« Depuis au moins une décennie, la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Mayotte, la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française, La Réunion, Saint-Barthélémy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, les Terres australes et antarctiques françaises, Wallis-et-Futuna coopèrent de manière structurelle avec les pays et territoires de leur zone géographique respective », précise en introduction le conseiller régional de Guyane, Rémy-Louis Budoc, dans l’avis du Cese intitulé « Pour un renforcement de la coopération régionale des outre-mer ». L’avis et le rapport sur ce sujet ont été publiés le 9 mai par le Cese. La coopération des territoires ultramarins français avec leurs voisins porte sur des sujets très variés: économie, société, santé, culture, éducation, environnement, sciences, etc. Elle est rendue possible par des outils juridiques institués par la métropole, par les collectivités d’outre-mer elles-mêmes et par des leviers au niveau européen. Les espaces concernés par cette coopération sont vastes (voir encadré ci-dessous). Selon le Cese, une coopération régionale renforcée des régions d’outre-mer avec leurs voisins devrait « favoriser la création d’un espace d’échanges dans les zones respectives et contribuer à améliorer la diversification et l’internationalisation des économies ultramarines, en créant des emplois stables et de qualité ». Elle devrait également faire des régions d’outre-mer « des catalyseurs de développement dans leur zone géographique respective et des frontières actives de l’Union européenne » (UE). Pour continuer le travail commencé par les 12 territoires ultramarins français au sein de leur zone d’influence respective, le Cese propose dans son avis quatre axes de travail (voir encadré p. 13). L’un d’entre eux comprend une partie dédiée au transport et met en avant la nécessité de « disposer sur place et/ou dans les pays et territoires partenaires de bonnes infrastructures routières, portuaires, aéroportuaires et numériques, à des coûts raisonnables et en préservant la biodiversité, indispensable à la coopération ».
Capter les flux circulant dans l’océan Indien
Rémy-Louis Budoc donne en exemple la situation dans l’océan Indien, « espace de grande circulation de marchandises et de personnes ». Selon le rapporteur de l’avis, Mayotte et la Réunion ainsi que les pays et les territoires qui les entourent ne pourront capter une part croissante de ces flux de richesse que s’ils parviennent à se mettre d’accord ensemble sur une vision commune d’un espace aérien et maritime partagé et doté de bonnes infrastructures. Une telle stratégie serait au service de chaque île et devrait éviter une concurrence stérile et coûteuse en termes d’équipements. La réalisation concrète d’une telle ambition, si elle doit être pensée et mise en œuvre régionalement, devrait aussi être accompagnée d’initiatives politiques fortes visant à adapter plutôt qu’à ajouter des obstacles de toute nature avec les pays voisins. « Ce diagnostic est valable pour l’ensemble des zones de coopération régionale où se situent les outre-mer », assure le Cese. Les grands projets d’infrastructures devraient être planifiés à l’échelle régionale, soutenus et envisagés positivement et non craintivement car ils participent du désenclavement des territoires et de leur développement possible.
Préparer l’agrandissement du canal de panama
Le Cese rappelle aussi l’importance de l’ouverture de la troisième écluse du canal de Panama prévue en 2014. Ce nouvel équipement devrait dévier une partie du trafic de conteneurs de Suez vers Panama et irriguer les Caraïbes. « Pour capter une partie de ce surplus d’activité, les projets portuaires en Martinique et en Guadeloupe doivent être soutenus ainsi que les projets logistiques afférents ». La réforme des ports d’outre-mer actuellement en cours peut permettre d’atteindre cet objectif, avance le Cese.
Cinq zones d’influence
Le conseiller régional de Guyane Rémy-Louis Budoc définit dans son rapport la zone d’influence au sein de laquelle chaque région d’outre-mer française pourrait développer une coopération régionale.
• L’espace Caraïbe est la zone potentielle de coopération de la Guadeloupe, de la Martinique, de Saint-Martin et de Saint-Barthélémy. C’est un ensemble de plus de 5,2 Mkm2 pour près de 250 millions d’habitants réparti sur 38 pays ou territoires. Le Cese a relevé « la stratégie d’ouverture de la région Martinique vers un espace économique de la mer des Caraïbes vers le Plateau de Guyane ».
• La Guyane « occupe une place particulière », selon le Cese. Ce n’est pas une île mais un continent situé au nord-est de l’Amérique du Sud.
• L’océan Indien est la zone d’influence de La Réunion, de Mayotte et des Terres australes et antarctiques françaises (Taaf). L’océan le plus petit du monde compte 2 milliards d’habitants et est pourvu d’importantes ressources naturelles et halieutiques. « La France apparaît comme la grande puissance du lac francophone situé à l’ouest de l’océan Indien. Il existe une attente des pays présents dans cet espace francophone », estime le Cese.
• L’Océanie comprend 16 pays indépendants et 15 territoires liés à des États. C’est dans cet ensemble que se trouvent la Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie et Wallis et Futuna.
• Saint-Pierre-et-Miquelon se situe « dans un environnement géographique très spécial par rapport aux autres territoires ultramarins français », rappelle le Cese. Il est cantonné à des relations bilatérales avec le Canada.
Quatre préconisations
Les principales préconisations du Cese pour renforcer la coopération régionale des régions françaises d’outre-mer s’articulent autour de quatre axes.
• Assurer la mise en œuvre des fondamentaux préalables à la coopération régionale des outre-mer. Son renforcement passe par la mise en place ou l’amélioration des outils et des dispositifs existants, et par l’instauration d’infrastructures et de relations « diplomatiques » qui ne relèvent pas nécessairement directement de la coopération, mais sont des éléments de contexte indispensables à son efficace élaboration.
• Refonder la gouvernance de la coopération régionale en insistant sur la nécessité à la fois de mieux coordonner et former ses différents acteurs, et de mieux connaître et répertorier les actions de coopération menées.
• Donner la priorité aux projets répondant aux intérêts des outre-mer et de leurs partenaires, et mieux définir et hiérarchiser les objectifs de la coopération afin d’en améliorer l’efficacité.
• Esquisser une nouvelle politique européenne de voisinage basée sur le développement humain. En effet, la « cohésion territoriale » est aujourd’hui l’une des trois composantes de la politique de cohésion de l’Union européenne aux côtés des cohésions économique et sociale. Le Cese rappelle également que la Commission européenne devrait produire une nouvelle communication relative aux territoires ultramarins dans le courant de l’année 2012.