L’Afcan souligne que la manœuvre du navire est peu enseignée par la pratique « car cela demande des moyens lourds ». Et c’est à partir de schémas d’un cours « lointain » et d’acquis sur les passerelles que le capitaine récemment promu devra «souvent» prendre sa décision. Aussi, « nonobstant le réalisme » des simulateurs électroniques, l’Afcan considère qu’un entraînement sur maquette devient « indispensable pour parfaire » la formation des capitaines.
« On ne manœuvre pas de la même manière avant et après un stage type Port-Revel », affirme l’Afcan. « Alors que les coûts de la tôle froissée et de l’immobilisation du navire atteignent des niveaux très élevés, ne serait-il pas logique qu’un tel stage entre en ligne de compte dans la discussion des contrats d’assurance? », s’interrogent les capitaines.
Et quand un jeune lieutenant de pont est affecté pour la première fois de sa vie sur un très grand porte-conteneurs à passerelle avancée, ne serait-il pas souhaitable qu’il fasse un tour de lac dans les pré-Alpes dauphinoises?
Qui décide de tirer?
Après avoir « déclaré » que l’embarquement d’équipes de protection armées (EPA) est « devenu nécessaire » pour se protéger des attaques malveillantes, et constaté que les militaires de l’État d’immatriculation étaient en nombre limité, l’Afcan estime qu’il faut « envisager le recours à des agents civils de sécurité armés sous contrat ».
Les circulaires intérimaires révisées 1405, 1406, et 1408 de l’OMI publiées en septembre 2011 sont insuffisantes. Il est « indispensable » de prendre les mesures complémentaires suivantes:
– l’État d’immatriculation doit donner par décret l’autorisation aux gardes civils « agréés de procéder à des tirs d’avertissement »;
– le groupe de travail de l’OMI ayant rejeté toute exemption de responsabilité du capitaine en cas de tir réel, ce décret devra préciser que, lors d’une tentative d’abordage, « l’ouverture de feu est subordonnée à l’accord du capitaine »;
– ce dernier devra recevoir une formation « appropriée »: pour connaître l’essentiel des conditions d’emploi des différentes armes utilisées par les EPA; pour assurer le stockage à bord des armes et munitions utilisées par le EPA; pour adresser le compte-rendu d’ouverture du feu aux autorités et administrations compétentes en matière d’utilisation d’armes à bord.
Légitime défense ou non?
Invité à réagir aux demandes de l’Afcan, Gilles Sacaze, Pdg de Gallice Security, une société française qui propose des équipes privées de protection embarquées et armées (EPPEA), répond: « En tant que fournisseur privé de sécurité nous n’avons pas besoin de faire des sommations ou des tirs de semonce. J’ai même la conviction que cela doit rester une prérogative des forces étatiques. Pour moi, les militaires et les policiers doivent garder des prérogatives supérieures au privé pour leur garantir une force de dissuasion et un avantage tactique certain.
Je fais toujours la même comparaison avec le transport de fonds car cela permet d’illustrer assez efficacement les choses. Les transporteurs de fonds ne font pas de tir de sommation. Ils réagissent et ripostent en état de légitime défense. Je pense que nous devons nous en tenir également à la stricte légitime défense pour les EPEA privées. Nous sommes là au cœur de ce qui nous distingue des cowboys et de l’approche anglo-saxonne. Probablement que certains de nos concurrents souhaitent-ils avoir ce genre de prérogatives, pas nous. En tant qu’opérateurs privés “à la française”, nous avons besoin d’une “levée de doute” sérieuse accompagnée d’une dissuasion solide, pour ne jamais faire de confusion entre des pécheurs désœuvrés et des pirates déterminés. Cette “levée de doute” et cette dissuasion consistent à faire savoir, avant l’ouverture du feu, aux assaillants que le navire est protégé et qu’ils se mettent en danger s’ils ne renoncent pas à leur attaque. Cela peut être fait au moyen de fusées, de messages sonores, en montrant clairement que des gardes armées sont à bord, etc. Ce qui est important, c’est que les intentions soient clairement dévoilées et que les pirates n’aient aucun doute sur le sérieux et la détermination à se défendre de l’équipe de protection. L’ouverture du feu se justifie dans la situation ultime de “légitime défense”, pour soi-même et pour l’équipage. La menace est pour nous claire et caractérisée lorsque les assaillants ouvrent le feu ou qu’ils tentent de monter à bord, ce qui met l’équipe de protection et l’équipage en danger de mort s’ils y parviennent. »