Incidences économiques sur les États, les armateurs et les marchandises

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Née de la mondialisation des échanges, la piraterie maritime s’est développée aux point des plus forts trafics de la planète. Malacca voit passer 41 % du trafic mondial de conteneurs, 50 % du minerai de fer, 20 % des flux de pétrole. Quant aux pirates somaliens, ils sont au carrefour des échanges entre l’Extrême-Orient et l’Europe, entre l’Afrique et l’Asie. Comme l’indique Paul Tourret, directeur de l’Isemar (Institut supérieur d’économie maritime), 75 % des flux de conteneurs vers l’Europe passent par la mer Rouge, auxquels s’ajoutent les produits manufacturés d’Asie et le pétrole des pays du golfe. Enfin, le troisième point critique, le golfe de Guinée, produit 156 Mt de pétrole par an (à titre de comparaison, la Syrie et la Libye en extraient « seulement » 100 000 t).

Paul Tourret relève aussi que la majorité des actes de piraterie se fait contre des navires de petite taille, puisque leur tonnage moyen est de 20 000 t. Parce qu’il est plus facile de s’emparer d’une petite proie et que le niveau de sécurisation des gros navires est plus élevé.

Il a calculé les répercussions de la piraterie sur le coût des marchandises transportées. Pour le pétrole, le surcoût est de 0,40 $ par baril, soit une surcharge de 0,38 %. Pour les céréales destinées au Kenya, il est de 20 $/t (+ 7 %). Et pour les conteneurs, de 55 $ par EVP (+ 0,55 %). Mais il existe une autre conséquence moins chiffrable qui est ce qu’il nomme le « stress maritime ». « Il y a un vrai surcoût quand un navire est détourné. Mais il y a surtout une gestion du stress pour ceux qui travaillent dans le transport ou dans la pêche dans ces régions », avec des coups supplémentaires en salaires de marins, en assurances, etc.

La sécurité, un bien public

Pour contrer la piraterie, Renaud Bellais, économiste de la Défense d’EADS, évoque la difficulté d’intervention dans les eaux internationales. « Il est impossible de mettre en place une force qui gère un espace s’étendant sur des millions de kilomètres carrés. » Pour lui, il revient bien aux armateurs de protéger leurs navires. Mais le coût de l’assurance peut être rédhibitoire du fait de la faible valeur des produits transportés. « Le coût du transport devient aussi élevé que celui des marchandises transportées. » Il rappelle aussi que certains pays veulent protéger leurs propres navires. « Mais ça devient économiquement irrationnel. Et c’est peu efficace, parce que le problème dépasse celui d’un seul pays. » Vient en plus le problème du pavillon, de l’origine de l’équipage, du pays de destination. « Des pays ont une flottille importante, mais pas les moyens de défendre les navires. » Parmi eux se trouvent notamment le Panama ou les Îles Marshall. « La Chine est le seul pays où il y ait une cohérence entre les enjeux et les moyens militaires mis en place. »

« La sécurité étant un bien public, elle n’est pas fournie par le marché, rappelle Renaud Bellais. Au niveau national, il est possible d’obliger au paiement par l’impôt. Or, dans le cas de la piraterie, il s’agit d’une situation où il n’existe pas d’instance supranationale et où aucun État n’est capable d’imposer le financement de ces opérations. C’est le paradoxe des biens publics internationaux. » Il donne l’exemple de l’Autriche, qui a bien recours au transport maritime, mais qui n’a pas de marine. « Pourquoi paierait-elle? » À cela s’ajoute le problème du maillon faible. Si un pays fait moins d’efforts que les autres, il tire tous les autres vers le bas.

La stratégie réside dans la coordination des acteurs, « où chacun paie en fonction des besoins de son économie ». C’est ce qui a été mis en place avec l’opération Atalante, qui a associé l’Union européenne, première puissance économique mondiale, les États-Unis, la Chine, « les pays qui peuvent agir ». « Mais il reste le problème du financement, souligne Renaud Bellais. Il faudrait que le club de ces pays les plus concernés aient les moyens de lever un budget. Aujourd’hui, l’incitation à participer est insuffisante. »

Le coût de l’opération Atalante s’élève à 350 M€ par an. Mais ce montant reste limité au regard de l’espace gigantesque à sécuriser, du peu de moyens communs et de la menace diffuse que représentent les pirates.

Innover davantage que les pirates

La piraterie a aussi des coûts supportés par les armements: coût énergétique pour augmenter la vitesse des navires sur les zones à risques, surprimes d’assurances, primes versés aux équipages, recours de plus en plus fréquents à des sociétés militaires privées, ce dernier poste représentant à lui seul 50 000 € à 70 000 € par passage. « Mais ce sont des coûts pour affronter les risques, souligne Olivier Lacrouts, président de Diades Marines, une société qui propose un nouveau concept de prévision des attaques des pirates, pas pour régler le problème. » Viennent en plus les coûts exceptionnels, liés notamment aux rançons.

Olivier Lacrouts plaide pour une coopération entre le civil et le militaire, entre le privé et le public « pour une surveillance élargie et contributive ». Cela permettrait de limiter les coûts récurrents de fonctionnement et d’améliorer l’efficacité des forces navales présentes sur zone. Il prône aussi un dialogue élargi au-delà des seuls États, vers les armateurs, les assureurs, etc. « Les pirates innovent sans cesse. À nous d’innover davantage et de mieux nous organiser. »

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