Ratifiée par 22 nations – mais pas encore la France –, la MLC, Maritime labour convention, entre en vigueur en 2013. Elle impliquera les États du pavillon et du port comme précédemment, mais aussi l’armement et l’organisation du bord, et les agences de manning tenues d’être certifiées et contrôlées par leur pays, a souligné une table ronde du colloque Marisk. « Plus ou moins appliqués dans nos contrées, contrôle du temps de travail, du repos, droit à un congé annuel visent des pavillons qui n’ont pas nos garanties sociales. Si l’agence de manning est basée dans un pays qui n’aurait pas ratifié la MLC, l’armateur devra s’assurer qu’elle respecte la convention, l’exigence de niveau de formation notamment », note Jean Nectar, formateur chez JNP consulting. Bémol: le bien-être des gens de mer prévoit de favoriser les sorties à terre, ce qui contredit les règles ISPS, toute descente à l’escale étant prohibée aux États-Unis, parfois en Chine.
Une nouveauté, les contrôles sociaux. L’État du port aura la faculté d’auditer les marins confidentiellement, hors de la présence du commandant ou d’officiers du bord. En cas de manquement important, un plan d’action correctif immédiat est exigé, l’inspecteur du port pouvant procéder à l’immobilisation du navire à quai. « La convention 76 permet déjà d’arrêter un navire, dit un administrateur des Affaires maritimes. Quand le premier être vivant qu’on croise est un rat, quand le frigo de la cambuse est vide… »
Pour l’Afcan, Hubert Ardillon souligne le bienfait de la convention MLC soucieuse « pour la première fois de la vie sur le lieu de travail », et rappelle qu’« un équipage bien reposé, bien nourri travaille mieux, est plus sûr. Un marin fatigué commence par shunter les procédures de sécurité. Le problème sera de l’honnêteté des enregistrements des heures travaillées, les sociétés de manning ne voulant pas payer trop d’heures supplémentaires. Un caboteur qui travaille à six, capitaine inclus, ne pourra pas respecter les temps de repos pour assurer sécurité, sûreté, opérations commerciales… Le capitaine pourra se trouver coincé entre ne pas se faire prendre par la patrouille et ne pas se faire engueuler par l’amateur ». Autre souci qui alerte de plus en plus les adhérents de l’Afcan: « Il faut garantir l’autorité du capitaine en lui offrant des recours face aux pressions de l’armement. On a ainsi vu, en France, des appareillages en sous-effectif. » Mais dans le huis clos que sont la vie et le travail à bord, il n’élude pas le danger de harcèlement du capitaine sur son équipage.
GRANDEUR ET MISÈRE DU NAVIRE GÉANT
Et si plus c’était gros, plus c’était dangereux?
Les navires de grande taille génèrent-ils plus de dangers d’accidents qu’ils n’apportent de solutions? À Nantes, le forum international Marisk a débattu de « la sécurité face au gigantisme ». Aux difficultés portuaires, tirants d’eau et d’air, manœuvres d’amarrage, stockages induits nettement accrus dans les aires portuaires, s’ajoutent les réticences des assureurs. Si dans les années 1960 la taille des pétroliers a doublé tous les deux ans, le Batillus construit en 1976 à Saint-Nazaire détient le record: 550 000 t pour 414 m hors tout, mais avec un système sophistiqué doublant les safrans inclinés jouant sur la manœuvrabilité. Ces ULCC ont disparu du marché mais les méthaniers ont quand même suivi le mouvement au milieu des années 2000, et les portes conteneurs atteindront en 2013 une capacité de 18 000 EVP pour un déplacement de 300 000 t. « Le problème, c’est la manoeuvrabilité dans les ports, témoigne Stéphane Pousset, des Pilotes de Loire. Notamment la stabilité de route, le temps de réaction, l’énergie d’impact, le surenfoncement et l’interaction avec les berges ou lors de croisements, qui rendent la maîtrise des évolutions très délicate. Les ports doivent s’équiper de moyens plus lourds, notamment des remorqueurs plus puissants. Si la distance d’arrêt est de huit fois la longueur pour un 25 000 t, elle passe de quinze fois la longueur pour un 250 000 t. Ne parlons pas de la visibilité très réduite depuis la passerelle d’un VLCS. » L’augmentation de la surface vélique est surtout notable pour les navires à passagers, leur conception compacte tendant à former des boîtes bien remplies, logeant le maximum de superstructure, avec un coefficient de bloc beaucoup plus élevé qu’auparavant. Face au gigantisme, le pilote préconise une vigilance tant sur les erreurs de conceptions lors de la construction que sur la gestion du navire où l’erreur humaine se paie évidemment plus cher. Le turn-over des personnels pose une autre question, embarquant des effectifs qui peuvent être bien formés mais manquant d’expérience sur ces mastodontes. Le naufrage du Costa-Concordia a offert un exemple d’actualité brûlante. « On n’a pas encore de navire à 9 000 passagers mais ça viendra, avec des nationalités, des cultures, des langues différentes, problématique en gestion dégradée du navire, dit Georges Tourret, l’ex-patron du BEAmer aujourd’hui à l’Institut maritime de prévention. Par boutade, mais pas tout à fait, il lance l’idée d’une agence de notation maritime, capable d’accorder une note globale, plus large que la seule certification.
N.d.l.C.