Organisée par l’Association française de droit maritime, sur une idée du professeur Pierre Bonassies, alors président, la journée Ripert réunit juristes et non juristes autour de problèmes d’actualité du droit maritime. L’échouement du Costa-Concordia a été l’occasion de traiter du droit des passagers.
Philippe Boisson, actuel président de l’AFDM, a rappelé les bonnes past-performances des paquebots: 5 naufrages en 20 ans; 28 morts dans des « accidents » de croisières entre 2002 et 2011 avec 223 millions de passagers transportés. Le Costa-Concordia est le contre-exemple: 32 morts et deux disparus sur un total de 4 200 passagers.
Règlement 392/2009: responsabilité du transporteur
Le bilan des ferries est moins bon: les naufrages du Herald-of-Free-Entreprise (193 morts) et de l’Estonia (852 morts ou disparus) ont durablement affecté les statistiques de la navigation internationale (sans parler des ferries qui coulent dans les eaux intérieures de leur état d’immatriculation, en Asie par exemple).
Qualifié de « complexe et touffu » le droit du transport de passagers est (comme pour les marchandises) le résultat d’un enchevêtrement des textes internationaux, européens et nationaux.
Après celle du transporteur aérien, puis ferroviaire et enfin routier, la responsabilité du transporteur maritime de passagers en cas d’accident a été réglée en dernier par l’Union européenne via le règlement 392/2009, a rappelé Philippe Delebecque, professeur de droit et président de la Chambre arbitrale maritime de Paris. En outre, ce texte adopté le 23 avril 2009, intègre la convention d’Athènes de 1974 et son protocole de 2002 que peu d’États souhaitaient ratifier. Il est applicable au plus tard à la fin 2012.
Le champ d’application du règlement est vaste: tout transport entre deux États effectué par un navire immatriculé dans un État membre ou régi par contrat de transport conclu dans un État membre; ou dont le port d’embarquement ou de débarquement est situé dans l’UE. En outre, chaque État membre peut décider de l’appliquer pour ses transports maritimes nationaux.
La règle de base est la responsabilité objective mais plafonnée du transporteur maritime.
Ainsi, en cas de décès ou de lésions corporelles causées par un « événement » maritime (naufrage, chavirement, abordage, échouement, explosion, incendie ou « défaut » du navire), le transporteur est responsable dans la mesure où le préjudice subi ne dépasse pas 250 000 DTS, sauf si le transporteur prouve que l’événement:
– résulte d’un facteur qui lui est totalement étranger comme un acte de guerre, civile ou non, ou une force majeure;
– résulte en « totalité » du fait qu’un tiers a « délibérément » agi ou omis d’agir dans l’intention de causer l’événement.
Si le préjudice est supérieur à 250 000 DTS, le transporteur est « en outre » responsable, « à moins qu’il ne prouve que l’événement générateur du préjudice est survenu sans faute ou négligence de sa part » ou de ses préposés. Dans tous les cas de figure, sa responsabilité est limitée à 400 000 DTS.
Si le préjudice (décès ou blessures) n’a pas été causé par un événement maritime, le passager ou son ayant droit doit prouver que le transporteur a commis une faute ou une négligence qui a généré le préjudice.
Dans le premier cas, le responsable doit, dans un délai de 15 jours, verser une avance qui ne peut être inférieure à 21 000 € en cas de décès.
Le passager ou son ayant droit ont deux ans pour agir contre le transporteur. Délai qui est susceptible d’être rallongé selon la loi du tribunal saisi.
Règlement 1177/2010: droits du passager
Applicable à partir du 18 décembre, le règlement du 24 novembre 2010 établit les règles pour le transport maritime ou fluviale de passagers: non-discrimination selon la nationalité des passagers, du transporteur ou des vendeurs de billets; non-discrimination entre passagers handicapés ou non; droits des passagers en cas de retard ou d’annulation; informations minimales à fournir; traitement des plaintes.
Ce règlement est applicable à tous les services dont le port d’embarquement est situé dans l’UE ou dans un État membre si le transporteur est « de l’UE »; aux croisières si le port d’embarquement des passagers est en Europe. Sont exclus du dispositif les navires qui transportent moins de 12 passagers, ceux dont l’équipage est de moins de quatre personnes, etc. Le règlement détaille toutes les obligations du transporteur et du terminal vis-à-vis des passagers handicapés ou à mobilité réduite et celles concernant une annulation ou un départ retardé. En cas de retard à l’arrivée, une indemnisation est prévue, au moins 25 % du prix du billet.
Le passager a deux mois pour déposer plainte contre le transporteur qui doit répondre dans un délai de 30 jours, réponse définitive dans les 60 jours après le dépôt de plainte.
Régionaliste « exacerbé »
Conformément à une certaine tradition du secteur, rien n’égale un juriste pour critiquer le travail d’autres juristes. S’exprimant à titre personnel, Jean-François Rébora (représentant de P&I en France) est ainsi attaché à démontrer que le protocole d’Athènes de 2002 a créé un système « complexe, imprécis et peu pratique » du traitement de la responsabilité du transporteur maritime de passagers. La volonté de l’Union européenne d’appliquer un simple protocole est qualifiée de « régionalisme exacerbé ».