L’étude de plusieurs accidents récents a montré qu’il est nécessaire de durcir les normes du transport conteneurisé en mer comme à terre. Entre les ensembles routiers qui se renversent, les conteneurs qui tombent à l’eau, les piles de conteneurs qui s’effondrent et l’échouement du MSC-Napoli, il y a de quoi justifier des actions correctives, estime l’ESC. Sa crainte réside dans le fait que la discussion actuelle se focalise sur un facteur de risque relativement secondaire: la mauvaise déclaration du poids des boîtes. Au lieu d’aborder le problème dans son ensemble en s’intéressant au saisissage-arrimage des boîtes et à l’entretien des navires, l’industrie maritime plaide pour un renforcement de la réglementation sur les poids des conteneurs aux portes des entrepôts des chargeurs. Ces derniers estiment que l’on cherche à trouver un faux remède à une maladie bien connue.
Les chargeurs européens se demandent si l’OMI est bien le bon forum pour traiter du sujet. Ils rappellent que leurs représentants travaillent avec des syndicats de salariés et « d’autres organismes » du transport maritimes afin de moderniser au plus vite le guide de l’empotage publié par le Bureau international du travail et par la Commission économique des Nations unies pour l’Europe. Pour l’ESC, ce sont ces structures qui doivent piloter l’amélioration de la qualité de l’empotage des conteneurs et prescrire le cas échéant de nouvelles réglementions. « Le mauvais empotage est un problème pour tous les modes de transport, pas uniquement pour le maritime ».
Pour conclure, l’ESC souligne que la convention Solas exige déjà des chargeurs qu’ils déclarent correctement le poids de leur conteneur. Ajouter une nouvelle obligation ne résoudrait pas le problème des mauvaises déclarations: « Nous reconnaissons que ces dernières doivent retenir notre attention, mais nous sommes opposés à l’idée qu’elles constituent la plus importante menace pour la sécurité des travailleurs de la chaîne d’approvisionnement. Si le secteur souhaite réellement une plus grande sécurité en ce domaine, chacun doit prendre ses responsabilités. » Et commencer par le pesage avant embarquement pourrait constituer un premier pas.
L’ITF soutient l’obligation de pesage
Cette opposition surprenante des chargeurs européens n’est pas partagée par les travailleurs. Ainsi le 21 juin, la Fédération internationale du transport (ITF) a fait savoir qu’elle « s’associe à l’industrie maritime internationale pour demander à l’OMI d’instaurer une obligation de pesage des conteneurs chargés ». « Cela protégera les travailleurs dans le port et à bord ainsi que les propriétaires des marchandises chargées dans les autres conteneurs contre les divers risques engendrés par les fausses déclarations de poids », a souligné le secrétaire général de la Chambre internationale maritime (ICS). « L’ITF salue cette initiative », a affirmé le secrétaire de la section des dockers de l’ITF.
L’ITF souligne que cette proposition est soutenue à l’OMI par le Danemark, les Pays-Bas et les États-Unis. Autant de pays qui ont également à se préoccuper des intérêts de leurs exportateurs. De plus, les Pays-Bas font partie du collège des États dits « chargeurs » au sein du conseil exécutif de l’OMI comme l’Allemagne, l’Espagne, la France et la Suède. Les États-Unis étant présents dans le collège « armateurs » et le Danemark dans celui des « autres ».
Nécessité d’une approche globale
Interrogé sur l’opposition tardive des chargeurs européens à une mesure qui a alimenté les conversations durant des années, Philippe Bonnevie, délégué général de l’AUTF, répond que la recherche d’une plus grande sécurité dans la chaîne de transport conteneurisée doit être globale: l’empotage des conteneurs est dans certains cas perfectible, voire très perfectible. Le choix même du bon conteneur à commander lors du booking peut poser des interrogations. La bonne transmission des données pour la rédaction du B/L n’est pas toujours garantie, il y a de temps à autre des incertitudes sur la nature du poids indiqué (avec ou sans la tare d’environ 2,5 t pour un 20’ et 4 t pour un 40’ dry.). À ce sujet, Philippe Bonnevie croit savoir que CMA CGM ajoute systématiquement la tare du conteneur compte tenu du flou dans les indications fournies par le chargeur ou son commissionnaire de transport. Se pose ensuite une série d’interrogations sur la qualité du travail dans les terminaux portuaires.
Le délégué général de l’AUTF n’exclut pas que, chez certains chargeurs, même importants, la formation des personnels chargés de l’empotage bénéficie de larges marges de progression. Bref, la sous-déclaration des poids ne constitue d’une partie secondaire du problème. Elle ne doit pas focaliser toute l’attention, notamment celle du World Shipping Council, conclut Philippe Bonnevie, ancien responsable transport d’un grand groupe sidérurgique.
Entendre que la maîtrise de l’empotage de conteneurs est perfectible chez les premiers chargeurs qui ont bénéficié de la révolution de la conteneurisation dans les années 1960 ouvre une piste: outre le pesage avant embarquement, il faudrait également procéder au hasard à des contrôles d’empotage avant embarquement avec publication des noms des chargeurs déficients comme cela se pratique dans le contrôle des navires par l’État du port.