La commémoration du naufrage du Titanic le 15 avril 1912 fournit l’occasion à Allianz Global Corporate & Speciality de faire le point sur le sujet en limitant son propos aux navires de commerce motorisés de 100 tjb et plus ayant connu une perte totale ou étant devenus économiquement irréparables (constructive total losse). L’étude concerne donc les accidents très graves; ceux qui sont généralement bien documentés.
En 1910, les pertes totales ont représenté 0,97 % du nombre total de navires de commerce. En 2009, elles représentent 0,15 %.
Pour les passagers, le transport en ferry ou en paquebot est bien moins « risqué » que la moto ou la voiture. Cette faible dangerosité est cependant fonction de l’unité de mesure prise. En un siècle, la sécurité maritime s’est fortement renforcée sans qu’il soit possible de dire si son acceptabilité sociale n’a pas, elle, fortement diminué.
Les sujets d’actualité
L’étude d’une soixantaine de pages dresse une liste de onze thèmes qui interpellent l’assureur. En première place arrive la taille des navires. Les très grands porte-conteneurs du type des 3 E de Mærsk représentent un défi pour les assureurs du « simple » fait de leur taille et de leur valeur. Les dimensions d’autres types de navires repoussent également les limites du connu et suscitent des interrogations sur la résistance structurelle. Le corps du rapport fait explicitement référence aux ennuis structurels qu’a connus le premier minéralier de 400 000 tpl, le Vale-Brasil. À la suite d’une défaillance structurelle lors de son premier chargement, il a failli couler dans le port de Ponta da Madeira. Selon les calculs faits par la suite par le DNV, il s’agissait de déformations locales. « Cet accident montre qu’il existe toujours des inconnus dans la construction navale alors que le secteur repousse toujours plus loin les limites », conclut le rapport.
Arrivent en 2e position les très grands paquebots de plus de 6 000 personnes. Malgré la très faible sinistralité du secteur, ces unités représentent des défis, « en particulier en termes d’évacuation et d’assistance en haute mer ». L’OMI a défini de nouvelles normes concernant ces navires en matière de gestion des risques, de lutte anti-incendie et de survie après-avarie. Dans ce dernier cas, le paquebot doit être conçu comme étant son propre canot de sauvetage (voir p. 8 notre article sur les conséquences du naufrage du Titanic). En d’autres termes, les passagers doivent pouvoir rester à bord après l’avarie le temps que le paquebot rentre au port.
La formation des équipages suscite un doute. La pression sans cesse croissante sur les coûts amène « beaucoup » de propriétaires de navires à rechercher des navigants issus des pays émergents qui acceptent des salaires moindres. Malgré l’attention que porte l’OMI au respect des normes internationales en la matière, les régimes de formation et leurs évaluations ne sont pas « cohérents » et peuvent conduire à des variations dans les niveaux de compétence des officiers et des personnels d’exécution.
Les normes sur le rôle d’équipage dans un secteur compétitif « continuent à générer des risques » malgré la grande amélioration de l’efficience des navires modernes et peuvent « compromettre les marges de sécurité ». Certains commentateurs estiment que le rôle minimal d’équipage est trop bas et ne permet pas d’assurer les « inévitables » surcharges de travail que nécessite une exploitation continue du navire. Les risques liés aux facteurs humains comme la fatigue, sont souvent à l’origine d’accidents.
La gestion inadéquate des risques, la piraterie, la barrière de la langue dans les équipages multiculturels, la navigation dans les eaux polaires, la faible mise en œuvre des normes internationales, la bureaucratie assurée par les bords et la lutte contre l’incendie sont autant de sujets de préoccupation de l’assureur allemand.
Quid des sociétés de classification?
Les références aux rôles joués par les sociétés de classification parsèment le rapport. Malgré l’importance de leurs compétences, « elles ont jadis été critiquées pour n’avoir pas signalé certaines faiblesses structurelles dont elles ont pu avoir connaissance. Plus récemment, certaines se sont mises à concevoir des navires. Ce qui suscite des interrogations concernant de possibles conflits d’intérêt entre le département qui classe les navires conçus par les ingénieurs de la même société. Cependant, d’autres commentateurs soulignent les améliorations de la sécurité des navires qui ont été conçus par ces sociétés ».
La fin de l’étude fait explicitement référence aux risques de conflit entre les activités de classe du navire et celles de contrôle de la bonne gestion de la sécurité (code ISM). L’activité commerciale de la plupart des sociétés de classification est-elle bien compatible avec celle qui consiste à mettre en œuvre les normes internationales? Voire à participer à leur élaboration?
Il y a 15 ans, les assureurs maritimes mondiaux ont menacé les sociétés de classification de recréer leurs propres sociétés d’expertise si les premières ne se ressaisissaient pas.