Les ports maritimes d’outre-mer « décodés »

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Seuls quatre ports ou groupes de ports sont concernés par la réforme. Il s’agit du port autonome de la Guadeloupe (intervenant sur cinq sites), du port de Fort-de-France, du port de Dé­grad-des-Cannes et de Port Réunion. La réglementation des ports de Galisbay (Saint-Martin), et de Gustavia (Saint-Berthélémy) relève de la collectivité d’outre-mer sur laquelle ils se situent.

Un établissement public de l’État

Le législateur permet au gouvernement de créer par décret des Grands ports maritimes pour l’administration des ports concernés. Il s’agit d’établissements publics de l’État dont le caractère n’a pas été précisé par la loi. Il y a lieu de penser que la jurisprudence appliquée aux ports maritimes autonomes est transposable aux Grands ports maritimes. C’est-à-dire que pour la Cour de cassation, il s’agit d’établissements publics à caractère industriel et commercial, tandis que pour le Conseil d’État, ce sont des établissements publics mixtes exerçant à la fois des missions à caractère administratif, et de nature industrielle et commerciale.

Dès lors que la loi permet expressément aux grands ports maritimes d’outre-mer de conserver voire d’acquérir des outillages publics, les concessions actuellement en cours ne sont pas légalement remises en cause. De surcroît, elles pourront être renouvelées si l’établissement portuaire l’accepte, dans les conditions prévues pour les délégations de service public.

Une gouvernance aux pouvoirs élargis

Tandis que pour les ports maritimes autonomes le conseil d’administration a eu un pouvoir de décision étendu, pour les Grands ports maritimes, le directoire assure la direction de l’établissement et est responsable de sa gestion. Selon la loi, « à cet effet, il est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances au nom du Grand port maritime. Il les exerce dans la limite des missions définies à la section 1 et sous réserve de ceux qui sont attribués au conseil de surveillance ».

Le conseil de surveillance assure quant à lui un contrôle de la gestion exercée par le directoire, détermine les limites de ses compétences et prend les décisions importantes comme l’approbation du budget, des projets d’aménagement, des opérations d’investissement, des transactions et des prises de participation dans le capital de sociétés au-delà d’un seuil qu’il fixe.

Une circonscription étendue

En l’absence de définition juridique du port en droit français, il est prévu une délimitation administrative approuvée soit par le préfet du département pour les ports relevant de la compétence de l’État, soit par la collectivité territoriale gestionnaire du port. Le périmètre ainsi déterminé crée une présomption simple du caractère portuaire de l’espace en cause.

S’agissant des Grands ports maritimes, ces établissements publics ont une circonscription qui peut inclure plusieurs sites portuaires dont ils assurent la gestion. Elle est définie par arrêté du préfet de Région. La circonscription doit être interprétée comme la zone d’action potentielle de l’établissement public portuaire, c’est-à-dire qu’elle fixe les limites spatiales de sa compétence pour les missions régaliennes (aménagements, expropriation, police…).

Une spécialité élargie

La spécialité correspond aux missions que l’établissement public portuaire est habilité à exercer selon la loi ou les textes réglementaires. Elle concerne notamment l’aménagement et l’entretien des infrastructures et des accès portuaires, l’exercice de la police et des mesures de sûreté et la gestion du domaine. La loi du 22 février 2012 est plus précise que les dispositions concernant les ports maritimes autonomes. Elle prévoit la valorisation du domaine dont l’établissement public est propriétaire ou affectataire, et lui permet de constituer des réserves foncières, Elle lui impose la gestion et la protection du domaine public naturel situé dans sa circonscription. Le Grand port maritime a la possibilité d’aménager et de gérer des zones industrielles ou logistiques liées aux activités portuaires, et de développer des actions concourant à la promotion générale du port. Contrairement aux Grands ports maritimes métropolitains, les établissements portuaires d’outre-mer peuvent acquérir et exploiter des outillages publics. La possibilité de créer des sociétés filiales pour exploiter ces outillages ne semble pas exclue, même si l’article L 5312-4 du code des transports prévoyant cette faculté n’est pas applicable aux Grands ports maritimes d’outre-mer. En effet, avant la réforme portuaire résultant de la loi no 2008-660 du 4 juillet 2008, malgré l’absence de texte les y autorisant, les ports maritimes autonomes métropolitains ont créé des sociétés filiales ou ont pris des participations dans les sociétés exploitant des outillages publics. La loi leur permet expressément de créer des groupes d’intérêt public pour conduire, pendant une durée déterminée, des activités de promotion commerciale et d’entretien des accès maritimes.

