La sécurité à pas de géants

Article réservé aux abonnés

Le gigantisme n’a rien de passager. L’évolution est durable, dictée par des impératifs financiers et une faible densité de transport, si on rapporte le poids du client aux espaces qui lui sont consentis. « Un navire à passager est un outil commercial où l’on compte avant tout les mètres cubes qui font du chiffre d’affaires, assène Dominique Guiziou, enseignant à l’école de l’Hydro nantaise. Le développement croissant de « l’entassement » pour baisser les coûts de production d’une semaine de croisière, et le gigantisme d’un paquebot comme The Oasis-of-the-Seas (360 m hors tout, 47 m de large, 65 de tirant d’air) concentrent les problèmes de formation des gens du bord à gérer mouvement de foule et effets de panique. Mis en avant depuis le Costa-Concordia, les exercices de sauvetage sont perçus comme anticommerciaux par les compagnies, pas enchantées de mettre l’accent sur les dangers, au risque de plomber l’ambiance détente et laisser-aller du produit croisière. La mise à disposition d’autant d’équipements de sauvetage que de passagers montre ses limites, la répartition des dépôts de gilets ne correspondant pas à la position des passagers, par définition mobiles à bord.

Le danger, c’est de naviguer

La mer? Un prétexte à la croisière axé sur les revenus des bandits manchots et des bars à bord. La structure flottante étant l’outil pour tenter de doubler le prix du billet, certaines voix s’élèvent pour inverser le principe des secours, en contraignant les routes des paquebots, pour disposer au plus près de ces itinéraires des moyens nécessaires, hélicoptères, remorqueurs, navettes avec la terre… « Le fait que le navire navigue est le principal obstacle à la sécurité », ironise Dominique Guiziou, citant des études d’air-bags le long de la coque, chargé de la flottabilité en cas de sinistre.

Le gigantisme ne favorise pas les arbitrages coût/sécurité à la conception du navire: « Une triple coque, une cloison tous les trois mètres, tout va bien! Mais les coûts ne seront pas assumés par l’armement », note Dominique Guiziou. Idem pour les zones de refuge à bord, contre l’incendie, les fumées ou l’envahissement par l’eau, qui requièrent un cloisonnement des espaces en contradiction avec le souci de fonctionnement d’une structure hôtelière ouverte sur des atriums, des escaliers monumentaux, des salles de casino, des amphithéâtres et scène de spectacle.

La langue de sauvetage

La question de l’anglais comme langue de communication d’urgence a montré ses limites avec le Costa-Concordia, avec un public âgé, britannique, italien, et d’Europe centrale ne parlant pas anglais. « Il va falloir des procédures d’enregistrement des langues parlées par les passagers avant l’appareillage », note le juriste Patrick Chaumette, qui y ajoute l’arrimage des objets lourds, pianos ou machines de blanchisserie, la formation renforcée des équipages dans les engins de sauvetage, les procédures de suivi administratif plus resserré, la fin des visites des passerelles (comme le privilège aboli des visites des cabines de pilotage dans l’aérien).

Capitaine aux ordres

Professeur de droit maritime à l’université de Nantes, Patrick Chaumette soulève aussi la contradiction pour « le capitaine, responsable de tout et commandant parfois si peu », soumis aux injonctions de l’armement: « Même si les textes de la convention Solas disent le contraire, comment protéger l’autonomie de ces salariés qui sont aux ordres de leur compagnie, parfois pire qu’un conducteur de bus? » Il pointe aussi l’opacité des conditions de travail des salariés des gros paquebots, diversité de nationalités, de contrats, de rémunérations, et des employeurs de la compagnie à ses sous-traitants, qui veillent soigneusement à l’absence des syndicats. « En cas de difficulté, on met fin à l’embarquement. »

Politique & réglementation

Règlementation

Boutique
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client abonnements@info6tm.com - 01.40.05.23.15