Au cours de la Conférence des Nations unies sur le développement durable à Rio du 13 au 22 juin, les organisations internationales représentatives du transport maritime ont eu au moins deux occasions de s’exprimer. Le 16 juin, l’International Chamber of Shipping (ICS) a participé à la journée consacrée à toutes les thématiques en lien avec les océans. Le 20 juin, l’Organisation maritime internationale (OMI) a organisé une table ronde de haut niveau sur le thème « développement maritime durable, contribution du secteur du transport maritime à la croissance verte et au développement ». Ses deux organisations ont communiqué sur le même thème en mettant en avant les performances du transport maritime en matière environnementale.
Rappeler des vérités trop souvent oubliées
Le 16 juin, Donald Tongue, directeur des affaires réglementaires de l’ICS, a rappelé que le transport maritime assure 90 % des échanges du commerce mondial tout en étant le mode le plus respectueux de l’environnement. Le transport maritime rejette entre 40 et 100 fois moins de CO2 par tonne que le mode aérien, et significativement moins que le routier et le ferroviaire. Grâce au transport maritime moderne et à ses coûts relativement peu élevés, les matières premières, les produits énergétiques, les marchandises diverses parviennent aux consommateurs partout dans le monde. Si le transport maritime n’existait pas, les échanges de biens manufacturés entre les continents seraient beaucoup plus compliqués, a continué Donald Tongue. Pour Armateurs de France, « par la voix de son représentant à Rio, l’ICS a martelé des vérités, trop souvent oubliées ou méconnues, concernant les atouts du transport maritime pour la protection de l’environnement ». Le 20 juin, le secrétaire général de l’OMI, Koji Sekimizu, a déclaré: « Le transport maritime est une composante incontournable d’un développement et d’une croissance durable. L’économie mondiale et les échanges internationaux reposent sur le secteur du transport maritime doté d’une réglementation sans cesse en progression d’un point de vue environnemental. »
Des zones d’émission contrôlées de soufre
Au cours des deux rencontres, dans le cadre de Rio+20, l’ICS et l’OMI ont également mis en avant le fait que le transport maritime est le seul secteur industriel à s’être déjà doté d’une réglementation en matière d’émissions de gaz à effet de serre avec la convention Marpol. La nouvelle annexe 6 de cette convention, adoptée en juillet 2011, va même au-delà de la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Elle met en place des zones d’émissions contrôlées de soufre (Seca) couvrant la Manche, la mer du Nord et la Baltique. Dans ces secteurs, l’utilisation d’un carburant dont la teneur en soufre ne sera que de 0,1 % va être obligatoire à partir de 2015. Tous les autres océans seront concernés à partir de 2020. Parmi les autres mesures décidées dans le cadre de l’OMI: la gestion des eaux de ballast pour éviter de diffuser des micro-organismes, susceptibles d’être dévastateur pour les écosystèmes dont ils ne sont pas issus, d’un océan à l’autre. Si le secteur du transport maritime est aussi en avance en matière de respect de l’environnement et de développement durable, c’est largement grâce au travail de réglementation mené depuis près de 100 ans par l’OMI, ont insisté les deux intervenants. Un exemple à suivre pour toutes les parties prenantes impliquées dans l’exploitation des océans, et plus particulièrement pour une structure de gouvernance des eaux internationales. À Rio+20, la décision de création d’une telle structure a toutefois été reportée à 2015 à la demande des États-Unis, du Japon, de la Russie, du Venezuela et du Canada. L’idée est d’inclure, dans le cadre de la convention sur le droit de la mer de 1982, un protocole pour la haute-mer, c’est-à-dire la zone située au-delà des eaux territoriales et des zones exclusives des États, à 200 miles des côtes. Ce protocole comprendrait trois volets: la création d’aires marines protégées, l’obligation d’étude d’impact environnemental pour les activités envisagées en haute-mer, et la répartition équitable des bénéfices résultant de l’exploitation des ressources génétiques des fonds marins.
Qu’est-ce que Rio+20?
Vingt ans après le Sommet planète Terre de 1992 à Rio, l’Organisation des Nations unies (ONU) a organisé en juin une nouvelle « Conférence sur le développement durable », de nouveau à Rio, d’où le nom de Rio+20. Les participants conviés à cette rencontre par l’ONU sont les gouvernements, les institutions internationales et des représentants des neuf « grands groupes », c’est-à-dire: des femmes; des enfants et des jeunes; des populations autochtones; des organisations non gouvernementales (ONG); des autorités locales; des travailleurs et des syndicats; des entreprises et des acteurs de l’industrie; des membres de la communauté scientifique et technique; des agriculteurs. Le Sommet de la Terre de 1992 a eu pour résultat un traité mondial sur la biodiversité et a jeté les bases du protocole de Kyoto sur la limitation des émissions de gaz à effet de serre. En 2012, l’objectif de la Conférence, selon l’ONU, est « d’inciter les participants à se mettre d’accord sur une série de mesures ingénieuses qui permettraient de réduire la pauvreté tout en encourageant les emplois offrant un revenu convenable, une énergie non polluante et une utilisation des ressources naturelles plus juste et plus durable ».
« L’avenir que nous voulons », une déclaration finale décevante
Les délégués des 193 États membres de l’ONU ont commencé à travailler sur un projet de déclaration finale sous présidence onusienne du 13 au 15 juin puis sous présidence brésilienne du 16 au 19 juin. Le projet de déclaration finale est adopté par les délégués le 19 juin lors d’une séance plénière. À partir du 20 juin, les chefs d’États se sont succédés à la tribune pour prononcer des déclarations. Le 22 juin, ils ont paraphé officiellement la déclaration finale intitulée « L’avenir que nous voulons ». Un texte jugé « creux et décevant par nombre d’observateurs et de participants, a rapporté l’agence Reuters. Il ne propose qu’une série d’objectifs vagues sur l’environnement, la croissance économique et l’insertion sociale sans calendrier ni chiffrage précis. Il est largement insuffisant pour promouvoir le développement durable à travers le monde dans les domaines économique, social et écologique. » Il n’inclut notamment pas de clause invitant les gouvernements à supprimer les subventions aux carburants fossiles. Une mesure qui permettrait, selon l’Agence internationale de l’énergie, de réduire la demande énergétique mondiale annuelle de 5 % et les émissions de dioxyde de carbone de près de 6 %. Rio+20 s’achève sur un sentiment de déception perceptible, même dans les propos du secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon: « Nos efforts n’ont pas été à la mesure des défis qui nous attendent. La nature n’attend pas. Elle ne négocie pas avec les humains. » Le président de la République François Hollande a regretté « les insuffisances » du texte. Il faut dire qu’au lieu de débattre d’énergies renouvelables ou d’exploitation responsables des ressources naturelles, les dirigeants de la planète ont l’esprit absorbé par la crise économique, les dettes souveraines en Europe, les bouleversements en cours dans le monde arabe et, aux États-Unis, par la campagne pour l’élection présidentielle. Entre 1992 et 2012, les équilibres économiques de la planète ont aussi évolué. Les pays émergents, comme la Chine et le Brésil, revendiquent le droit de poursuivre leur rattrapage économique et refusent d’endosser les mêmes responsabilités et de subir les mêmes contraintes environnementales que les pays développés, quand bien même ils contribuent désormais eux aussi largement à la pollution mondiale. Et certains participants de Rio+20 de conclure: « Les économies vont devoir devenir vertes sans le soutien des dirigeants de la planète. » L’espoir réside alors dans les citoyens et le secteur privé…