Slow steaming: un mode d’exploitation durable

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Le probable dernier colloque sur le slow steaming a été organisé le 14 mars à La Défense, au ministère des Transports, par l’Association des amis de l’Université maritime mondiale de Malmö. Il a été une nouvelle fois confirmé que le recours à des vitesses de service lentes ou très lentes n’est pas une nouveauté. Entre octobre 1973 et janvier 1974, le prix du baril est passé de 3 $ à 12 $. Le 2e choc pétrolier débute à la mi-1978. « Entre 1975 et 1985, la mise en œuvre du slow steaming a été intégrée dans les formations des élèves officiers français », a rappelé Eudes Riblier, président du conseil d’administration de l’École nationale supérieure maritime.

Devenu, par la force des choses, le spécialiste universitaire du slow steaming, Pierre Cariou a souligné les conditions nécessaires au recours à la vitesse lente: surcapacité de l’offre, longue distance à parcourir et prix des soutes élevés. Ces facteurs étant liés. La surcapacité de l’offre sur la demande empêche l’exploitant de porte-conteneurs de transférer sur la marchandise ses coûts de combustibles. Il cherche donc à les réduire au maximum. Une situation que l’on ne retrouve pas dans les vracs, car dans les affrètements à temps, le poste combustible est à la charge de l’affréteur, de la marchandise, et non pas du fréteur. À la fin de l’année dernière, Bimco a cependant introduit une clause « slow speed » dans ses modèles de C/P à temps. Cela sera prochainement fait pour les C/P au voyage.

Le slow steaming fait beaucoup parler de lui mais il ne concerne qu’une toute petite partie de flotte de charge, selon les constatations de Bertrand Chassagne, officier de marine marchande et expert technique chez Axa Corporate Solutions. Sont concernés des porte-conteneurs de 4 000 EVP et plus, qui sont au nombre de 1 572 unités sur un total de 50 000, soit 3 %. À ce jour, les assureurs ne constatent aucun lien de causalité entre le recours à des vitesses lentes et des sinistres aux machines. Cependant, les systèmes de motorisations qui ont été adaptés pour fonctionner à des puissances très inférieures à la puissance nominale demandent une surveillance renforcée de certains de leurs éléments. Ce qui n’était pas prévu à la conception. Par contre, l’éventuelle multiplication des transbordements en route afin de remplir au mieux les navires est défavorable à la sécurité des marchandises. Les accidents arrivant plus fréquemment lorsque les boîtes sont manipulées. Un sujet délicat lorsqu’on évoque le transfert modal du tout route vers le route-mer/ rail/fleuve-route, car la multiplication des manutentions augmente le risque.

Seul devant son moteur

Actuellement professeur à l’Université maritime de Malmö, Raphaël Baumler a été jusqu’en avril 2010 commandant d’un porte-conteneurs Mærsk de 4 300 EVP. Par conception, ce navire a été prévu pour tourner entre 20 nœuds et 24 nœuds, soit entre 80 et 100 t/min. Un jour de 2008, il reçoit l’ordre de ne plus dépasser les 77 t/min. Ce qui correspond à une allure de manœuvre qui, par nature, est transitoire. La conduite de la machine change du tout au tout dans la plus complète incertitude car les recommandations concernant cette conduite sont arrivées plusieurs mois après la mise en œuvre du slow steaming. L’alimentation électrique des moteurs des turbosoufflantes est devenue insuffisante, tout comme la production de vapeur pour réchauffer le fioul. « La suie s’accumulait fortement dans les cheminées. Nous dégagions d’impressionnants panaches noirs. »

Au bout de quelques mois sont arrivés les conseils à la conduite de la machine à vitesse lente et la constatation que les moteurs la supportaient plutôt bien. Raphaël Bamler a eu le sentiment d’une « impréparation » certaine de sa compagnie lorsqu’elle a exigé le passage à 12 nœuds.

Si naviguer à vitesse lente est plus confortable car le navire vibre moins et la navigation dans les eaux resserrées est moins « stressante », elle serait à l’origine d’un « soupçon permanent » de la terre vis-à-vis du commandant, explique Raphaël Baumler. En effet, grâce aux nouvelles technologies des communications lointaines, plus personne n’hésite à demander au bord tout et n’importe quoi, et en particulier pourquoi la vitesse lente n’a pas été respectée ainsi que le montre l’AIS. Le commandant doit alors se justifier, expliquant par exemple qu’il refuse de transiter dans le golfe d’Aden à 12 nœuds. De nouvelles « frictions » peuvent alors apparaître entre le bord et la terre. Frictions plus ou moins fortes selon le gradient hiérarchique de chacun. Une question largement culturelle.

CMA CGM y pense depuis 2005

Le recours au slow steaming est « le fruit d’une réflexion stratégique » qui remonte à 2005 et concerne les navires de plus de 50 000 EVP, a affirmé Bertrand Simioni représentant le service Europe/Extrême-Orient de CMA CGM. La baisse de la puissance utilisée a été progressive: d’abord à 70 %, puis de 55 % à à 40 % en 2008, puis 40 % à 11 % en 2009. De sorte qu’en 2005, la boucle Europe-Asie s’effectue en 56 j avec un 5 700 EVP. Elle passera à 84 j en 2013 avec un 16 000 EVP.

Si les vitesses westbound et eastbound sont différentes, c’est que les chargements des navires, donc les recettes encaissées, sont différents selon le sens. Même à l’import d’Asie, la navigation se fait à des vitesses variables selon les problèmes opérationnels rencontrés. Ainsi à Qingdao, il y a en général 50 j par an de brouillard épais. Le navire ne travaille pas ou peu. Il faut cependant rattraper en mer le temps perdu à quai. L’augmentation de la taille des navires, donc du nombre de mouvements qui seront faits dans les ports principaux, va mécaniquement accroître le nombre d’heures passées à quai. Cela devrait être compensé en mer.

Il n’y a pas de clivage entre la terre et le bord, estime Bertrand Simioni. Chaque navire est suivi par un officier membre du Fleet Centre. Ce suivi a pour objectif d’aider le commandant, et non pas de le harceler. « Je ne crois pas une seconde à la suggestion bienveillante de la terre sur le navire », s’est exclamé Jean-Pierre Laffaye, représentant Cetragpa, spécialisé dans les vracs secs.

6,7 jours d’attente à quai

Dans le désormais classique monologue entre transporteurs conteneurisés et chargeurs concernant les gains que font les premiers en matière de combustibles et dont ne bénéficient pas les seconds qui supportent les coûts de délai de transport rallongé, le groupe CMA CGM a marqué un point: à l’import d’Asie, en 2011, la durée moyenne de séjour à quai pour les dry et les reefers a été, dans les ports français et belges, de 6,7 jours. C’est dire que les réceptionnaires ne se précipitent pas pour récupérer leurs marchandises qui arrivent paisiblement d’Asie.

Coût total de la propriété et de l’exploitation d’une flotte de porte-conteneurs

Selon les calculs du motoriste Wärtsilä, même en tenant compte du coût en capital des navires, à partir d’un certain prix des soutes, il est plus économique d’exploiter à 15 nœuds un système de transport composé de 11 navires plutôt que 8 tournant à 27 noeuds. Pour un motoriste, l’avenir est « simple »: fautil continuer à développer des moteurs capables de fonctionner durablement entre 10 % et 85 % de leur puissance? Ou bien faut-il travailler sur des moteurs de moindre puissance, moins souples mais bien adaptés à des vitesses lentes. Compte tenu des réponses divergentes des armateurs, Wärtsilä travaille dans les deux directions.

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