« Des gosses de riches »

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Le général Patrice Sartre a mené une enquête sur l’insécurité en mer dans l’ensemble du golfe de Guinée et plus particulièrement dans le delta du Niger, qui s’étend sur une superficie de 70 000 km2 et abrite 30 millions d’habitants. Dès le début, il précise qu’il ne s’agit pas exactement de piraterie, celle-ci étant censée se dérouler dans les eaux internationales, mais plutôt de criminalité puisque toutes les attaques ont lieu dans les eaux territoriales du delta.

Les populations qui y vivent ont un grand ressentiment à l’égard du gouvernement central qui a, selon elles, laissé les compagnies étrangères s’emparer du pactole que représente le pétrole tout en en redistribuant très peu. La réalité est cependant différente. « Le pétrole a constitué une source de revenus sans rapport avec la capacité de la société à la gérer », indique Patrice Sartre. Quant aux compagnies pétrolières, elles dépensent énormément d’argent pour développer le delta du Niger, mais c’est un échec. « Cela montre que nos mécanismes de développement sont incapables de transformer cette richesse en véritable développement. Ils peuvent aider à construire des routes, des bâtiments, mais ils sont incapables de transformer la vie des gens. » Selon Patrice Sartre, au ressentiment des populations à l’égard des compagnies pétrolières s’ajoute le fait que la région est très mal contrôlée par les forces de police et l’armée.

La première activité des pirates est en réalité le bunkering, c’est-à-dire le pompage des barges et des pipelines au détriment des compagnies pétrolières, le pétrole ainsi subtilisé étant ensuite revendu ailleurs. « Ces pratiques représentent des sommes extrêmement importantes pour la criminalité. » Elle les réinvestit notamment dans le matériel qui lui permet d’exercer ses activités de piraterie: speed boats et dernières techniques de communication. « Cela donne une criminalité extrêmement riche et puissante », souligne Patrice Sartre.

Des tactiques différentes

Les pirates, qui sont « des gens aquatiques, mais pas des marins », ont développé une tactique d’attaque sans risque à partir de leurs abris dans la mangrove. Grâce aux indications souvent fournies par la police, ils attendent le passage, entre port et installations pétrolières, d’un bateau de servitude sur lequel ils vont lancer leur attaque à plusieurs hors-bord et s’emparer uniquement des hommes blancs et asiatiques qui s’y trouvent. Dix minutes plus tard, ils sont à nouveau à l’abri sous la mangrove. Démarrent ensuite les négociations sur le montant de la rançon, ceci par l’intermédiaire des autorités locales.

Patrice Sartre fait une rapide comparaison entre la piraterie du delta du Niger et celle de Somalie: « Au Nigeria, il s’agit d’une population habituée à des espaces extrêmement restreints, segmentés. Elle a développé une piraterie de même nature. Tandis que les Somaliens, habitués aux grands espaces du désert, pratiquent une piraterie en haute mer. » Il qualifie aussi les pirates du delta de « gosses de riches ». Et rappelle que l’argent obtenu par les prises d’otages se retrouve ensuite… dans les banques occidentales.

Le coût de la piraterie

À l’échelle mondiale, le coût de la piraterie pour les assurances a augmenté en 2005, puis de nouveau entre 2007 et 2009, et a baissé en 2010. Au total, ce sont 450 M$ qui sont investis dans les assurances sur ce problème précis. Le coût des détentions s’élève à 13, 5 M$, dont 68 % pour les rançons et 17 % pour les frais, de négociation, de livraison, de couverture. S’ajoutent encore les dommages aux navires eux-mêmes. Dans le cas du Samho-Dream, ces dommages ont représenté 15 % du coût total de son piratage. Pour les rançons, les négociations ont duré en moyenne trois mois en 2009, cinq mois en 2010. Leur montant moyen a été de 150 000 $ en 2005, de 5,3 M$ en 2010, la rançon versée la plus élevée étant de 9 M$. Le montant total de ces rançons a représenté, en 2009, 177 M$ et 238 M$ en 2010, Le nombre d’attaques a été en hausse en 2010 par rapport à 2009. Mais en revanche, le pourcentage d’attaques réussies a fortement diminué, leur proportion étant divisée par plus de deux.

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