La proposition de loi, votée le 23 janvier, sanctionnant d’un an de prison et de 45 000 € d’amende la négation des génocides reconnus par la France, dont le génocide arménien (perpétré entre 1915 et 1917), pourrait avoir des répercussions sur l’activité économique entre la France et la Turquie.
Deux jours après le vote de la loi, Hervé Balladur, président de l’Union maritime et fluviale de Marseille-Fos, a fustigé la politique du gouvernement: « Cette décision a été prise sans concertation avec le monde économique et ne peut qu’impacter notre activité. Nous risquons d’être écartés des appels d’offres internationaux. La Turquie représente un trafic d’1 Mt pour le Grand port de Marseille. Elle est la cinquième destination du GPMM. »
Ces dernières années, la Turquie a été le point de chute d’une vague de délocalisations. Proche des bassins de consommation occidentaux et bénéficiant d’une main-d’œuvre à prix raisonnables, le pays a attiré les plus grands constructeurs automobiles. Ford possède une usine à Yenikoy, Renault est installé depuis de nombreuses années à Gemlik. À quelques encablures de là, les imposants rouliers avalent chaque semaine près de 700 voitures neuves et appareillent de Borusan pour inonder le marché français et l’Europe de l’Est via Koper.
« Neptune Line, notre armateur, est grec mais nous craignons pour les produits. Nous redoutons des blocages d’unités de production. Quoi qu’il en soit, ce ne peut qu’être que de courte durée car ces usines emploient en majorité de la main-d’œuvre locale », avoue Caroline Cantoni d’O.T.M, agent de Neptune à Marseille qui reçoit sur le terminal Pinède de Marseille des Clio et la Fluence Z.E, la nouvelle voiture électrique de Renault.
Worms, représentant l’armement turc Turkon Line à Marseille-Fos, n’a pour l’instant pas noté de baisse des volumes chargés sur les porte-conteneurs. Dans les boîtes, des pièces détachées automobiles, de l’acier, des matériaux de construction, des produits chimiques…
Turkon Line dans l’expectative
Depuis son siège à Istanbul, l’armement Turkon Line est dans l’expectative. « Nous attendons la décision de Nicolas Sarkozy. S’il n’abandonne pas son projet, une rupture des relations est à craindre. La production exportée vers la France risque d’être reportée vers l’Allemagne et l’Italie. Pour l’heure, nous ne ressentons pas d’impact sur les volumes et nous souhaitons continuer à desservir les ports français. Janvier et février sont des mois traditionnellement faibles alors qu’au printemps et en été, les volumes sont plus soutenus », explique Alp Parkan, responsable des opérations au sein de Turkon Line, la compagnie qui a mis fin à ses escales en direct à Marseille l’an dernier au profit d’allocations sur les navires de Mærsk Line. L’accord effectif, à compter du 1er février, permettra à Turkon de bénéficier de la fréquence hebdomadaire de Mærsk. Sur le port de Toulon-Brégaillon, qui accueille deux fois par semaine le Wessex et le Mercia de l’armement turc UN RO RO, peut-on craindre une baisse de l’activité?
« Les relations diplomatiques France-Turquie, liées à la loi sur le génocide, n’ont à notre connaissance pas eu d’impact économique à ce jour », indique la direction du port qui note tout de même un affaissement des trafics fin 2011 et début 2012 lié aux fêtes de fin d’année. « La tendance est à la reprise depuis le 15 janvier, avec un coefficient de remplissage qui est monté en puissance pour atteindre un maximum de 220 remorques et ensembles routiers », ajoutent les services du port varois.
« Le choix de Toulon par UN RO RO a été guidé par des motifs économiques. Ils ne subissent pas de grèves, nous sommes moins cher et la circulation est bien plus fluide que sur la deux-voies de Trieste! », fait valoir Claude Orfila, président de la commission maritime à la chambre de commerce et d’industrie de Toulon. L’an dernier, 18 017 remorques ont transité par Toulon représentant 539 699 t contre 237 341 t en 2010.