Après avoir rappelé le rôle purement technique d’un bureau enquête accident, le Maritime Investigation Body (BEAmer italien) précise que l’enquête criminelle prime sur toutes les autres. Il ajoute que le 21 juillet, les experts judiciaires remettront les résultats des analyses de l’enregistreur de données de voyage, et qu’alors le BEAmer disposera d’un accès complet à ces données. L’accident s’est produit le 13 janvier.
La passerelle a préparé sa traversée « touristique » en tenant compte du fait que le navire frôlerait l’île du Giglio avec au moins 10 m d’eau. Il est prévu de laisser une distance de 0,5 mile au moment où le navire aura le rocher du Scole par le travers. Ce plan de navigation est saisi dans le système de navigation intégré. À 19 h 18, le paquebot quitte Civitavecchia pour Savone et suit la route prévue. Le vent souffle à environ 17 nœuds (nds) d’Est-Nord-Est. Pas d’indication sur l’état de la mer. À 21 h 03, le navire commence à virer à gauche pour faire cap au 279o vers l’île du Giglio. À 21 h 16, le commandant arrive à la passerelle et prend la main. Le pilote automatique est débrayé et l’homme de barre reçoit l’ordre de ne rien faire. Les radars sont veillés. À 21 h 37, la position du paquebot est 42o 20’ 12” N et 10o 58’ 19” E, soit à environ 1,8 mile (M) à l’est de la pointe de la Torricella. Vitesse, 15,4 nds. Il vire sur la droite pour suivre une route plus sûre. À 21 h 44, il fait cap à 16 nds, sur le rocher Le Scole (au 323) qui est à 0,3 M. Compte tenu de son rayon de rotation, ce paquebot s’est éloigné de 0,5 M au sud-ouest de la route qu’il devait suivre. « Il est beaucoup trop près » de la côte. Quand le commandant s’en rend compte, il fait mettre la barre à droite toute pour éviter que l’avant touche les hauts fonds, puis la barre à gauche toute. Mais l’arrière touche. À 21 h 45, le bordé bâbord a heurté Le Scole, grosso modo de part et d’autre de l’axe de la cheminée. Le commandant fait remettre la barre à droite toute. La vitesse chute de plus de 8,3 nds. Le cap est au 350o. Le navire poursuit sur son ère, la propulsion s’étant arrêtée. Black-out général. Un générateur se met en marche mais n’arrive pas à se brancher sur le panneau électrique d’urgence. Seul l’éclairage d’urgence et le système de communication interne fonctionnent, grâce aux batteries, ainsi que les instruments de la passerelle. L’ordinateur servant au calcul de la stabilité est hors service.
À 21 h 55, le chef mécanicien informe la passerelle que les compartiments 6 et 7 (groupes électrogènes) commencent à être envahis. Le compartiment 5 (salle de l’un des moteurs de propulsion) également. La porte étanche no 24 du compartiment 4 fuit. La brèche fait 60 m de long sur bâbord, du couple 58 au couple 125/128. Les compartiments 5 et 6 ont été presque immédiatement envahis. Les 4 et 7 le sont « partiellement » dix minutes après l’impact, précise le BEA. Il note que durant 10 mn à 15 mn, le commandant ne donne aucun ordre.
Le vent le pousse
À 22 h 11, la vitesse est quasi-nulle. La position est 42o 22’ 24” N et 10o 55’ 36” E. Le paquebot commence à dériver vers le sud-ouest du fait du vent et de la barre bloquée toute à droite. L’île se rapproche. À 22 h 12, le Marine Rescue sub-center Control de Livourne constate sa présence à proximité immédiate de l’île et essaie de le contacter. Une personne « non-identifiée » lui répond que le paquebot est en black-out.
À 22 h 34, la gîte augmentant, le navire envoie un signal de détresse. Le MRSC demande des informations sur le nombre de personnes à bord. Un patrouilleur est sur zone cinq minutes plus tard. À 22 h 44, le paquebot est couché sur tribord. 14 minutes plus tard, il trouve sa position définitive d’échouement: 42o 21’ 50” N et 10o 55’ 18” E au niveau de la cala del Lazzerero. Cap au 168o.
À 22 h 58, le commandant informe la garde-côte qu’il a ordonné l’abandon du navire. À 23 h 37, il répond au MRSC qu’il y a environ 300 personnes à bord. Il y a en fait 3 206 passagers (dont 200 enfants entre 3 et 12 ans) et 1 023 membres d’équipage, note le BEAmer. À 0 h 34, le commandant informe le MRSC qu’il est à bord d’un canot de sauvetage et qu’il voit d’autres personnes dans l’eau. À 0 h 41, la gîte est de 80o. Cinquante personnes ne peuvent quitter le bord. Les premiers hélicoptères arrivent. À 1 h 11, le MRSC contacte le commandant qui lui explique qu’il est arrivé sur l’île. À 1 h 46, le MRSC exige qu’il remonte à bord et lui fasse rapport de la situation. Le BEA détaille quelques opérations de sauvetage mais son rôle technique touche à sa fin. À 6 h 14, l’évacuation est terminée. L’accident a fait 32 morts dont 12 Allemands, 7 Italiens, 6 Français, 2 Américains et 2 Péruviens.
Sur les 1 023 membres d’équipage (38 nationalités en tout), « environ » 200 ont eu un rôle direct dans la conduite des passagers aux postes de rassemblement. Le BEA italien estime que le problème principal, à ce stade, réside dans le retard pris dans la décision d’abandonner le navire. L’organisation de l’évacuation du navire a été « globalement » conforme à ce que l’on peut attendre dans de telles circonstances.
Il reste encore beaucoup d’aspects à étudier, note le BEA, comme le recrutement des navigants et leur entraînement, la communication à la passerelle ou la capacité des paquebots à survivre après avarie.
Le soutient effectif des BEA allemand, français et américain pourrait être le bienvenu. Le rôle de contrôle de l’Agence européenne de sécurité maritime pourrait être réexaminé.