Une évolution du régime domanial

Au regard de la loi qui vient d’être adoptée, seul le grand port maritime de la Guadeloupe devrait bénéficier du transfert de propriété des biens de l’État affectés à des fins portuaires puisque l’article 15 de la loi du 4 juillet 2008 n’a pas été étendu aux Grands ports maritimes d’outre-mer. Toutefois, et sous réserve des décrets d’application de la loi nouvelle, le code des ports maritimes prévoit dans sa partie réglementaire que « l’État remet gratuitement aux Grands ports maritimes substitués à un ou plusieurs ports maritimes non autonomes relevant de l’État, à la date fixée pour l’entrée en vigueur du nouveau régime », la propriété des terrains et surfaces d’eau concédés ou non appartenant au domaine public ou au domaine privé, ainsi que les bâtiments et ouvrages maritimes. Il remet seulement en jouissance les terrains et surfaces d’eau appartenant au domaine public maritime naturel et au domaine public fluvial naturel compris dans la circonscription du Grand port maritime, à l’exception des terrains déjà attribués ou affectés au Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres.

Les nouveaux établissements publics portuaires d’outre-mer vont pouvoir conclure des conventions de terminal dans les parties non concédées du port. À l’expiration ou à la suite de la résiliation des concessions, de tels contrats pourront être conclus, mais les grands ports maritimes pourront opter pour d’autres régimes domaniaux, comme la convention d’occupation temporaire du domaine public, l’autorisation d’outillage privé avec obligation de service public, voire la concession.

La poursuite des contrats en cours

Le changement de statut d’un port n’a pas pour effet de rendre caducs les engagements en cours. Les contrats conclus par l’État pour l’aménagement des ports de Fort-de-France, Dégrad-des-Cannes et Port Réunion ou par le Port autonome de la Guadeloupe sont transférés de plein droit aux nouveaux établissements portuaires.

Sur le plan social, si le personnel du port autonome de la Guadeloupe demeure soumis aux mêmes règles, en revanche, le personnel de l’État détaché auprès d’un grand port maritime est soumis aux règles du détachement, c’est-à-dire qu’il relève du régime du droit du travail, comme les salariés de droit privé, sous réserve de quelques exceptions prévues par le statut général de la fonction publique de l’État.

L’association des collectivités territoriales

Le législateur a voulu associer plus étroitement qu’en métropole les collectivités territoriales pour la gestion des Grands ports maritimes d’outre-mer. C’est ainsi que les personnalités qualifiées sont nommées par l’État après avis des collectivités territoriales et de leurs groupements dont une partie du territoire est située dans la circonscription du port, parmi lesquelles trois représentants élus de la chambre de commerce et d’industrie territorialement compétente et un représentant du monde économique. Il convient toutefois de remarquer que cet avis ne donne pas lieu à « compétence liée » pour l’État, c’est-à-dire que celui-ci n’est pas tenu de suivre le sens de l’avis qui est ainsi donné.

Cette collaboration avec les collectivités territoires a cependant une limite. La loi se borne en effet à prescrire que « la composition du conseil de coordination interportuaire, les modalités de désignation de ses membres, ses règles de fonctionnement et les conditions d’élaboration du document de coordination sont déterminées par décret ». La concertation n’est pas envisagée à ce niveau. De plus, on peut s’interroger sur le point de savoir si les décisions de ce conseil ne vont pas restreindre les compétences des grands ports maritimes dans le choix de leurs investissements ou de leur politique tarifaire.

Réellement autonome?

La loi confère de larges pouvoirs au gouvernement pour définir, par décrets, les conditions et modalités d’adaptation du code des transports se rapportant aux Grands ports maritimes d’outre-mer. Même si la notion d’autonomie n’est pas mentionnée dans le texte, il conviendrait que le pouvoir d’administration des ports soit réellement assuré au niveau local. N’est-ce pas ce qui existe légalement, certes à une autre échelle, pour les ports de Galisbay et de Gustavia?

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