d’enquête. Les agents désignés par le directeur pour conduire l’enquête ont tous pouvoirs pour accéder à bord du navire, l’inspecter, recueillir témoignages et informations, d’accéder à tous les documents disponibles et d’en prendre copie.
L’article 21 précise que le parc naturel de Port-Cros est désormais l’autorité compétente pour aménager, entretenir et gérer ses installations portuaires. Son directeur assure le pouvoir de police portuaire.
L’article 22 donne au capitaine de navire le pouvoir d’ordonner la consignation d’une personne mettant en péril le navire, sa cargaison ou la sécurité des passagers ou de l’équipage. Il s’agit d’une mesure de police prise avec l’accord préalable du procureur de la République. En cas d’urgence, la consignation est immédiatement ordonnée par le capitaine qui en informe aussitôt le procureur de la République afin de recueillir son accord. Avant l’expiration du délai de 48 h, le juge des libertés et de la détention, saisi par le procureur de la République, statue sur la prolongation de la mesure pour une durée maximale de 120 h.
Cabotage et droit social du pays d’accueil
L’article 23 est à la fois le plus long et le plus important du projet de loi. Il crée un 6e titre intitulé « les conditions sociales du pays d’accueil ». Sont concernés les navires:
« 1o – Ayant accès au cabotage maritime national et assurant un service de cabotage continental et de croisière d’une jauge brute de moins de 650;
2o – ayant accès au cabotage maritime national et assurant un service de cabotage avec les îles, à l’exception des navires de transport de marchandises d’une jauge brute supérieure à 650 lorsque le voyage concerné suit ou précède un voyage à destination d’un autre État ou à partir d’un autre État;
3o – utilisés pour fournir dans les eaux territoriales ou intérieures françaises des prestations de service. »
Si les notions de cabotage continental et de croisière ne sont pas définies, ce texte devrait s’appliquer aux vedettes à passagers exploitées sur le long du littoral, et aux ferries entre un port métropolitain et la Corse. Tout remorqueur néerlandais ou non qui oserait s’installer dans un port français devrait aussi être visé. Dès lors, les navigants employés sur ces navires se verraient appliquer les dispositions sociales applicables aux salariés des entreprises françaises exploitant les mêmes types de service: libertés individuelles et collectives dans la relation de travail, durée du travail, repos compensatoires; salaire minimum; existence d’un contrat de travail écrit précisant un certain nombre de points (poste occupé, salaire, temps de travail, protection santé, référence à la convention collective nationale française étendue auxquelles sont soumis les navires français effectuant le même type de navigation). En ce qui concerne la protection sociale, les marins étrangers embarqués sur les navires concernés devront bénéficier d’un régime de l’un des États membres de l’UE ou de l’Espace économique européen.
Pour que l’armateur comprenne bien les choses, une amende de 3 750 € est prévue en cas de recrutement sans contrat écrit, ou avec un contrat qui ne comporterait pas les informations obligatoires ou des mentions volontairement inexactes. La récidive est punie d’une peine d’emprisonnement de six mois et d’une amende de 7 500 €. Une amende de 3 750 € par navigant sera infligée à son employeur s’il oublie de lui faire bénéficier d’un régime de protection sociale (santé, maternité-famille, emploi et vieillesse) de l’un des États membres de l’UE ou de l’Espace économique européen.
Un décret fixera la liste des documents qui seront à la disposition de l’équipage dans la langue de travail du navire et en français, ainsi que les documents qui seront tenus à la disposition des inspecteurs de l’État du port.
L’exposé des motifs estime que ce « dispositif doit permettre de garantir des conditions de concurrence équitables entre entreprises maritimes opérant sur les mêmes lignes » de cabotage. Depuis la directive de 1992 sur la libre prestation des services maritimes dans les eaux des États-membres, le monopole de pavillon national a disparu. Le décret de 1999 relatif à l’application des règles de l’État d’accueil aux caboteurs étrangers nécessitait une refonte et un renforcement du cadre de l’État d’accueil, estime l’exposé des motifs sans préciser les raisons de ce besoin.
À bord des navires pratiquant un service de cabotage à passagers avec les îles ou de croisière, jaugeant moins de 650 UMS, le « personnel désigné » (marins ou ADSG) pour aider les passagers en cas de situation d’urgence devra être « aisément » identifiable et posséder, « sur le plan de la communication, des aptitudes suffisantes pour remplir cette mission […] ». L’effet Concordia, probablement.
Pour un ancien de la Place de Fontenoy, la partie maritime de ce projet est « faramineuse. C’est la grande voiture-balai qui traînait depuis longtemps dans les tiroirs! »
Ferroviaire: obligation de « publier » des comptes séparés
La partie ferroviaire comprend au moins une perle: l’article 3 « prévoit l’obligation pour une entreprise ferroviaire de publier des comptes séparés (profits/pertes et bilan/compte de résultat) pour les activités relatives à la fourniture de services de transport et celles relatives à la gestion de l’infrastructure ferroviaire ». La directive 91/440 modifiée par celle de 2001/12 impose la tenue et la publication de comptabilités séparées transport d’un côté, gestion de l’infrastructure de l’autre lorsque ces deux activités coexistent dans la même entreprise ferroviaire. L’obligation de publication séparée n’apparaissait pas « explicitement » en droit national, explique l’exposé des motifs.
Ainsi se prépare l’intégration juridique de RFF dans le groupe SNCF dont la partie fret a été condamnée, le 18 décembre, à une amende de 60,5 M€ pour avoir entravé l’arrivée de concurrents en utilisant des informations confidentielles obtenues dans le cadre de sa mission publique de gestionnaire d’infrastructures.