Rédigé par les deux vice-présidents de la Commission (de l’Assemblée nationale) de la Défense nationale et des forces, Patricia Adam (Finistère, PS) et Philippe Vitel (Toulon, UMP), ce rapport est la conséquence de la création, en octobre 2009, d’une mission d’information sur l’action de l’État en mer (AEM).
Avec la création de la fonction garde-côtes, la France s’est dotée d’outils nouveaux de coordination, au niveau national, de son action à la mer. Si elle dispose désormais d’un « véritable pilote » pour sa politique maritime, en la personne du secrétaire général de la mer, placé sous l’autorité du Premier ministre, et d’une feuille de route « précise », il convient à présent d’engager les « nombreux » chantiers pour parvenir à une organisation à la fois « moins coûteuse et plus efficace. Cela passe par une plus grande mutualisation des moyens, tant humains que matériels, et la création d’une « culture commune » à l’ensemble des acteurs » estiment les rapporteurs. Ils ont le « sentiment » que le modèle français est une « bonne réponse » aux enjeux maritimes du siècle. Il doit maintenant être consolidé et trouver un prolongement « efficace » au niveau européen.
Expertise, arbitrage et transparence
Pour ce faire, ils font six propositions. Dans cet ordre, il s’agit de « renforcer la capacité d’expertise et d’analyse du secrétariat général de la mer ». Composé d’équipes réduites, il ne dispose pas nécessairement des moyens « indispensables » à la bonne conduite des missions dont il a la charge. Ce renforcement a pour objet de permettre au secrétaire général de la mer « d’effectuer les arbitrages qu’exige sa fonction dans les meilleures conditions ». La légèreté de la structure a déjà été soulignée en juillet 2005 par un rapport d’information rédigé par deux membres de la commission sénatoriale des Affaires étrangères et de la Défense.
• La 2e proposition consiste à donner au secrétaire général de la mer une capacité d’arbitrage budgétaire des moyens consacrés à la fonction garde-côtes. Actuellement, tous les financements de la fonction relèvent de la bonne volonté des ministères concernés, expliquent les rapporteurs. Cela n’est pas de nature à pérenniser le dispositif. Faut-il comprendre que la tutelle du Premier ministre serait insuffisante pour réaliser les arbitrages nécessaires?
• La 3e proposition porte sur l’élaboration d’un document de politique transversale sur l’AEM. En effet, faute de financement unique, le budget de la politique maritime est aujourd’hui éclaté entre les différents programmes budgétaires des missions ministérielles qui y concourent, expliquent les deux députés. « Cela nuit considérablement à la lisibilité de la politique maritime, dont on peut difficilement mesurer les coûts et évaluer les performances », estiment-ils. Le secrétaire général de la mer souhaite se doter d’un outil de contrôle de gestion qui permette de rendre compte de la réalité quantitative et qualitative de la fonction garde-côtes. Cela est « naturellement indispensable ».
• La 4e proposition est encore plus ambitieuse car la députée de l’opposition et celui de la majorité souhaitent que soit organisé au Parlement, « chaque année, un débat sur la politique maritime de la France ». Le secrétaire général de la mer pourrait également être invité à rendre « régulièrement » compte de son action. Le Cimer de juin 2011 a pourtant décidé l’établissement d’un bilan annuel de la politique maritime conjointement établi par le ministère chargé de la mer et le secrétaire général de la mer.
• La 5e proposition porte sur la prise en compte des enjeux liés à la sûreté et à la sécurité maritime dans le futur livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.
Le constat est net: pour s’assurer que le dispositif d’AEM dispose des moyens nécessaires à l’accomplissement de ses missions, il est « indispensable » que les enjeux de sûreté et de sécurité maritime soient « clairement » identifiés dans ce futur livre blanc. C’est en effet en fonction des priorités définies par ce document que la loi de programmation militaire affecte les moyens nécessaires aux forces armées. « Faute de recensement des enjeux de sécurité maritime, la Marine nationale ne dispose pas des moyens nécessaires au renouvellement de sa flotte de patrouilleurs outre-mer, par exemple, ce qui est préoccupant compte tenu des défis auxquels elle doit faire face. » Les rapporteurs soulignent que cela ne signifie pas que la Marine doive supporter la totalité du financement de ces missions à l’avenir. Elle le fait déjà à près de 80 %. La loi de programmation « devra » prévoir le financement de chacune des administrations concourant à la sécurité maritime.
• Extraterritoriale, la dernière proposition porte sur la coordination de la politique maritime européenne. Si les rapporteurs excluent la création d’une garde-côtes européenne, ils souhaitent que puisse émerger une fonction garde-côtes capable de mobiliser toutes les administrations nationales et européennes impliquées dans la sécurité maritime. La volonté politique n’apparaît pas patente. Aussi, les deux députés estiment qu’il pourrait être opportun de créer un coordinateur unique de la politique maritime européenne. Placé auprès du président de la Commission, il aurait pour rôle d’assurer la coordination entre les différentes directions générales de la commission et les agences européennes. Le rapport du Sénat de 2005 demande déjà une « coordination européenne ».
Trois vedettes côte à côte
Le compte rendu des débats qui ont suivi la présentation du rapport mérite une lecture attentive. Le coût de l’AEM est estimé par Philippe Vitel à un peu plus de 140 M€ dont 80 % à la charge de la Marine nationale. Le député UMP de Vendée, Dominique Caillaud, s’étonne de voir dans son département, amarrées côte à côte, trois vedettes identiques: celle de la Gendarmerie, des Douanes et des Affaires maritimes. Patricia Adam lui a répondu que le SG mer est en train de faire un état précis des moyens métropolitains. Il fera ensuite des propositions au comité directeur de la fonction garde-côtes et le Premier ministre fera des arbitrages.