Le gouvernement américain estime que le transporteur a, en toute connaissance de cause, surfacturé de très nombreuses prestations. Le DOJ cite par exemple la surfacturation: de l’entretien des conteneurs frigos dans le port de Karachi et dans les bases américaines d’Afghanistan, des frais de détention des boîtes qui ne tiennent compte ni des délais de transport ni des périodes de gratuité contractuellement fixées. Si le suivi des conteneurs par GPS n’a pas été réalisé, ou très partiellement, il a été totalement facturé, poursuit le DOJ. Dernier exemple, Maersk Line Ltd a oublié de créditer au chargeur les rabais obtenus des fournisseurs d’un port du Koweït. « Les hommes et les femmes en uniforme en poste à l’étranger méritent le plus absolu soutient de la part de fournisseurs honnêtes et loyaux », a souligné l’adjoint au procureur général pour le département civil du ministère de la Justice.
Fidèle à sa politique, le DOJ a expliqué que ces surfacturations avaient été signalées par un « siffleur », Jerry H. Brown, ancien salarié du maritime. Compte tenu de la qualité des informations une nouvelle fois fournies, il recevra 3,6 M$ d’indemnités au titre de la procédure dite du « whistleblower ».
Selon Maersk cité par l’agence de presse Reuters, le montant de 31,9 M$ se décompose en 13,5 M$ d’amende et le solde représente les remboursements, intérêts compris, liées aux surfacturations.
La compagnie évoque des « clerical mistakes » dues aux conditions de guerre dans lesquelles se passent les opérations terrestres: les informations manquent ou sont incomplètes. Dès qu’elle a été informée de ces problèmes, la compagnie a réalisé un audit dont les conclusions ont été transmises au Pentagone et au DOJ.
Jerry H. Brown est favorablement connu de la Justice et du secteur du transport conteneurisé américain car c’est lui qui avait signalé les sévères surfacturations auxquelles s’était laissé aller APL. En effet, en février 2009, le DOJ annonçait qu’APL avait accepté de verser au gouvernement 26,3 M$ pour mettre fin au contentieux relatif aux surfacturations des prix de positionnement des conteneurs en Irak et en Afghanistan ou des frais d’entretien des reefers. Le DOJ a rendu déjà hommage au « siffleur », salarié d’APL qui a dénoncé le comportement antiaméricain de son employeur. Pour ses peines et soins, il a reçu 5,2 M$.
En quelques années, Jerry H. Brown a donc encaissé 8,8 M$ et s’est forgé une solide capacité d’expertise dont le contrôle de gestion de l’armée américaine semble avoir grand besoin, ses problèmes de facturation étant récurrents.
En 1991, le Military Sealift Command (MSC) a déposé plainte contre Sea-Land alors totalement sous contrôle américain pour avoir facturé le retour des conteneurs du Moyen-Orient à un prix largement supérieur à celui qui était déposé auprès de la FMC pour les chargeurs civils. Le MSC demandait 18 M$ de rabais. En 2000, le dossier était toujours en appel. Faut-il souligner l’intérêt pour un gouvernement d’exiger l’enregistrement officiel de toutes les conditions tarifaires accordées à des chargeurs ou réceptionnaires nationaux?
720 M$ de surestaries depuis 2001
À la mi-décembre, trois sénateurs américains (un démocrate et deux républicains) ont écrit au ministère de la Défense pour lui demander de mettre un terme aux 720 M$ que représentent les surestaries facturés lorsque les conteneurs sont restitués tardivement. Ces trois parlementaires sont membres de deux sous-comités chargés de surveiller la gestion financière du gouvernement fédéral.
Selon leur communiqué, les sénateurs « reconnaissent que la location de conteneurs est une option qui se justifie, mais le gaspillage actuel demande que les contrats soient mieux négociés et que le suivi des conteneurs soit renforcé afin de réduire les coûteux frais de détention ». Les surestaries dépasseraient dans certains cas le prix d’achat du conteneur. Ils demandent donc, qu’avant le 30 janvier, le programme de réduction des surestaries et des coûts de location des conteneurs leur soit présenté.
C’est un article paru dans USA Today le 29 août dernier qui a mis en émoi les parlementaires. Selon les informations obtenues par le quotidien, depuis 2001, le Pentagone a payé près de 720 M$ de surestaries pour conteneurs non restitués dans les temps. Pour chaque boîte, cela peut monter jusqu’à 2 200 $. Ces 720 M$ sont “négligeables” par rapport aux 553 Md$ dont dispose le Pentagone, mais la période est aux restrictions budgétaires sévères souligne USA Today. Selon le directeur exécutif de Globalsecurity.org cette dérive est due à l’idée, qui s’est relevée fausse, que les conflits en Irak et en Afghanistan seraient de courte durée et que les dépassements de franchise seraient donc faibles. En 2004, les surestaries pour restitution tardive ont culminé à 128 M$ puis sont descendus en 2008, à 17 M$. En 2010, ils ont été de 30 M$.
Cette amélioration est le résultat d’une meilleure gestion et de l’utilisation de ses propres conteneurs par l’armée, explique le porte-parole du Military Surface Deployment and Distribution Command (MSDDC), cité par USA Today. Le MSDDC estime à au moins 300 M$ les surestaries payés entre 2001 et 2004 ajoutant que « ces frais ne sont pas suivis de façon précise ».
Selon Winslow Wheeler, analyste au Centre pour l’information sur la Défense, quand l’armée n’arrive pas à restituer un conteneur, il lui est facturé 7 400 $/20,’ alors que sa valeur neuve est de 3 200 $.
Maersk fait partie des compagnies qui ont encaissé le plus de surestaries, indique le Pentagone.
M.N.