Cette décision comporte une face cachée, à savoir l’éventuelle mise en jeu de la responsabilité pénale du directeur du port ou du commandant de port en cas de mise en danger de la vie d’autrui ou, dans les cas les plus graves, d’homicides involontaires. En effet, les navires en difficulté ne sont pas uniquement ceux qui polluent, mais aussi les navires victimes d’un incendie à bord, ou qui sont sur le point d’exploser. En pratique, les mouvements du navire dans le port et la désignation du poste d’amarrage ont lieu sous l’autorité du commandant de port. En cas de danger pour les salariés portuaires ou pour les personnes vivant à proximité, c’est bien la responsabilité pénale du chef de la capitainerie qui sera recherchée.
Un autre volet de la face cachée de cette situation réside dans l’indemnisation des victimes des préjudices occasionnés par l’entrée d’un navire en difficulté dans un port. L’État considère qu’il appartient au propriétaire ou à l’exploitant dudit navire de supporter cette indemnisation, et à titre subsidiaire, c’est l’État qui indemnisera. Toutefois, lorsque le propriétaire du navire revendique la limitation de responsabilité, est-ce l’État qui couvrira la différence entre le montant des préjudices et le montant du fonds de limitation de responsabilité? Même si l’État accepte d’indemniser, sur quel fondement le fera-t-il? Si c’est sur celui de la responsabilité sans faute, la jurisprudence considère que pour être indemnisable, le préjudice doit être à la fois anormal et spécial (c’est ce qui est jugé pour les conséquences dommageables du blocage des accès portuaires par les marins-pêcheurs). Le caractère anormal dépend de la durée pendant laquelle l’activité de la victime est perturbée. Le caractère spécial prend en compte le préjudice particulier subi par rapport à l’ensemble des usagers du port. En d’autres termes, l’indemnisation des victimes des préjudices occasionnés par un navire en difficulté risque d’être tardive et incomplète.