Sous le titre, « Comment faire du Grand port maritime de Marseille (GPMM) la porte d’entrée de l’Europe du Sud pour le trafic de conteneurs d’ici 2020 », les autorités du GPMM ont expliqué les tenants des 3 Md€ de projets qui augurent une nouvelle ère logistique et industrielle. Les deux grands sites du port de Marseille et de Fos sont au cœur d’investissements stratégiques combinant intérêts publics et engagements privés. Jérôme Giraud, chef du département développement commercial à la direction du développement du GPMM, a expliqué que le port doit affirmer son statut de hub de consolidation différent de la plate-forme de transbordement comme on peut le trouver à Tanger Med. La fixation des marchandises et des valeurs ajoutées doivent soutenir le renouveau industriel et logistique de la ZIP de Fos. Le GPMM contrôle 10 000 ha, ce qui lui confère un avantage décisif pour devenir un point d’entrée polyvalent de toute la zone euro-méditerranéenne.
Le GPMM insiste sur la nouvelle dimension de gérer une interface ville-port au cœur de la vieille cité phocéenne (bassins Est) tout en opérant avec grande précaution des activités portuaires en zones écologiques sensibles (bassins Ouest). En tout, neuf projets sur 46 ha sont prévus à l’horizon 2020 sur les bassins Est avec une extension des activités de croisière pour satisfaire une demande en pleine croissance. Jérôme Giraud est revenu sur les projets de relance des activités de maintenance et de réparation sur les unités de croisière qui pourraient générer un important volant d’emplois qualifiés sur Marseille. Sur les bassins Est, l’emphase est mise sur les conteneurs avec des projets tous azimuts pour absorber, à terme, 27 Mt supplémentaires. Le principal opérateur mondial de la manutention conteneurisée, Hutchison Ports Holding, travaille de concert avec Rotterdam et Marseille pour déployer une logique en « twin hub » de ses activités de transbordement.
Maîtrise des fiabilités portuaires
En réaction, Japp van den Hoogen, directeur de l’agence CMA CGM de Marseille, a exprimé le point de vue de l’opérateur maritime mais aussi de l’acteur multimodal. La maîtrise des fiabilités portuaires a résonné en écho de l’impérieuse nécessité d’investir les arrière-pays. Japp van der Hoogen n’a cependant pas mâché ses mots vis-à-vis des ambitions marseillaises. Il a rappelé les héritages sociaux qui pèsent encore dans l’image du port phocéen tout en rassurant l’auditoire. Les choses s’arrangent et les productivités continuent d’augmenter sans pour autant atteindre celles rencontrées au Moyen-Orient ou en Chine. Autre sujet très important relevé par le responsable du groupe CMA CGM, le mille-feuille administratif handicape une gouvernance plus réactive et soucieuse des intérêts des clients privés du port. Pour finir, Jaap van den Hoogen a manifesté son opinion sur la nécessité de voir le port encore plus investi sur la maîtrise de son arrière-pays. Des investissements directs et indirects doivent être conduits pour drainer les marchandises et consolider les clients au-delà d’un périmètre de 300 km. Les lacunes des navettes ferroviaires, ou tout du moins le manque de disponibilité et de matériels, ont aussi été évoqués pour expliquer que le port de Marseille est assurément sur la bonne voie mais que de très nombreux chantiers occupent autant la gestion de l’interface portuaire que les zones logistiques adjacentes ou les ports intérieurs. Dans ce registre, le délégué général de la fondation Sefacil, Yann Alix a pour sa part évoqué les processus de « co-construction » de solutions logistiques intégrées avec une autorité portuaire revendiquée comme chef d’orchestre. L’ancrage et la consolidation des frets passent par l’implication des autorités portuaires bien au-delà de la fourniture des services régaliens ou la construction d’infrastructures. Il a rappelé que le centre de gravité économique et logistique européen a invariablement glissé vers le nord au détriment des ports de la Méditerranée. Les pénétrantes multimodales en provenance d’Anvers ou de Rotterdam sont venues grignoter des parts de marché jusque dans l’arrière-pays immédiat du port phocéen. La fondation Sefacil a mis en avant le fait que les autorités portuaires du Nord-Ouest européen disposent d’outils d’intelligence économique et logistique. Des cartes très précises de trafics captifs et potentiels sont dessinées avec des aires de chalandises à prendre. Les outils de la prospective et de l’analyse stratégique occupent des dizaines d’analystes experts qui aiguillent les politiques tarifaires et logistiques des communautés portuaires du nord de l’Europe. Le délégué général de la fondation Sefacil a plaidé pour que le port de Marseille accompagne sa révolution avec ces nouveaux outils pour mieux appréhender encore son marché actuel et surtout ses marchés potentiels. Enfin, dans un contexte où Tanger Med subit un important revers avec Mærsk, la volatilité des stratégies des opérateurs maritimes demeure très sensible. Aucun faux pas n’est autorisé dorénavant face à la pression supportée par les armements sur leur compte d’exploitation. 16 nœuds et une unité supplémentaire par rotation, cela signifie une pression supplémentaire sur les performances globales des escales, en particulier les productivités des terminaux de transbordement. La fiabilité et la productivité sont scrutées par des armements qui gèrent un slow steaming en flux tendu.
Les perspectives d’avenir sont positives, d’autant que le GPMM et sa communauté logistique ne ratent pas l’actuel développement de l’espace portuaire méditerranéen, sujet de vives concurrences portuaires et logistiques.