Le Bureau politique des Nations Unies pour la Somalie (UNPOS) a salué le 25 octobre la restitution de deux navires et la libération de leur équipage par des pirates somaliens au cours des deux dernières semaines. Mais 112 navigants sont toujours retenus en otage, soit les équipages de neuf navires. « Ce n’est pas une issue forcément heureuse, puisque cette annonce occulte une tragédie souvent ignorée, non seulement par le monde, mais même par les employeurs des équipages séquestrés », a indiqué John Steed, responsable de la sécurité maritime et de la lutte contre la piraterie à l’UNPOS, dans un communiqué de presse. « Hormis les navires et les personnes mentionnes, un nombre inconnu de marins dont les navires ont coule ou de membres d’equipages retenus pour une rançon supplementaire meme apres la restitution de leur navire, restent aux mains des pirates », a-t-il ajouté.
Deux ans de captivité
Après près de deux ans de captivité, le propriétaire du navire restitué le 19 octobre avait négocié et payé une rançon. Cependant, seuls 13 des 19 marins ont été libérés avec le navire, les six autres étant maintenus en captivité, les pirates estimant la rançon insuffisante. Selon l’UNPOS, 29 marins sont actuellement détenus par les pirates sur le littoral somalien dans des conditions de détention « épouvantables », et sont souvent soumis à des traitements cruels et à la torture devant les caméras, dans le but d’extorquer une rançon. Si leur navire a été coulé ou déjà restitué, les propriétaires ne sont souvent pas pressés de payer. Dans un cas, le propriétaire a fait faillite, l’armateur n’existe plus et il ne reste plus alors que des membres de la famille ou des proches pour suivre le dossier. « Afin de fournir une assistance aux otages, l’UNPOS a crée un programme d’assistance pour la liberation des otages, qui tente de retrouver la trace des personnes sequestrees et les aider a rentrer dans leur pays lorsqu’elles sont relachees. Cependant, l’ONU ne negocie pas les rançons », a précisé John Steed.
La piraterie en Somalie est actuellement moins répandue que par le passé. Cela est du aux précautions prises par les armateurs, qui postent des gardes de sécurité sur leurs navires, et à une présence militaire navale renforcée, notamment de la Force maritime de l’Union européenne (EU Navfor) et de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN). Cette baisse d’activité s’explique également par la saison des moissons, qui vient de toucher à sa fin. Les attaques ont repris depuis peu, mais sans succès jusqu’à présent.
Solution terrestre
« La solution au problème de la piraterie se trouve à terre. L’ONU et ses partenaires cherchent à assister le nouveau gouvernement somalien en renforçant ses capacités de lutte contre les pirates, afin que ceux-ci ne parviennent plus à effectuer des sorties en mer », a affirmé John Steed. « La Somalie possède des ressources maritimes considérables qui pourraient devenir un élément important de sa reconstruction économique, à condition qu’elles soient bien gérées. Pour cela il est nécessaire de mettre en place un cadre juridique et de résoudre le problème de la création d’une zone économique exclusive. Enfin, il faut des capacités navales pour faire respecter ces lois ».
En décembre 2008, lors des 4e Assises de la mer, le chef d’état-major de la Marine française d’alors, l’amiral Pierre-François Forissier, a suggéré de « convaincre » les pirates de se mettre réellement au service de leur littoral en devenant des garde-côtes, avec l’assistance des États développés. Une question: combien touchent-ils lorsqu’ils rançonnent les équipages? Combien toucheraient-ils comme garde-côtes?
Effondrement des primes Kidnap & Ransom
En l’espace d’un peu plus de cinq ans, le marché de l’assurance Kidnap & Ransom est passé de presque rien à environ 250 M$, selon les estimations informelles recueillies par l’agence de presse Reuters. Mais les encaissements ont baissé de moitié en moins de deux ans, note un courtier britannique en assurance. « Nous constatons un assouplissement dans les primes demandées par les assureurs depuis que des mesures plus radicales ont été prises à bord des navires », estime le courtier britannique. La mesure phare est l’extension de la présence de gardes armés à bord, qui a permis aux armateurs de négocier des rabais allant jusqu’à 50 % de la prime demandée. Les marges jusqu’ici réalisées ont ouvert les appétits des autres assureurs. La concurrence s’est donc accrue. Si le marché « somalien » baisse, il y en a d’autres en croissance, comme le golfe de Guinée.