La Commission a adressé un avis motivé le 27 septembre à l’Espagne, car elle oblige les entreprises de manutention de marchandises dans plusieurs ports espagnols à participer financièrement au capital d’entreprises privées gérant les équipes de travailleurs portuaires. De plus, l’Espagne ne leur permet pas de recourir au marché pour recruter leur personnel, sauf si la main-d’œuvre proposée par ces entreprises privées n’est pas appropriée ou suffisante. Les manutentionnaires des autres États membres qui souhaitent s’établir en Espagne pourraient être « dissuadés » de le faire en raison des obstacles que cette disposition crée sur le marché des services de manutention de marchandises. Cet avis motivé constitue la deuxième étape de la procédure d’infraction. Si l’Espagne ne répond pas de manière satisfaisante dans les deux prochains mois, la Commission pourra saisir la Cour de justice de l’UE.
Rappel du droit européen
Les dispositions du traité relatives à la liberté d’établissement s’appliquent pleinement aux activités des entités chargées de recruter les dockers, appelées « pools ».
L’Union européenne « exige » la suppression des obstacles à la liberté d’établissement. En particulier, le traité s’oppose à toute mesure nationale susceptible d’entraver ou de rendre moins intéressant l’exercice de la liberté d’établissement garantie par le traité, même si cette mesure n’introduit pas de discrimination sur la base de la nationalité. Dès lors, si les pools dispensent « souvent » une formation de bonne qualité aux travailleurs et constituent un outil efficace pour les employeurs, elles ne doivent pas servir à empêcher des personnes ou des entreprises possédant les qualifications nécessaires d’assurer des services de manutention des cargaisons, ni imposer aux employeurs du personnel dont ils n’ont pas besoin.
Closed shop et protectionnisme
La Commission rappelle que le décret-loi royal no 2/2011 du 5 septembre 2011 impose que des entreprises privées qui recrutent des dockers et les mettent à la disposition des manutentionnaires, dénommées Sagep (Sociedad Anónima de Gestión de Estibadores Portuarios – société anonyme de gestion de dockers), soient constituées dans les « ports d’intérêt général ».
Ces ports sont notamment Barcelone, Algésiras, Valence et Bilbao. Le même décret contraint toutes les compagnies souhaitant assurer des services de manutention de s’inscrire auprès d’une Sagep et de participer à son capital. Les manutentionnaires ne peuvent être exemptés de cette obligation que dans quelques rares cas et si ils fournissent exclusivement des services qui leur sont destinés. De plus, que l’entreprise soit membre ou non d’une Sagep, elle doit avoir recours aux travailleurs recrutés et mis à sa disposition par celle-ci. Il n’y a que si les dockers proposés par la Sagep ne conviennent pas ou ne sont pas en nombre suffisant que les entreprises peuvent recruter des travailleurs sur le marché mais uniquement pour une période de travail.
Selon la Commission, il existe d’autres instruments visant à garantir la formation des dockers et à améliorer leurs compétences, qui permettent d’atteindre l’objectif allégué de protection des travailleurs portuaires et qui ne sont pas en contradiction avec la liberté d’établissement et sont donc plus en accord avec cet objectif. De la même manière, des mesures en faveur de la mobilité des travailleurs entre les ports d’un même pays ou par-delà les frontières, ainsi que des dispositions de travail flexibles, peuvent avoir une incidence positive sur le travail dans les ports.
En vertu du droit espagnol, les manutentionnaires qui souhaitent s’établir dans un port espagnol d’intérêt général sont obligés de rassembler suffisamment de ressources financières pour participer à une Sagep et engager des travailleurs de la Sagep dans des conditions qu’elles ne maîtrisent pas. Par conséquent, les structures d’emploi et les politiques de recrutement de ces entreprises sont modifiées malgré elles. Ces changements peuvent entraîner de « sérieuses perturbations pour ces entreprises et avoir des conséquences financières significatives ». Les manutentionnaires pourraient dès lors être dissuadés de s’établir dans ces ports espagnols.