Cela a commencé le 9 février avec l’annonce faite par l’Association internationale des compagnies de croisières (CLIA) selon laquelle tous ses membres ont décidé de procéder aux exercices d’évacuation avant que leurs navires ne quittent le port. Si des passagers arrivent après la fin de l’exercice, ils sont alors rapidement informés des procédures à suivre. La CLIA rappelle que la convention Solas exige que ces exercices soient conduits dans les 24 heures au plus tard après l’embarquement. Cette décision concerne tous les membres de la CLIA, du Conseil européen de la croisière et de la Passager Shipping Association qui représente, au Royaume-Uni, les compagnies de croisières et de ferries (dont la BAI et LD Lines).
Peu après, le consultant américain Nexus Consulting Group qui se présente comme un spécialiste en sécurité et sûreté maritime publie une note de 5 pages intitulée « What can we learn from the Costa-Concordia? ».
Ancien responsable de la sécurité chez Norwegian Cruise Lines, Bill Doherty note qu’il n’y a pas eu de morts lors de l’échouement, ni dans les minutes qui ont suivi. Il en conclut que les morts ont pour origine la non-observation par le commandant du paquebot et par des responsables de Costa de certaines dispositions du code international de la sécurité, et notamment concernant les relations avec les autorités à terre.
En supposant que le commandant du navire ait bien informé la « personne désignée » dans la compagnie pour l’assister, de « sérieuses ruptures » dans la communication sont soulignées. Par exemple, la garde-côte italienne n’a pas été tout de suite informée, et il n’y a pas eu d’estimation immédiate de la situation.
En supposant que le commandant dispose de toutes les informations sur l’état réel de son paquebot et qu’il ait le sentiment de ne pas être correctement assisté par sa compagnie, il dispose encore des moyens d’appels à l’aide par VHF, voire par fusée éclairante.
Bill Doherty poursuit son scénario en s’interrogeant sur ce que peuvent faire les passagers qui n’ont aucun moyen de prévenir directement les autorités et sur les moyens réels dont disposait localement la garde-côtière pour porter assistance à 4 200 personnes. Le fait que le commandant et plusieurs officiers se sont retrouvés dans une embarcation de sauvetage 20 minutes après l’échouement, sans explication logique, interpelle également l’ancien naviguant qui propose que soient étudiées et mises en place plusieurs modifications des règlements applicables:
– Mise en place d’un système d’appel d’urgence déclenché par les passagers avec dispositif de détection des fausses alertes, le bord ayant cinq minutes pour informer la compagnie et les autorités qu’il s’agit d’une fausse alerte.
– Interdiction de quitter le port sans avoir réalisé les exercices d’évacuation, la capitainerie y veillera.
– Après un accident, le commandant aura l’obligation de se soumettre à des analyses pour déterminer son éventuelle alcoolémie ou l’usage de psychotropes. Faute de quoi, son brevet lui sera retiré.
– Contrôle obligatoire de l’état psychologique du commandant, des principaux officiers et des principaux responsables hôteliers.
– Établissement d’un fichier des officiers et responsables hôteliers qui ont été condamnés pour non-respect de certaines dispositions de la réglementation. Ce fichier sera complété par une règle prévoyant l’interdiction de recruter ces personnes.
– Tout commandant qui aura quitté, parmi les premiers, son navire après un accident sérieux sera poursuivi pour crime.
– Mise en place d’une plus grande mutualisation des moyens nautiques et humains lorsque l’autorité publique n’en dispose pas de suffisants, et sous commandement unique pour qu’une opération de sauvetage ne se transforme pas en opération de récupération de corps.
Un fonds de compensation d’un milliard d’US$
Dans l’édition du 14 février du quotidien on-line The Maritime Executive, Bill Doherty va bien plus loin et propose que l’exploitant du paquebot ne puisse limiter sa responsabilité. Il devra rembourser tous les frais supportés par les agences fédérales américaines qui ont porté assistance au paquebot et à ses passagers, ainsi que les coûts de sauvetage du navire et éventuellement de nettoyage des côtes. Un fonds sera constitué aux États-Unis afin de se substituer à l’opérateur si ce dernier est inconnu ou dans l’incapacité d’assumer sa responsabilité. Plafonné à un milliard de $ par navire, il sera alimenté par une taxe de 10 $/j payé par tout passager américain ayant acheté son billet sur le territoire américain et/ou tout passager dont le navire fait escale aux États-Unis.
Tout opérateur de croisière devra montrer aux autorités américaines qu’il dispose d’une garantie financière suffisante et devra indiquer qui est le payeur en dernier recours. Le Cruise Vessel Security and Safety Act de 2010 sera modifié en conséquence. Certaines dispositions du Oil Pollution Act de 1990 s’y retrouvent, ainsi que la pratique américaine qui consiste à décider seule. Mais bon gré mal gré, le monde fait ce que veut le premier importateur mondial de pétrole brut ou le premier marché mondial de la croisière en terme de demande. Certaines propositions ouvrent cependant d’intéressantes perspectives: d’une part, ce qui pourrait être possible aux États-Unis devrait également l’être dans les eaux des États membres de l’Union européenne, à savoir une taxe sur le passager pour couvrir les frais d’assistance actuellement supportés par le contribuable; d’autre part, il n’y a pas que les grands paquebots qui sont susceptibles de poser de gros problèmes aux États côtiers, il y a aussi les grands porte-conteneurs. La collecte d’une petite taxe à l’import pourrait être la bienvenue, ne serait-ce que pour faire participer les trafics d’Anvers, de Rotterdam ou de Hambourg à la protection du Pas-de-Calais via un remorqueur de haute mer.