La piraterie somalienne est certainement aujourd’hui la plus redoutée parce qu’elle pratique ses attaques au grand large, dans le golfe d’Aden et sur l’espace océanique au large de ses côtes. « Elle connaît une indéniable réussite, observe François Guiziou, géographe, grâce à l’innovation à la fois spatiale, technique et dans ses pratiques. » Mais l’étudier est d’autant plus difficile que le pays est en plein désordre et que la société somalienne est imperméable.
Cette piraterie est récente puisqu’elle remonte à la fin des années 1990, avec un boom en 2008-2009 qui s’est traduit par une densification des attaques dans le golfe d’Aden et l’augmentation de leur portée vers le large, à 750 km des côtes, puis 1 000 km, puis 1 200 km aujourd’hui et parfois jusqu’à l’océan Indien. « Quand le corridor de protection a été déplacé, souligne François Guiziou, les attaques ont suivi le même déplacement. »
La pratique de la piraterie est selon lui d’autant plus paradoxale que le pays n’a pas de tradition maritime et que les populations vivent majoritairement dans l’arrière-pays. Ce qui complique la recherche de solutions à terre, puisque le peuple somali n’est ni marin ni littoral. De plus, la société somalienne est tournée vers elle-même et la place de l’étranger est dérisoire. « Cela favorise une économie de l’enlèvement. »
En revanche, François Guiziou ne croit pas à une mafia somalienne, comme cela a parfois été évoqué, ni à un réseau d’information au service des pirates. « Aujourd’hui, toute l’information est présente sur Internet. » Les pirates maîtrisent ces techniques, tout comme les mécanismes de transfert d’argent vers l’étranger. « Il se passe la même chose avec les autres activités de la diaspora somalienne. Ce n’est pas spécifique à la piraterie. » François Guiziou rappelle que des Somaliens suspectés d’être des chefs pirates vivent en Grande-Bretagne, en Suède… L’arrestation de l’un d’eux s’est déroulée à Washington alors qu’il venait rendre visite à sa famille.