Une nécessaire protection à assurer par l’armée… ou par des sociétés privées

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La piraterie s’attaque aux États, mais sur des territoires qui échappent à leur contrôle. Il s’agit d’un espace international, la haute mer, utilisé à des fins privées. « Le problème est qu’on ne peut pas résoudre la piraterie uniquement en mer, avec l’armée, souligne le vice-amiral d’escadre Gérard Valin, mais il faut aussi intervenir à terre, avec des leviers économiques, sociaux… » La question de l’intervention des États est particulièrement cruciale. « Pour la première fois de l’histoire, reprend Gérard Valin, l’ensemble des pays du monde, l’Europe, les États-Unis, la Chine, la Russie, la Malaisie, des pays qui ne sont pas nécessairement amis habituellement, se sont mobilisés au même endroit pour lutter contre la piraterie dans le golfe d’Aden. » De fait, aucun État, même le plus puissant, ne peut traiter seul cette menace. Les solutions sont économiques, mais ce n’est pas au contribuable de payer pour protéger des intérêts privés. Elles relèvent de la communauté internationale qui a la responsabilité d’assurer la sécurité des espaces maritimes.

Pour Joël Guesdon, de la fédération des officiers de la marine marchande UGICT-CGT, les équipages français attendent « d’être considérés comme les citoyens sédentaires et de bénéficier de la même attention de l’État pour leur protection. Si l’État ne peut plus assurer cette protection, il doit assumer des moyens temporaires et déléguer son pouvoir régalien. » Le moral des marins est aujourd’hui plutôt bon, après un moment d’abattement à la suite de la prise d’otage du Ponant en 2008. « Mais si se produisait une nouvelle prise d’otages, elle aurait un effet désastreux sur leur état d’esprit. »

L’armée pour protéger

Cécile Bellord, responsable du pôle juridique et social d’Armateurs de France, salue les actions de l’État français en matière de protection des navires et de leurs équipages, avec notamment sa participation à l’opération Atalante et la mise à disposition des armateurs d’équipiers de protection militaires embarqués à bord des navires. « C’est extrêmement efficace, observe-t-elle. Tous les navires qui ont pu bénéficier de ces EPE ont repoussé les attaques des pirates. »

Grâce à l’opération Atalante, une trentaine de navires de différentes nationalités sont en permanence présents dans la zone critique de l’océan Indien. C’est-à-dire le même nombre que ceux utilisés lors de l’intervention en Libye. « Nous avons beaucoup agi tout d’abord sur la protection, relate le capitaine de vaisseau Xavier Mesnet, de l’État-major des armées, de façon à intervenir très rapidement sur les navires. » L’action se prolonge aujourd’hui aussi avec la prévention des attaques. « De plus en plus, nous vérifions les navires dans les zones à risques. Ont-ils des armes à bord? Quelle est leur activité? » Mais identifier la présence de pirates n’est pas chose aisée quand ils sont mélangés aux équipages. Enfin, l’armée intervient aussi pour récupérer les otages français. « L’autorisation d’intervention est différente selon les pays. Mais le but est de les récupérer le plus vite possible, avant que le navire entre dans les eaux somaliennes. »

Vers le recours à des sociétés de sécurité privées

Cependant, Cécile Bellord plaide pour une évolution du droit français, qui interdit aujourd’hui le recours à des sociétés paramilitaires pour protéger les navires. Pourtant, il faudrait selon elle s’adapter aux préconisations de l’OMI (Organisation maritime internationale) afin de permettre à la France de conserver sa place sur le marché du transport maritime. Aujourd’hui, en effet, les EPE ne sont pas suffisamment nombreux pour répondre à la demande (seulement deux sur trois reçoivent une suite favorable), d’autant que les zones où sévissent les pirates sont de plus en plus étendues. Jean-François Tallec, de la CMA CGM et ancien secrétaire général à la mer, va dans le même sens. « Si l’État ne peut plus fournir ces équipes militaires, il faut trouver un cadre juridique qui permette d’utiliser les services de sociétés privées, mais pas n’importe qui, de façon à ne pas mettre en difficulté le capitaine du navire. »

La question pose en effet problème. « L’OMI est très claire sur le sujet, souligne Jacques Portail, de l’Association française des commandants de navire. Le commandant garde l’autorité à bord en toutes circonstances, qu’il s’agisse d’une société privée à bord, ou de militaires représentant le pouvoir régalien. » Il reconnaît cependant que les commandants français, tout comme les armateurs, se sont d’abord opposés à l’embarquement de sociétés militaires privées à bord de leurs navires. Mais ils reconnaissent aujourd’hui que leur présence peut s’avérer nécessaire « au cas par cas ». « En raison du nombre limité de militaires pour constituer une force de protection, il faut envisager le recours à des entreprises sous contrat. » Reste cependant de nombreux problèmes à résoudre: celui des armes embarquées, de leur usage et de leur stockage à bord, celui du cadre de l’éventuelle intervention de ces équipes, de la formation du capitaine, de son nécessaire accord. Jacques Portail regrette aussi les bavures commises par certaines de ces sociétés de sécurité privées…

Quelle justice pour les pirates?

Si les États parviennent aujourd’hui à collaborer pour lutter contre la piraterie, en revanche, la question de l’action en justice contre les pirates capturés ne fait pas consensus. « Les États les plus développés comptent sur des États naissants pour juger les pirates, rappelle Jean-François Tallec. Mais on ne mesure pas suffisamment que les juger et les incarcérer peut déstabiliser le système judiciaire d’un État en train de se construire. » Il rappelle aussi que la Russie a préconisé la mise en place d’un tribunal international pour juger les affaires de piraterie.

De bonnes pratiques pour éviter les attaques

À bord des navires français est désormais appliqué le Best Management Practices (BMP, code des pratiques pour un meilleur management). Il donne des consignes et définit les procédures destinées à prévenir les attaques de piraterie et gérer les éventuelles crises au cas où l’attaque aboutirait. Il s’agit de signaler l’arrivée du navire sur une zone à risques, d’aménager des équipements spéciaux destinés à empêcher la montée à bord des pirates, de moyens de communication avec l’extérieur, de formation des équipages pour gérer l’événement, de collaboration avec les forces militaires et l’État, de précisions sur la vitesse du navire, etc. Chaque mois, un rapport fait état de l’usage de ces BMP à bord des navires et est remis à l’État. À l’échelle mondiale, sur la quarantaine de navires qui ont été pris l’an dernier par des pirates, plus de la moitié n’appliquait pas ces BMP

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