L’échouement du Costa-Concordia n’a pas fini de faire parler de lui. Le nombre de morts et de disparus n’est pas encore déterminé de façon certaine; déjà des questions juridiques se posent. En premier lieu, les agissements du capitaine font l’objet de nombreuses interrogations. Sa présence à terre sans que la totalité des passagers n’aient encore pu être débarqués suscite bien des interrogations. Aujourd’hui assigné à résidence, il devra répondre devant la justice de ses actes. S’agissant de cette responsabilité pénale, la convention internationale du 19 mai 1952 donne un cadre juridique aux abordages. « Au cas d’abordage ou tout autre événement de navigation concernant un navire de mer et qui est de nature à engager la responsabilité pénale ou disciplinaire du capitaine ou de toute autre personne au service du navire, toute poursuite ne pourra être intentée que devant les autorités judiciaires ou administratives de l’État dont le navire portait le pavillon au moment de l’abordage ou de l’événement de navigation. » Cette convention internationale a été ratifiée par la France et l’Italie. Le Costa-Concordia arbore le pavillon italien. Toutes les plaintes au pénal qui seront déposées seront jugées selon le droit maritime italien. En l’espèce, les plaintes qui sont actuellement déposées par des passagers du navire auprès des autorités judiciaires françaises n’auront que peu de chances d’aboutir. Selon un avocat français spécialisé dans le droit maritime, « le parquet français devrait se dessaisir du dossier, éventuellement après une enquête préliminaire au profit des autorités italiennes ».
La responsabilité civile de Costa Croisières pourra, pour sa part, être jugée par d’autres tribunaux. « Il s’agit de déterminer la qualité juridique de cette croisière », nous a indiqué un avocat. Si la croisière vendue par Costa Croisières est qualifiée de forfait touristique au sens de la directive 90/314/CEE du Conseil européen en date du 13 juin 1990 relatif aux voyages, vacances et circuits à forfait, les passagers pourront alors invoquer les règles prévues par le règlement 44/2001 et le règlement de Rome 1 qui vise les contrats conclus par les consommateurs. En vertu de ces règlements, les passagers pourront saisir le tribunal de leur lieu de résidence ou du lieu du siège social de l’armateur. De plus, ils pourront invoquer la loi de leur pays de résidence. Par conséquent, les Français concernés par cet échouement pourront s’adresser auprès du tribunal de leur lieu de résidence et demander que la responsabilité civile de l’armateur puisse être recherchée selon la loi française. La responsabilité de l’organisateur de la croisière est régie par les textes sur le tourisme. D’une part, la directive 90/314/CEE et sa transposition dans les différents États membres, d’autre part, les règles sur le transport maritime de passagers, qui est en France le code des transports. Ces deux textes prévoient une responsabilité de plein droit de l’organisateur de croisières, qui s’appliquera vraisemblablement dans le cas du Costa-Concordia. Cette responsabilité peut être exonérée selon certaines conditions. L’article 38 de la loi de 1966 sur le transport maritime dispose que « le transporteur est responsable de la mort ou des blessures des voyageurs causées par naufrage, abordage, échouement, explosion, incendie ou tout sinistre majeur, sauf preuve, à sa charge, que l’accident n’est imputable ni à sa faute ni à celle de ses préposés ».
13 M€ pour les dommages matériels, et 26 M€ pour les dommages corporels
Si Costa Croisière pourra difficilement s’exonérer de sa responsabilité civile, l’armateur va tenter de limiter son niveau de responsabilité. Ces limitations de responsabilité dans le cadre des croisières sont régies par la convention d’Athènes du 13 décembre 1974. Elle entrera en vigueur au plus tard en décembre 2012 en même temps que le règlement européen 392/2009 du 23 avril 2009 relatif à la responsabilité des transports de passagers par mer en cas d’accident. La convention d’Athènes n’a été ratifiée ni par l’Italie, ni par la France. À l’inverse, l’Espagne ayant ratifié cette convention, les passagers espagnols qui ont subi des préjudices de ce sinistre pourront s’en prévaloir. En France, le code des transports renvoie à la convention de Londres du 19 novembre 1976, modifié par le protocole de 1996. Cette convention limite la responsabilité par événement à 175 000 DTS (droits de tirage spéciaux) multipliés par le nombre de passagers que le navire aurait pu embarquer. Cette convention prévoit aussi une limitation en fonction du tonnage du navire. « Selon nos premiers calculs, nous a indiqué un avocat, la limitation pour les préjudices corporels serait de l’ordre de 13 M€ pour les dommages matériels et de 26 M€ pour les préjudices corporels. »
En Italie, ni la convention de Londres ni le protocole additionnel n’ont été ratifiés. C’est donc auprès du droit italien interne qu’il faudra éventuellement chercher les limites à la responsabilité matérielle et corporelle. Et c’est encore auprès de ce droit que les conditions d’exonération de la responsabilité de Costa devront être examinées. Enfin, les conditions générales de vente de Costa Croisières pourront aussi limiter la responsabilité.
Enfin, un dernier sujet doit déjà être abordé: l’annulation des croisières prévue sur le Costa-Concordia. L’article L 211-14 stipule que « lorsque, avant le départ, le vendeur résilie le contrat en l’absence de faute de l’acheteur, la totalité des sommes versées par ce dernier lui est restituée, sans préjudice des dommages et intérêts auxquels celui-ci pourrait prétendre ».