« Grâce à ses territoires ultramarins, le domaine maritime français compte 11 Mkm2, répartis sur trois océans et peut être un atout considérable si nous savons le valoriser et nous donner les moyens de le sécuriser », a déclaré Jeanny Lorgeoux (PS), coprésident du groupe de travail de la commission des Affaires étrangères du Sénat sur la « maritimisation ». Le 17 juillet, le sénateur du Loir-et-Cher a présenté avec son homologue de Loire-Atlantique, André Trillard (UMP), le rapport de cette commission qui met en avant l’émergence d’une « nouvelle géopolitique des océans » et un renouveau de l’économie maritime. La mer et les océans demeurent les lieux où circulent plus de 90 % des marchandises. « Le trafic maritime mondial a augmenté de 67 % en volume entre 1970 et 2000 pour dépasser les 7 Mdt en 2008, rappelle le rapport. La flotte marchande a vu son tonnage multiplié par 2,5 sur la même période. » Et les prévisions font état d’un trafic potentiel de 14 à 15 Mdt en 2020. Avec la mondialisation des processus de production, la France est désormais économiquement dépendante de la libre circulation des flux maritimes. Il en va de même pour les approvisionnements en hydrocarbures pour lesquels les six détroits mondiaux (Ormuz, Suez, Malacca, Bab-El-Mandeb, Bosphore, Panama) et les routes maritimes sont essentiels. « La France importe plus de 80 Mt de pétrole brut à travers la mer du Nord, la Méditerranée, l’Atlantique et le golfe Persique. 31,67 % du pétrole brut parvenant par voie maritime en France transite par le détroit d’Ormuz: sa fermeture suite à une crise régionale impliquant l’Iran aurait donc un impact direct sur les flux énergétiques du pays. »
Des ressources très convoitées
En plus de la navigation, les mers et océans offrent aujourd’hui de nouvelles opportunités. « L’avenir des réserves d’hydrocarbures s’écrit en mer tandis que les fonds sous-marins constituent un potentiel de ressources minérales et biologiques considérable », affirment les sénateurs. Aujourd’hui, 30 % de la production d’hydrocarbures sont situés en mer, 20 % des ressources de brut et 30 % de celles du gaz y reposeraient. D’ici 2015, la capacité de production d’hydrocarbures en eaux profondes (+ 600 m) pourrait atteindre 10 Mbpj. L’offshore profond (+ de 1 000 m), et l’offshore ultra-profond (+ de 1 500 m) connaissent un développement rapide. Dans les abysses situés le long des arêtes dorsales des océans, des métaux rares ou stratégiques ont été détectés et entraînent une course à l’exploitation de ces ressources minières, source de concurrence et de conflits entre les pays lancés dans la recherche des gisements. Selon les sénateurs, la mer pourrait aussi, à l’avenir, devenir une réserve d’énergies renouvelables avec le développement de l’éolien offshore ou flottant, des hydroliennes, de l’énergie thermique. Le recul des glaces en Arctique pourrait conduire à une recomposition des routes commerciales avec une circulation possible par les passages du nord-ouest et du nord-est du globe.
Risques potentiels et menaces réelles
« Toutes ces nouvelles activités s’accompagnent de risques potentiels comme des actes terroristes en mer ou dans les ports, ou des menaces réelles comme la piraterie, les trafics criminels liés à la drogue, à l’immigration illégale, aux êtres humains », notent les sénateurs. Pour ces derniers, les besoins d’interventions en mer sont donc appelés à se développer de manière importante, non seulement pour continuer à lutter contre les activités criminelles existantes, mais aussi pour assurer la sécurité de toutes les nouvelles installations offshore et des personnels y travaillant. Il s’agit également de continuer à assurer la libre circulation maritime par les détroits et voies maritimes existantes ou potentiellement à venir, afin de préserver l’activité du transport maritime mondial où exercent plusieurs armements français, pour certains en tant que leaders du secteur. La France va donc devoir faire évoluer les dispositifs navals dont elle dispose pour les adapter aux nouveaux impératifs de sûreté/sécurité en mer concluent les sénateurs. Ils reconnaissent toutefois que cette ambition va être difficile à mettre en œuvre dans un contexte budgétaire contraint. La croissance future de la France en dépend notamment en lien avec les nouvelles filières industrielles, comme les énergies marines renouvelables, sources des emplois de demain.