« Le développement de la vallée de la Seine suscite bien une forte attente de la part de ceux qui, à des titres divers, y exercent des responsabilités, et ce territoire, considéré dans sa globalité, est perçu comme porteur d’atouts de tout premier ordre pour la région capitale mais pour notre pays dans son ensemble également », explique Antoine Rufenacht, commissaire général pour le développement de la Seine, dans les premières pages de son rapport remis au Premier ministre le 15 février. Le commissaire général souligne ensuite l’importance de la mise en place d’une « gouvernance partagée » et la nécessité d’obtenir des investissements à la hauteur des ambitions de développement voulues sur l’axe Seine. Sur la question des moyens, il prévient: « Seule une décision politique émanant du plus haut niveau de l’État et relayée par les autres acteurs potentiels pourra faire perdre au projet autour de la vallée de la Seine son statut d’utopie ».
Concernant la gouvernance actuelle, Antoine Rufenacht pointe une multiplicité d’acteurs qui favorise « la production de réalisations juxtaposées et non pas la concrétisation d’un projet global ». Aussi il propose un dispositif combinant une « conférence pour le développement de la vallée de la Seine », composée à parité de représentants de l’État, des collectivités et du monde économique, et un « commissariat général », placé sous l’autorité du Premier ministre.
La conférence serait chargée de concevoir un projet commun d’aménagement tandis que le commissariat préparerait un projet de développement, serait chargé de son approbation par les différents acteurs et mettrait en œuvre les actions décidées. L’objectif de ces deux organes est de parvenir à un resserrement du nombre des acteurs impliqués dans le développement de la vallée de la Seine et à une simplification des procédures de décision pour faire avancer plus rapidement les dossiers concernant plusieurs départements et/ou régions. Ces derniers sont notamment ceux des équipements lourds incontournables comme la ligne nouvelle Paris-Normandie, l’achèvement de l’A104, la construction du port d’Achères, la liaison entre l’A28 et l’A12 (contournement est de Rouen), les travaux à réaliser dans le port du Havre pour faciliter les liaisons fluvio-maritimes. Ces cinq équipements majeurs sont chiffrés par Antoine Rufenacht à environ 18 Md€. « Une somme qui devra être partagée, selon des clés de répartition encore à définir, entre plusieurs financeurs et l’effort d’investissement devra être consenti sur une durée comprise entre 10 et 15 ans voire plus longue », explique le rapport. Pour les autres équipements qu’il conviendra d’entreprendre au titre des priorités définies dans le projet stratégique pour la vallée de la Seine, aucun montant n’est précisé.
Aller au-delà du GIE entre Le Havre, Rouen et Paris
Aux côtés des cinq équipements lourds à réaliser en priorité, le rapport propose de développer le potentiel portuaire de l’axe Seine en faisant du Havre, de Rouen et de Paris, associés aux ports de la façade de la Manche (Cherbourg, Caen, Fécamp, Dieppe), sans oublier l’axe formé par l’axe Oise et le canal Seine-Nord Europe, un système économique intégré, baptisé “Seine Gateway”. Et pour cela, Antoine Rufenacht préconise que le GIE qui vient d’être adopté entre Le Havre, Rouen et Paris évolue à terme vers « une fusion des trois ports pour des raisons de cohérence de la gouvernance à l’échelle des enjeux, de nécessaire intégration des équipes des ports et, enfin, d’optimisation des investissements sur la vallée de Seine ».
Accueil prudent au Havre
« Je suis favorable à cette fusion. Quand nous avons lancé Haropa, les ports concurrents de l’Europe du Nord ont été apeurés. Et s’ils ont peur, c’est que nous sommes dans la bonne direction ». Gilles Fournier, le président du Conseil de surveillance du Grand port maritime du Havre (GPMH), a lu avec attention le rapport du Commissariat général au développement de la vallée de la Seine et, à ses yeux, l’idée de fusionner les trois ports de l’Axe Seine va dans le bon sens. Pour lui, la fusion permettrait d’avoir « un langage commercial plus cohérent », mais aussi de « développer des synergies ».
Le président du Conseil de développement du port, lui, se montre un peu plus prudent. Ni pour ni contre pour le moment, Jean-Louis Le Yondre veut d’abord consulter son Conseil. Mais ce qui compte pour lui, c’est que « les synergies permettent de faire chuter les coûts d’exploitation des ports ».
De son côté, le comité d’entreprise du GPMH a adopté la semaine dernière une motion dans laquelle les représentants du personnel demandent la suspension des discussions actuelle portant tant sur le GIE Haropa que « sur un quelconque projet de fusion des trois ports ». Pour Laurent Delaporte (CGT), la fusion n’a jamais fait partie de la consultation sur le projet de création d’Haropa et serait synonyme de risques pour l’emploi.